L’Afrique, le Maghreb et les flux migratoires
Pr Abderrahmane Mebtoul (Algérie) : « Il faut poser les véritables problèmes sur les flux migratoires venant d’Afrique » (1/2)
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Une contribution du Dr Abderrahmane MEBTOUL,
Professeur des Universités, expert international
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1.-Un aperçu sur les économies africaines
L’Afrique couvre 30,353 millions de km2. De 100 millions d’habitants en 1900, la population de l’Afrique est passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990 et à 1,2 milliard en 2016. Selon les projections démographiques, dans les années 2050 la population de l’Afrique se situera entre 2 et 3 milliards puis 4 milliards en 2100. Mais sept pays regroupent plus de 50 % de la population. Ainsi, le Nigeria pour 2016 a une population de 187 millions, l’Ethiopie 102, l’Egypte 94, la République démocratique du Congo 80, la Tanzanie 55, le Kenya 47, le Soudan, l’Algérie 41, le Maroc 40, le Ghana 28, la Côte d’Ivoire, le Mozambique, l’Angola, le Cameron entre 23/25, le Niger 20 et le Mali 18 millions d’habitants ; pour les autres pays du Maghreb, la Tunisie 11,3 et la Libye environ 6,3 millions d’habitants.
Aisance relative mais artificielle
Cependant, il existe non pas une Afrique mais des Afriques. Sur la base de la revue du World Economic Outlook des économies les plus prospères du monde réalisée d’après des données publiées par le Fonds Monétaire International, Nextafrique.com identifie le top 10 africain qui domine aujourd’hui la croissance des affaires, en termes de PIB (produit intérieur brut) sont par ordre décroissant :
10 - l’Éthiopie : 48,1 milliards de dollars ;
9 - la Libye (PIB indéterminé, mais dépendant presque entièrement du secteur pétrolier, malgré l’agitation politique et les chutes subséquentes du PIB, les revenus pétroliers du pays assurent encore à la Libye une place dans le top 10 du continent) ;
8 - le Kenya : 55,2 milliards de dollars ;
7 - le Soudan : 70,1 milliard de dollars ;
6 - le Maroc : 105,1 milliards de dollars ;
5 - l’Angola : 121,7 milliards de dollars ;
4 - l’Algérie : 211,9 milliards de dollars ;
3 - l’Égypte : 271,4 milliards de dollars ;
2 - l’Afrique du Sud : 350,8 milliards de dollars ;
1 - le Nigéria (premier) : 580,5 milliards de dollars.
Certains pays notamment le Nigéria, le Gabon, le Tchad, la République démocratique du Congo, l’Algérie, la Libye sont spécialisés dans le pétrole, le gaz et les matières premières, qui connaissent une forte demande et un prix élevé sur le marché mondial leur permettant une relative aisance financière mais artificielle en fonction des cours mondiaux et donc de la croissance de l’économie mondiale notamment des pays développés et émergents.
Conflits, corruption et budgets militaires
A l’inverse, des pays comme le Bénin, le Malawi, l’Ile Maurice, le Swaziland, l’Éthiopie, le Togo, le Mali, sont spécialisés dans des produits qui connaissent souvent une détérioration en termes d’échange. Des conflits internes et externes, la corruption d’une caste et le budget des dépenses militaires en Afrique qui dépasse l’entendement humain au détriment de l’allocation des ressources à des fins de développement, accentuent la misère et la famine. Malgré cette diversité et ses importantes potentialités, l’Afrique est marginalisée au sein de l’économie mondiale mais existe un avenir promoteur comme l’atteste la majorité des rapports internationaux. Selon l’IRES de Paris, l’Afrique représente seulement 1,5% du PIB mondial, 2% du commerce mondial et 2% à 3% des investissements directs étrangers.
Manque de cohérence des politiques
L’Afrique est le continent dont le taux d’échange intra-communautaire est le plus bas. En effet, alors que le volume des échanges intra-asiatiques et intra-européens se situent respectivement aux alentours de 52 % et de 72 %, celui des échanges inter africains peine à franchir la barre des 12/15 %, selon la Banque mondiale et la commission des Nations Unies pour l’Afrique, les échanges intermaghrébins représentant également moins de 3%. Les raisons sont multiples : le manque de cohérence des politiques en Afrique renvoyant à la gouvernance, dont celles des politiques commerciales, industrielles ou agricoles qui doivent pouvoir réaliser l’objectif de faire du commerce intra-communautaire et de l’intégration de véritables leviers du développement.
La lourde responsabilité des dirigeants africains
Par ailleurs, le manque de capitaux, d’infrastructures, des taxes douanières qui coûtent très cher, tous ces problèmes de logistiques associés au manque de compétence des ressources humaines constituent un sérieux frein à la fluidité des échanges (1). L’Afrique voit s’échapper chaque année 192 milliards de dollars causés par des flux illicites contre seulement 30 à 40 milliards d’aide au développement, a révélé le 30 novembre 2016 à Dakar, Amath Soumare, président fondateur de Sopel International et président du Centre africain de la Nouvelle économie, CANE Executive.
Ainsi, les dirigeants africains portent une lourde responsabilité devant leur population et doivent favoriser l’État de droit, la lutte contre la corruption et les mentalités tribales, la protection des droits de l’Homme et s’engager résolument dans la réforme globale, donc la démocratisation de leur société tenant compte de l’anthropologie culturelle évitant de plaquer des schémas déconnectés des réalités sociales.
Fossé grandissant entre riches et pauvres
Le développement de l’Afrique sera profitable à l’ensemble des autres espaces économiques évitant cette migration clandestine avec des milliers de morts. Dans le cas contraire, il est à craindre des crises politiques à répétition. Bon nombre de citoyens africains traversent une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership avec le danger d’une polarisation de la société. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand. L’écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, d’éducation, de santé et de mobilité sociale. Je mets en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage.
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(1) - Intervention du professeur Abderrahmane Mebtoul à l’invitation de « L’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA) » constituée d’importants acteurs africains et non africains) dont le siège est à Dakar – (Sénégal), qui a organisé une grande rencontre internationale entre le 26/30 janvier 2014 sur le thème « l’Afrique doit réinventer son économie », en partenariat avec la Fondation Charles Léopold Mayer pour les progrès de l’Homme, l’African Innovation Foundation : « Face aux enjeux géostratégiques, le développement et la sécurité de l’Afrique doivent se fonder sur l’Etat de Droit et la bonne gouvernance ».
– Intervention du Professeur Abderrahmane Mebtoul invité d’honneur du Professeur Jean-Pierre Chevènement, président de l’Association Algérie-France et de la fondation Res Publica qui a organisé une rencontre avec d’importantes personnalités des deux rives de la Méditerranée en partenariat avec l‘Union européenne le 17 février 2014 à Paris sur le thème : « Face aux enjeux géostratégiques pour un co-partenariat entre le Maghreb et l’Europe, facteur de stabilité de la région ».
– Dans le cadre de la tenue du forum africain d’investissements et d’affaires, qui s’est tenu à Alger, du 03 au 05 décembre 2016, le professeur des Universités, expert international, Dr Abderrahmane MEBTOUL, membre de plusieurs organisations internationales, et notamment membre du conseil scientifique de l’organisation panafricaine dépendante des Nations Unies - CAFRAD, ayant publié de nombreux travaux depuis 1992, sur l’Afrique, continent d’avenir et à enjeux multiples face aux enjeux géostratégiques, avait été sélectionné, à titre d’expert indépendant, pour l’Algérie comme modérateur par le ministère des Affaires étrangères algérien de la session de partage d’expérience (sharing expérience),qui a été consacrée à la présentation des expériences des communautés économiques régionales africaine dans l’intégration régionale en Afrique en présence des représentants de la CEDEAO, CMESA, SADC, UEMOEA.
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Le deuxième volet de cette analyse du Pr Abderrahmane Mebtoul a été publié le 28 juin 2018 : « Les dirigeants africains doivent avoir une autre vision de la politique de l’immigration » (2/2)
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Du même auteur :
Pr Abderrahmane Mebtoul (Algérie) : « Pour un dialogue de tolérance entre le monde musulman et l’Occident » (21 mars 2018)
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