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Réuni à Paris, le RICE veut mettre fin
au duopole Western Union-MoneyGram
sur les transferts de fonds vers l’Afrique

4 décembre 2018
Réuni à Paris, le RICE veut mettre fin au duopole Western Union-MoneyGram sur les transferts de fonds vers l'Afrique
Le Réseau International des Congolais de l’Extérieur (RICE) est à la recherche d’un partenaire financer afin de mettre en place un nouveau système de transfert de fonds internationaux vers l’Afrique. Avec un double objectif : réduire les commissions jugées « abusives » demandées à la diaspora par les deux opérateurs américains ; créer un fonds de financement pour distribuer des microcrédits aux petits entrepreneurs africains, a annoncé Christian Kader Keita (photo), Secrétaire général du RICE, lors des IVes Rencontres entrepreneuriales de l’association, tenues vendredi 30 novembre à Paris.

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Le fleuve fait des détours parce que personne ne lui montre le chemin, dit le proverbe africain… Lors de ses IVes Rencontres entrepreneuriales, vendredi 30 novembre à Paris, le RICE (Réseau International des Congolais de l’Extérieur) s’est voulu direct et montrer la voie à suivre à la diaspora africaine, qu’elle réside en France ou en Europe. L’association a en effet lancé une double initiative, visant d’une part à réduire le coût des transferts de fonds de l’Europe vers l’Afrique et, d’autre part, à financer les microprojets de ceux qui ambitionnent de créer ou de développer leur entreprise sur le Continent.

Coûteux transferts d’argent

Depuis 2010, le RICE s’emploie à « trouver de bons projets “bancables“ d’entreprises et à mettre en contact ces entrepreneurs avec des financiers", comme l’a rappelé Ambroise Fouti Loemba – le président de cette association qui se revendique « indépendante et non politique » –, en ouverture de ces Rencontres dont le thème était consacré au financement des projets entrepreneuriaux, les fonds participatifs d’investissement et les fintechs.

Ambroise Fouti Loemba, président du Réseau International des Congolais de l’Extérieur (RICE) © JLA/AfricaPresse.Paris

Aussi, après avoir ces dernières années distingué nombre d’entrepreneurs ou d’associations en leur décernant des Prix, le RICE a-t-il décidé de franchir une étape supplémentaire afin que l’association puisse financer elle-même des projets, tout en s’attaquant à un problème qui empoisonne la vie de la diaspora africaine : les très coûteux transferts d’argent.

« Les clients sont des pigeons ! »

« En 2016, l’Afrique a reçu 60,5 milliards de dollars de la part de ses ressortissants établis à l’étranger, a expliqué Christian Kader Keita, secrétaire général du RICE. Pour autant c’est un marché morcelé de 54 pays où il est très difficile d’instaurer une concurrence, tant les clients sont des pigeons ! Résultat, les frais de transfert y sont plus élevés qu’ailleurs : 9 % en moyenne contre 7 % pour le reste du monde. L’Union européenne en parle ainsi que la Banque Mondiale, qui souhaiterait que ces frais passent à 3 % d’ici 2030, et l’on peut se demander ce que font nos gouvernements »...

Le marché est largement dominé par deux opérateurs américains, Western Union et MoneyGram, qui ont signé des accords d’exclusivité avec les États africains en matière de transfert. Conséquence : « Ces contrats empêchent d’autres acteurs d’entrer sur ce marché, constate avec amertume Christian Kader Keita. En outre, nous Africains n’arrivons pas à parler d’une seule voix ».

Une plainte de l’UFC-Que Choisir

Des tarifs jugés tellement « injustes » et un marché des transferts si verrouillé que l’association française de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a annoncé, mardi 27 novembre, qu’elle portait plainte devant le Procureur de la République contre Western Union et MoneyGram pour « pratiques commerciales trompeuses », car leurs clients ne seraient pas informés complètement et clairement sur l’ensemble des tarifs à régler, tant au départ de l’argent que, à son arrivée, par le destinataire.

« Nous sommes le continent le plus pauvre et pourtant c’est nous qui payons le plus cher les transferts, s’est indigné Christian Kader Keita. Or, l’importance des transferts de fonds, tous les Africains la connaissent : l’argent que nous envoyons permet d’aider nos familles, de scolariser nos enfants, etc. Pour nous, cet argent, ce n’est pas le nerf de la guerre, c’est le nerf de la vie ».

« Bouée de sauvetage »

De fait, selon la Banque mondiale, les deux tiers des fonds transférés servent à acheter des biens de consommation et à payer des frais de santé et de scolarité. Le reste est consacré à l’acquisition de biens immobiliers (terrains, maisons, etc.) et à de l’investissement pour lancer de petites entreprises. Ce qu’observe depuis longtemps Laura Hammond, de l’École d’études orientales et africaines de l’université de Londres, et experte de l’industrie des envois de fonds : « D’une certaine manière, et dans certains pays, la diaspora africaine est devenue une bouée de sauvetage et a réussi là où la communauté internationale a échoué ».

Or, du point de vue du développement, « le potentiel qu’offrent pour l’Afrique les émigrés reste en grande partie inexploité », affirme Dilip Ratha, économiste principal à la Banque mondiale. Pour cet expert, « les pays du continent doivent notamment renforcer les liens avec leurs diasporas et accroître la concurrence sur les marchés des envois de fonds ».

Suppression des contrats d’exclusivité

Musique célestiale pour le RICE. « Bien sûr, nous militons avant tout pour la suppression des contrats d’exclusivité en vue d’assainir davantage la concurrence sur le marché », a assuré le secrétaire général du RICE. Mais sans attendre, l’association s’est attachée à « imaginer comment on peut mettre en place un système de transferts de fonds de pays à pays (…)
Nous avons commencé à discuter avec les ambassades, a expliqué Christian Kader Keita. Ainsi, lorsque vous allez demander un visa, vous pourriez cliquer sur un bouton, vous connecter à notre site et si vous devez emporter 8 000, 20 000 ou 30 000 euros, vous les déposez chez nous et vous les récupérez en arrivant sur place ».
Le RICE est donc à présent à la recherche d’un partenaire avec lequel travailler et mettre en place ce système de transfert en 2019.

Un fonds pour le microcrédit

D’autant que le deuxième volet de l’opération est tout aussi important que le premier : « Quand vous payez 4 % un transfert, a précisé Christian Kader Keita, nous savons qu’il faut rémunérer 2 % l’institution bancaire, mais le RICE voudrait que les 2 % restants soient placés dans un fonds pour faire du microcrédit aux jeunes entrepreneurs qui ont souvent besoin de petites sommes, 2 000 euros par exemple, pour amorcer leur business plan ou un projet. Aucune banque ne vous prête pour ça, mais nous, nous voulons qu’une partie de l’argent de vos transferts soit dédiée à cette activité ».

Pas de cadre réglementaire ad hoc

Au centre de ces quatrièmes Rencontre du RICE, l’argent de la diaspora et le financement des entrepreneurs africains ont également été évoqués lors d’une table ronde animée par Alfred Mignot, directeur fondateur d’AfricaPresse.Paris. Ainsi, Thameur Hemdane, président fondateur de la plate-forme de financement participatif Afrikwity (https://www.afrikwity.com/), a-t-il rappelé que les 65 milliards de dollars par an envoyés par la diaspora en Afrique « représentent trois fois l’aide publique au développement pour le continent ». « Notre ambition, a-t-il aussi précisé, est qu’une partie de cet argent vienne financer des entreprises, ce qui permettrait de créer de la richesse en favorisant l’emploi ».

De gauche à droite : Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint, spécialiste de l’Afrique digitale ; Thameur Hemdane, président fondateur de la plate-forme de financement participatif Afrikwity, ; Alfred Mignot, directeur d’AfricaPresse.Paris, animateur de la table ronde sur les fintech et l’inclusion financière en Afrique. © JLA/AfricaPresse.Paris

Pour Thameur Hemdane, le financement participatif est indiscutablement un « outil d’avenir majeur pour mobiliser les ressources financières de la diaspora », mais aussi des Africains résidants, vers le financement des PME. « Le problème à ce jour, a-t-il regretté, c’est qu’aucun pays en Afrique n’a bâti un cadre réglementaire ad hoc… »

Et c’est bien dommage, car l’Afrique a pris une avance considérable sur les autres continents dans le domaine des nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) consacrées aux techniques financières (fintechs) ciblées sur le grand public, notamment la banque mobile et les e-paiements, comme l’a longuement expliqué Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint et auteur d’un récent ouvrage « Le digital en Afrique - Les cinq sauts numériques », paru dans la collection « Les cahiers du CIAN » (Éditions Michel Lafon).

Création d’Efficience Africa Fund

Autre intervenant lors des Rencontres du RICE, Élie Nkamgueu, président du Club Efficience, a longuement évoqué le projet qu’il prépare activement : la création d’Efficience Africa Fund (EAF), un « fonds généraliste destiné à soutenir les PME africaines » et domicilié en France.

Élie Nkamgueu, président du Club Efficience © JLA/AfricaPresse.Paris

Élie Nkamgueu se donne également pour objectif de mobiliser la diaspora africaine pour participer au développement du continent : en convainquant « 2 % des 5 millions de personnes de la diaspora, soit 100 000 personnes, d’épargner 50 € par mois sur 10 mois, soit 500 € par an, on constituerait un fonds d’investissement de 50 millions d’euros », explique-t-il.

Porteur du projet, le Club Efficience est accompagné par le Cabinet d’avocats Orrick, SGSS, E&Y, All Invest, Data Tryb ainsi que par Investisseurs & Partenaires – quinze ans d’expertise sur l’investissement à impact social (impact investing) en Afrique – qui assurera la gestion financière d’Efficience Africa Fund. Les démarches administratives pour obtenir les autorisations nécessaires auprès de l’Agence des marchés financiers (AMF) sont en cours.

Il est ainsi probable qu’en 2019 les Africains de la diaspora pourront bénéficier de nouveaux véhicules, tant pour investir en Afrique que pour leurs transferts d’argent vers le Continent.

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SUR LE MÊME THÈME

 Premier succès pour Afrikwity de Thameur Hemdane, la preière plate-forme de financement participatif dédiée à l’Afrique https://bit.ly/2HWgPWo

 Élie Nkamgueu, Président du Club Efficience : « Initié par la diaspora, Efficience Africa Fund soutiendra les PME africaines » https://bit.ly/2LXuqPF

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