Retrouvez AfricaPresse.paris sur :
RSS

Outils

Rapport Fuchs-Tabarot / La réalité paradoxale du « sentiment anti-français » : « La France, on la veut, mais on la veut autrement, » témoignent des Africains

12 novembre 2023
Rapport Fuchs-Tabarot / La réalité paradoxale du « sentiment anti-français » : « La France, on la veut, mais on la veut autrement, » témoignent des Africains
Le Député Bruno Fuchs durant la présentation à la presse de son Rapport sur la relation Afrique-France, à l’Assemblée nationale française, le 8 novembre 2023. © AM/APP
Député du Haut-Rhin et Délégué général de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, Bruno FUCHS a présenté à la presse mercredi 8 novembre son rapport sur les relations entre la France et l’Afrique, rapport voté le matin même par La Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Un texte lucide et aux recommandations ambitieuses.

.

par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@alfredmignot | @africa_presse

.

Alors que pour expliquer la vague de désamour actuel de l’Afrique envers la France, certains observateurs mettent en cause en particulier « l’arrogance française », plus évidente que jamais avec les hauts fonctionnaires de la génération Macron – souvent ses condisciples de promotion de l’ENA –, propulsée aux responsabilités malgré son ignorance patente des réalités et cultures africaines, l’origine des malentendus trouve l’une de ses racines bien plus loin, dans le discours de La Baule du président François Mitterrand, peut-on comprendre à la lecture du Rapport de Bruno Fuchs et de Michèle Tabarot (p. 37) :

.

Le discours « régressif »
de François Mitterrand

.

« Dans son discours de La Baule en 1990, le président de la République indique que « la France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté » et précise : « Lorsque je dis démocratie, lorsque je trace un chemin, lorsque je dis que c’est la seule façon de parvenir à un état d’équilibre au moment où apparaît la nécessité d’une plus grande liberté, j’ai naturellement un schéma tout prêt : système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure : voilà le schéma dont nous disposons ».

« Ce discours est alors mal reçu [poursuit le Rapport] des dirigeants africains, qui y voient une régression de la garantie de sécurité offerte par la France aux seuls États et non plus aux régimes, et une forme d’ingérence dans leurs affaires intérieures : la France réduit le spectre de sa garantie, durcit ses conditions de soutien et ne veut plus considérer l’Afrique francophone comme son pré carré. »

Cette conditionnalité démocratique s’avérera une grande source de ressentiment, alimentant la suspicion grandissante des Africains d’un « double standard », à mesure que la France réagissait différemment aux coups d’État et autres « entorses » faites à la démocratie élective, alternant condamnation totale et attitude accommodante.

Ainsi, prenant acte de la faible productivité symbolique, côté africain, des multiples initiatives porteuses de changement initiées depuis le discours de Ouagadougou (2017) par la président Emmanuel Macron – la volonté de réconcilier les mémoires ; la restitution d’oeuvres d’art ; la montée en puissance de l’aide publique au développement ; l’engagement de la réforme du Franc CFA ; la poursuite de la lutte contre le terrorisme ; l’ouverture à la société civile et la facilitation de l’entrepreneuriat des diasporas, etc. – le Rapport relève que « Pour la très grande majorité des personnes rencontrées par les rapporteurs, le rejet est à la hauteur des espoirs déçus : « la France, on la veut mais on la veut autrement » nous disent-ils. Tant que la France ne changera pas ses pratiques et ses attitudes, il faudra s’attendre à des expressions et à des gestes d’indifférence chez une partie des Africains allant jusqu’au rejet ou à la haine, à la manière du dépit que peut susciter une déception amoureuse. »

.

« Réinventer la politique
africaine de la France »

.

Si la France a des torts, que le Rapport pointe sans complaisance – notamment la suppression en 1998 du ministère de la Coopération, essentiellement tourné vers l’Afrique, ou encore l’effondrement du nombre de coopérants et le délitement de la connaissance fine du Continent – l’action hostile de certains autres compétiteurs sur le terrain africain est aussi une explication de la viralisation du « sentiment anti-français », on le sait, mais le Rapport a le mérite d’éclairer le lecteur en détaillant le modus operandi du plus visible d’entre eux, « la propagande russe officielle ou relayée par Wagner » [cité 37 fois dans le Rapport].

Source : Rapport Fuchs-Tabarot. © DR

.

Ainsi, « un fossé semble s’être creusé entre la France et l’Afrique », note Bruno Fuchs. Paradoxalement en apparence, ou, tout au contraire, fort justement en profondeur, c’est avec l’Afrique francophone, l’Afrique de nos proximités, de nos affinités, de nos passions tumultueuses et lointaines que ce fossé s’est le plus nettement creusé. C’est aussi l’Afrique qui nous renvoie à notre passé colonial qu’il faut savoir solder. »
« Il est urgent de réinventer notre politique africaine, de proposer une nouvelle offre stratégique », affirme Bruno Fuchs.

.

Les recommandations majeures
préconisées par Bruno Fuchs

.

« Conscient que la capacité d’écoute n’a pas été un point fort de la France, cette mission a mis un point d’honneur à élargir la base de ses auditions à l’ensemble des acteurs significatifs et alternatifs, dans le souci d’une approche rigoureuse représentative de toutes les sensibilités en présence » précise Bruno Fuchs.

Ce travail minutieux a servi de terreau à l’émergence de ce que Bruno Fuchs appelle à constituer un véritable plan d’action pour l’Afrique, articulé autour de nombreuses recommandations sectorielles.
LES VOICI, en précisant que ces mesures ne sont pas exhaustives et appellent à une mise en œuvre dont le détail des déclinaisons et les terrains privilégiés d’application sont précisés en fin de rapport

A/ Retrouver de la cohérence
et de la lisibilité dans notre action

1 > Proposer une offre stratégique claire et ambitieuse

2 > Mieux piloter les politiques publiques en créant un grand ministère des Nouveaux Partenariats ET de l’Afrique

3 > Impliquer les citoyens dans le débat sur l’Afrique et de fait associer étroitement le parlement :

B/ La France « autrement » :
en finir avec les « irritants »

4 > Arrêter le double-standard et clarifier la doctrine de conditionnalité démocratique de la France.

5 > Achever la réforme du Franc CFA

6 > Changer radicalement de politique de délivrance des visas tout en conservant la maitrise des flux

7 > Éradiquer les comportements paternalistes et condescendants que nous maintenons exclusivement avec l’Afrique francophone

C) Mieux piloter notre action,
la rendre plus efficace

8 > Faire de l’Aide au développement le ressort de notre stratégie d’influence.

9 > Réarmer et valoriser notre diplomatie-Afrique

10 > Renforcer nos avantages compétitifs

11 > Miser sur le développement économique et sur les investissements

12 > Déployer une stratégie performante de communication et de lutte contre la désinformation

.

TÉLÉCHARGER LE RAPPORT :

.

.

◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊ ◊

.

REPLAY DE LA CMAAP 10 / Grand succès de la Xe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris, organisée par AfricaPresse.Paris, et qui a réuni sept Excellences à l’Académie des Sciences d’Outre-mer, le 20 septembre 2023

.

◊ ◊ ◊

Articles récents recommandés