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Pour une nouvelle Francophonie / Denis Deschamps : « Refonder la Francophonie en s’appuyant sur les forces vives de l’Afrique »

20 décembre 2023
Pour une nouvelle Francophonie / Denis Deschamps : « Refonder la Francophonie en s'appuyant sur les forces vives de l'Afrique »
Denis Deschamps, Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer. © DR
Lors de la présentation à l’Académie des Sciences d’Outre-mer du rapport des députés Bruno Fuchs et Michèle Tabarot sur la relation entre la France et l’Afrique, l’ancien Premier ministre de la Centrafricaine (RCA) a évoqué la Francophonie comme « un chef d’œuvre en péril » et appelé à la création, en France, d’un véritable ministère de la Coopération et de la Francophonie.

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Une contribution de Denis DESCHAMPS,
Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer

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Martin Ziguele a ainsi clairement exprimé le désarroi qui frappe de nombreux défenseurs de la communauté de langue française en Afrique (31 pays sur 54), par rapport à une Francophonie institutionnelle dont on ne comprend pas toujours bien la stratégie, et à une France officielle dont on ne perçoit pas vraiment les objectifs sur le continent.

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Le problème de la Francophonie,
c’est la France ?

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Cela pourrait être une boutade, prononcée avec un accent d’Amérique du Nord ou bien belge, mais cela traduit en fait une forme de terrible réalité, qui est vécue au quotidien par les francophones d’Afrique.
Avec un choix outré de terminologies anglo-saxonnes pour désigner les actions et programmes visant l’Afrique (par exemple : « Choose Africa » de l’AFD – Agence française de développement ; « Meet Africa » de la BPI – Banque publique d’investissement…), ou même l’abandon obligé de l’usage du français dans les instances communautaires, à Bruxelles (aujourd’hui, moins de 3 % de textes sont négociés en français, alors même que les fonctionnaires issus de l’administration française y sont parmi les plus nombreux), on doit déplorer que la France semble ainsi jouer contre le destin de son propre camp.

Sans doute, un jour, l’intelligence artificielle viendra-t-elle remédier à cette inquiétante dérive (peut-être aussi inévitable), mais, d’ici là, la France aura certainement bien peu contribué à l’intégration mondiale d’une Afrique qui, malgré tout, se tourne encore vers elle et dont les espoirs et attentes sont encore trop souvent déçus.

Il y a, par rapport à cela, nombre d’explications, comme la quasi-disparition de la coopération française (750 coopérants en Afrique en 2023, contre 10 000 en 1998, pour un total, comme le souligne Pierre Jacquemot du Groupe Initiatives, de 200 000 coopérants français qui sont intervenus sur le continent depuis 1963) et d’autres facteurs justement exposés dans le rapport Fuchs – Tabarot.

Martin Ziguele, ancien Premier ministre de la RCA, lors de son intervention à l’Académie des Sciences d’Outre-mer, à Paris, le 14 décembre 2023. © CPCCAF

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Les enseignements du Rapport
Fuchs-Tabarot

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Les parlementaires font ainsi le constat du divorce entre l’Afrique et la France, qui devrait normalement se traduire par une prise de conscience de la nécessité de revoir complètement cette relation marquée par l’histoire, dans une logique d’abord partenariale et surtout égale, et aussi à très grande distance du soupçon du « double standard » dont elle pâtit (avec des forces militaires françaises en présence en Afrique, qui doivent se combiner avec un discours volontiers moralisateur/paternaliste des autorités françaises).

Or, la décolonisation mentale (autrement dit, la « deuxième décolonisation ») peine à prendre du côté français, où des initiatives maladroites peuvent ajouter aux différents « irritants » qui sont autant d’erreurs majeures vis-à-vis de populations en demande d’une juste reconnaissance :
La politique de délivrance des visas, on ne le répètera jamais assez, est, par défaut notamment d’agilité procédurale, une véritable fabrique à ressentiment anti-français d’Africains qui sont désireux de venir étudier ou travailler en France et aussi d’y nouer des partenariats économiques et commerciaux ;
L’abandon de la langue française, par-delà la communication autour de Villers-Cotterêts, est une véritable hérésie pour des africains qui ne comprennent pas pourquoi ils devraient maintenant recourir à l’anglais alors qu’ils ont eu le français en héritage (ou « butin », pour ne citer que les meilleurs auteurs) ;
L’absence de stratégie de la France, concertée avec l’Afrique, pour sortir d’une crise institutionnelle profonde, moyennant des actions concrètes pour répondre concrètement aux insatisfactions et revendications qui sont partout manifestées par la jeunesse africaine.

Comme indiqué plus haut, il y a certes des initiatives qui sont prises, mais on peut vraiment craindre qu’elles ne soient contre-productives. Ainsi, s’agissant de Francophonie, au lieu de jouer clairement avec les acteurs clefs comme les entreprises ou les institutions culturelles (Alliances françaises et Instituts culturels français), structures de recherche, associations et ONG de terrain qui sont présentes en Afrique, la France semble encore et toujours privilégier un point de vue de politique interne.

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À partir du mois de mars, « Le Festival
de la Francophonie 2024 »

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Dans la dynamique du dernier Sommet Afrique - France, « l’esprit de Montpellier » devrait donc à nouveau souffler, tel le vent paraclet, pour ambiancer le XIXe Sommet de la Francophonie, qui est prévu en France, les 4 et 5 octobre 2024. On peut certes s’en féliciter, mais on doit aussi appeler à la vigilance par rapport à la tournure nécessairement politique que pourrait prendre l’organisation locale d’événements confiés au premier chef aux collectivités territoriales françaises.

À partir de mars 2024, un « Festival de la Francophonie », ponctué de manifestations à la fois communicantes et visuelles, menées sur un mode « désinstitutionnalisé », mais avec des personnalités marquantes, devrait ainsi permettre aux collectivités territoriales françaises ayant « manifesté leur intérêt » d’adresser un large public qui pourra alors découvrir des projets valorisant la langue française comme levier d’innovation et de développement.

Outre les nécessaires thématiques culturelles et sociétales, nous espérons ainsi sincèrement que l’économie et l’entrepreneuriat francophone pourront être au nombre des sujets traités dans le cadre du « Festival de la Francophonie 2024 », qu’il s’agisse par exemple des industries culturelles et créatives (ICC), de l’intelligence artificielle (IA), de la mode, de la santé et d’autres aspects tels que la responsabilité sociétale des organisations / entreprises…

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Infographie: La francophonie connaît une forte croissance dans le monde | Statista Vous trouverez plus d’infographie sur Statista

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Avec la Francophonie, nous pouvons réanimer
la flamme de l’amitié entre l’Afrique et la France

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Ayant pour thématique « créer, innover, entreprendre en français », le XIXe Sommet de la Francophonie a pour ambition de mettre la Francophonie au service des peuples (en particulier, les jeunes et les femmes), avec des événements que l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie), en lien avec le ministère français de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) veut marquer par des débats intellectuels et des scènes culturelles, académiques, scientifiques et entrepreneuriales.

À cet égard, on rappellera que la nouvelle programmation de l’OIF (2024-2027) adoptée à Yaoundé (Cameroun), le 5 octobre 2023 et entrant en vigueur le 1er janvier 2024, sera plus particulièrement dédiée au développement économique inclusif et durable des populations francophones.

Dans le cadre de cette programmation, 20 programmes d’actions ont été ainsi conçus par l’OIF, pour : renforcer l’insertion professionnelle des jeunes dans les métiers d’avenir, moyennant une offre de formation adaptée ; favoriser l’autonomisation des populations les plus vulnérables (femmes et jeunes) pour leur permettre de faire face aux défis de l’environnement, climatiques, économiques et sociaux ; promouvoir les échanges commerciaux et développer des initiatives innovantes en direction des femmes et des jeunes.

Sans doute peut-on alors se saisir de cette excellente opportunité pour valoriser, dans le cadre du « Festival de la Francophonie 2024 », des initiatives à caractère économique et sociétal portées par des personnes bénéficiant de la double-culture, parce que francophones / afro-descendantes, pour réaffirmer le lien intime qui existe toujours – malgré tout – et devrait pouvoir encore se développer, entre l’Afrique et la France.

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L’initiative Africa Fashion up,
portée par Valérie Ka

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Valerie Ka (à droite) entourée des lauréats de l’édition 2022 du Forum Share Africa. © DR

On évoquera pour cela 4 projets, choisis parmi tant d’autres parce que portés par des femmes afro-descendantes, dans des secteurs aussi divers que la Mode, la Santé, l’Intelligence artificielle et la Responsabilité sociétale des organisations (RSO).

Tout d’abord, s’agissant de la Mode, secteur économique en fort développement en Afrique, qui contribue notablement à la promotion des femmes et des jeunes : l’initiative Africa Fashion up portée par Valérie Ka (association Share Africa) et qui se traduira par une grande manifestation (musée du Quai Branly, juillet 2024) consacrée à la mode africaine contemporaine, mettant en lumière la créativité africaine au travers de la sélection de jeunes stylistes et designers dans le domaine de la mode.

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L’action Blue Mind, portée
par Marie-Alix de Putter

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Ensuite, dans le domaine de la Santé, l’action Blue Mind, portée par Marie-Alix de Putter, qui a pour objet de remédier aux problèmes des femmes africaines qui sont dans une situation de grande vulnérabilité, particulièrement le champ du bien-être mental. Avec une approche résolument pragmatique, ce programme fait ainsi des coiffeuses les premières ambassadrices de la santé mentale en Afrique.

Pour mémoire : Selon l’OMS, 116 millions de personnes souffrent de troubles de la santé mentale en Afrique. 60 % de ces personnes sont des femmes de moins de 25 ans. Par ailleurs, l’Afrique manque de ressources humaines et financières : les pays du continent consacrent 0,1$/ habitant pour la santé mentale et, alors que l’OMS préconise 1 thérapeute pour 5 000 habitants, la moyenne africaine est de 1/500 000. Au Cameroun, il y a ainsi 10 thérapeutes pour 26 millions d’habitants, soit un ratio de 1/ 2 600 000.

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Le projet FIDIMA
porté par Saholy Malet

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Pour ce qui concerne, par ailleurs, l’Intelligence artificielle et la Blockchain, on évoquera le projet FIDIMA (Forum international des investisseurs à Madagascar et en Afrique) porté par Saholy Malet et qui vise à mettre en lumière les enjeux économiques, culturels, juridiques et éthiques de l’intelligence artificielle en Afrique, particulièrement auprès des chefs d’entreprise qui interviennent sur le continent (comme à Madagascar, où l’Ecole 42 est désormais bien implantée).

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Le projet RSO, porté par
Tania-Bénédicte Mbaka

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Enfin, le projet relatif à la Responsabilité sociétale des organisations (RSO), porté par Tania-Bénédicte Mbaka, qui vise à permettre, moyennant un renforcement de compétences, aux organisations et entreprises d’atteindre la performance globale et durable, grâce à l’intégration des obligations et défis environnementaux dans leur gouvernance.

Aucun de ces quatre projets – on peut aussi regretter l’usage de l’anglais pour certains, mais cela conditionne aussi l’obtention de financements – n’est de nature politique, comme, trop souvent, des initiatives soutenues par les pouvoirs publics en direction des diasporas peuvent l’être en France.

Outre ces quatre projets émanant du secteur privé, il en existe certainement beaucoup d’autres, portés notamment par des clubs d’entrepreneurs de diasporas et qui devraient, selon nous, pouvoir bénéficier d’une visibilité d’autant plus grande que leur but est d’abord économique, et également de contribuer à la croissance de relations d’affaires constructives entre la France et les pays d’Afrique.

En d’autres termes, la flamme amicale de la relation entre la France et l’Afrique peut être très certainement réanimée, mais à condition de passer d’abord par des projets économiques / entrepreneuriaux se fondant sur cette communauté de culture qui nous unit sur un même « continent francophone » (en 2030, selon l’OIF, la francophonie devrait regrouper autour de 570 millions de personnes, dont la majeure partie en Afrique).

On peut ainsi croire à « l’esprit de Noël », c’est justement de saison.

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INSCRIPTIONS OUVERTES à la XIIe CONFÉRENCE DES AMBASSADEURS AFRICAINS DE PARIS, le 23 janvier 2024, dédiée à « La coopération de l’AFD avec l’Afrique » https://swll.to/Xj6JLq Avec les ambassadeurs du Sénégal, du Rwanda, de la Côte d’Ivoire et trois hauts dirigeants de l’AFD

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