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#AmbitionAfrica - Axel-Emmanuel Gbaou, PDG du “Chocolatier ivoirien” : « En Afrique, il nous faut passer à la transformation locale de nos matières premières »

5 novembre 2019
#AmbitionAfrica - Axel-Emmanuel Gbaou, PDG du “Chocolatier ivoirien” : « En Afrique, il nous faut passer à la transformation locale de nos matières premières »
Ancien cadre bancaire à Abidjan, devenu artisan et PDG du « Chocolatier ivoirien », Axel-Emmanuel Gabou a été repéré en Côte d’Ivoire par les équipes de Business France et invité à participer au grand forum #AmbitionAfrica 2019, les 30 et 31 octobre à Paris-Bercy. Nous le retrouvons le lendemain au Salon du Chocolat, toujours à Paris… Témoignage d’une reconversion très réussie.

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Propos recueillis par Bruno Fanucchi, AfricaPresse.Paris
@PresseAfrica

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Comment vous êtes-vous retrouvé à Ambition Africa ?

Axel-Emmanuel Gbaou – L’équipe Business France de Côte d’Ivoire m’a contacté pour m’y inviter, en me disant : « C’est à Paris-Bercy et c’est une belle opportunité pour vous ». J’ai hésité, mais comme cela tombait en même temps que le Salon du Chocolat, je suis venu, j’ai participé à une table ronde sur le thème « Comment l’Afrique deviendra-t-elle le prochain géant agricole et agroalimentaire ? ».

C’était très bien, j’ai beaucoup apprécié. On a fait déguster notre chocolat et on en a profité pour faire beaucoup de réseautage. On a rencontré des personnes intéressantes : des ministres d’Afrique, mais aussi des fournisseurs de grands hôtels parisiens. Vraiment du bon réseautage.

Quand on est banquier, comment devient-on artisan chocolatier ?

Axel-Emmanuel Gbaou – J’ai fait droit public et Sciences Po à l’Université de Côte d’Ivoire. J’ai donc commencé comme banquier, mais sans passion. À Abidjan je travaillais à la Banque Atlantique, un grand groupe afro-ivoirien présent dans neuf pays d’Afrique, repris depuis par un grand groupe marocain. J’y ai passé juste 2 à 3 ans comme gestionnaire de comptes… Et j’ai démissionné pour embrasser la carrière d’artisan chocolatier, en 2010.

J’ai appris le métier en Côte d’Ivoire auprès d’un Ivoirien, le chef pâtissier du Golfe Hôtel. Il a 30 ans de métier, il a participé à la Coupe du monde de pâtisserie… il m’a inculqué tout ça.
Par la suite, j’ai été moi-même champion de Côte d’Ivoire et vice-champion d’Afrique en chocolat-pâtisserie, en 2014.

Comment vous est venue cette passion pour le chocolat ?

Axel-Emmanuel Gbaou – Mes parents ont été élevés par des missionnaires suisses et, depuis l’âge de 5 ans, j’ai grandi avec le chocolat. J’ai donc démissionné pour devenir chocolatier, parce que c’est absurde de voir un pays comme la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de fèves de cacao avec plus de 2 millions trois cent mille tonnes, et pas une seule tablette de chocolat ivoirien en rayon !

Quelque 70 % des fèves de cacao viennent de ce Continent et il n’y a pas de transformation, comme dans beaucoup de pays africains. On a grandi tous à l’ombre des cacaotiers sans produire une seule tablette locale de chocolat. Il y a en Côte d’Ivoire, plus de 150 partis politiques, mais pas une seule marque de chocolat.

Quel a été le déclic de cette nouvelle aventure ?

Axel-Emmanuel Gbaou – Le déclic, c’est cette absurdité : en Côte d’Ivoire, il y a énormément de matières premières et rien n’est transformé localement. C’est absurde. Il y a en revanche un poste stratégique dans la banque en Côte d’Ivoire qu’on appelle les « banquiers cacao ». Ce sont les stars de la banque parce qu’ils brassent et font défiler des millions… Mais ils ne produisent ni ne transforment rien. Où est leur plus-value ?

Je ne pouvais pas voir toute cette richesse gaspillée sans rien faire et je me suis extirpé du secteur bancaire. J’ai donc décidé de changer les choses. Car en Afrique, il faut passer de la production à la transformation locale de nos matières.

Axel-Emmanuel Gbaou et son équipe sur leur stand du « Chocolatier ivoirien », à Paris début novembre, au Salon du Chocolat. © B. Fanucchi

Et cela marche très fort…

Axel-Emmanuel Gbaou – Aujourd’hui, on trouve nos tablettes de chocolat à l’aéroport d’Abidjan. Nous proposons quatorze saveurs différentes en rayon dans tous les supermarchés ivoiriens : chocolat au gingembre, piment – qui a été le best-seller au Salon du Chocolat –, noix de cajou, coco, citronnelle, menthe, riz soufflé, sésame grillé, chocolat au lait, chips de banane plantain, etc.

Notre dernière collection s’appelle Coco Révolution : en un mois, nous en avons vendu 10 000 tablettes à Abidjan. Du coup, on est entré en rayon de supermarché et les grands groupes commencent à s’intéresser à nous. Nous venons de signer un contrat pour 12 vols par semaine dans les avions. Nous sommes très contents. Nous produisons 10 000 tablettes par mois, mais on veut très rapidement tripler cette capacité de production, passer au stade semi-artisanal.

« J’ai déjà formé quelque 2 000 femmes
de planteurs à transformer le cacao »

À quel prix vendez-vous vos tablettes de chocolat à Abidjan et quel est votre chiffre d’affaires ?

Axel-Emmanuel Gbaou – La tablette est vendue en rayon autour de 2 500 francs CFA (3,75 euros), mais en gros je la vends 1 800 francs CFA parce que je travaille avec des distributeurs, je ne fais pas du détail. Notre chiffre d’affaires était l’an dernier de 50 millions de Francs CFA, ce qui fait 75 000 euros. Mais on peut le doubler cette année.

La particularité, c’est qu’après avoir été champion de Côte d’Ivoire, j’ai décidé de former des Ivoiriens à la transformation. Et j’ai déjà formé quelque 2 000 femmes de planteurs de cacao dans les villages pour leur apprendre à torréfier et à entrer ainsi dans la chaîne de valeur de la transformation.
Il faut que les femmes de planteurs transforment le cacao.

Elles auront ainsi un revenu complémentaire à celui de leur mari pour que la famille soit un peu plus à l’aise. Et aujourd’hui les femmes vendent leurs fèves de cacao 5 euros le kilo (soit 3 000 francs CFA). C’est bien plus que 1 euro et des broutilles, prix dérisoire auquel les grandes multinationales achètent leur récolte. Elles vendent leur beurre de cacao à 10 et 20 euros le kilo, et c’est pour elles une plus-value dont je suis fier. J’ai déjà formé 2 000 femmes et je compte en former encore dix fois plus.

Quelle est votre production et quels sont vos concurrents ?

Axel-Emmanuel Gbaou – Avec 2 millions de tonnes produites, je ne pense pas que nous aurons des concurrents, j’ai la plus grande unité de fabrication de chocolat. Il faut une pluralité de parfums et de saveurs pour que la plus-value reste sur le Continent.

80 % des fèves de cacao de la Côte d’Ivoire sont achetées un an à l’avance par les multinationales ; cela veut dire que la récolte de 2020 est déjà achetée. Et les paysans qui produisent le cacao sont dans la misère. C’est pratiquement comme le lait, en France : les grands distributeurs achètent le lait aux fermiers à des prix dérisoires. C’est comme le prix du coton : comparé au prix du jean, c’est 100 fois moins !

Combien de personnes employez-vous dans votre entreprise, « Le chocolatier ivoirien » ?
Axel-Emmanuel Gbaou –
Actuellement, nous employons dix personnes, mais on compte doubler les effectifs l’an prochain. Chez nous, tout est fait et emballé manuellement. On fabrique le chocolat de façon traditionnelle. Et aujourd’hui nous sommes distribués dans douze pays d’Afrique, ainsi que dans un certain nombre de boutiques parisiennes.

Nous avons aussi nos créations au musée du Quai Branly, à la boutique des Arts premiers avec des chocolats en forme de masques africains. Pour nous, le marché occidental est extrêmement dynamique, les consommateurs apprécient de goûter un chocolat un peu différent. Nous sommes en pourparlers avec Monoprix.

Êtes-vous accompagné par les autorités ivoiriennes ?
Axel-Emmanuel Gbaou –
Je suis né et j’ai grandi en Côte d’Ivoire, mais depuis 2016 j’ai mon propre stand ici, au Salon du Chocolat de Paris, où je viens à mes propres frais. L’État m’aide-t-il financièrement ? En Europe, on soutient les entrepreneurs, mais en Afrique c’est autre chose. Moi, je ne veux pas que l’État me finance. Je veux être seul à faire tourner ma petite entreprise. Je me débrouille.

Le rôle de l’État, c’est de créer les conditions nécessaires pour travailler. En revanche, quand l’État de Côte d’Ivoire me paie comme artisan chocolatier pour venir à Paris faire une prestation sur le stand officiel, c’est bien. C’est ce que je demande, mais pas plus. Parce que si l’État doit vous financer, vous verrez bientôt des ministres qui vont se transformer en chocolatiers…

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