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Patrick SEVAISTRE (Cian) : « Le Global Gateway apparaît plus comme un label de rebranding qu’une réelle nouvelle initiative »

26 mars 2023
Patrick SEVAISTRE (Cian) : « Le Global Gateway apparaît plus comme un label de rebranding qu'une réelle nouvelle initiative »
Lancée par l’UE en décembre 2021, la stratégie « Global Gateway » vise à mobiliser entre 2021 et 2027 jusqu’à 300 milliards € d’investissement européens publics et privés, dont 150 Md € pour l’Afrique, et de les déployer dans des pays partenaires pour le financement d’infrastructures. Mais le projet regorge d’ambiguïtés…

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Une contribution de Patrick SEVAISTRE,
Président de la Commission Institutions européennes du CIAN

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Une réponse de l’UE à l’initiative chinoise Belt and Road Initiative - Les secteurs visés correspondent aux intérêts stratégiques européens : infrastructures numériques et énergétiques, métaux critiques, transports et aménagement du territoire, vaccins et industries de santé, chaînes de valeur agricoles et agro-industrielles.

Cette stratégie est présentée comme une alternative géostratégique positive, axée sur les valeurs de l’UE de développement durable, à la « Belt and Road Initiative » lancée par la Chine en 2013 et qui a déjà financé environ 1 000 milliards € de projets d’infrastructures, mais essuyant un certain nombre de critiques, notamment en termes de gouvernance des projets et d’impact industriel.

Pas de financements nouveaux mais un fléchage des projets en cours financés par l’UE - En effet, d’un montant considérable (300 milliards €, soit presque deux fois le budget annuel de l’UE et dix fois le montant du dernier FED pour la période 2014-2020), l’objectif du Global Gateway est de regrouper en les labellisant la totalité des outils financiers de l’UE, lesquels doivent servir de fonds d’amorçage pour mobiliser des financements de type BEI, BERD, banques de développement (AFD, KFW…) et des groupes privés…

Une grande partie des projets dans le cadre du Global Gateway seront financés par les Africains eux-mêmes, qui auront recours à des prêts auprès des banques européennes.

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Scepticisme et manque de clarté

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Depuis son lancement, le Global Gateway, dont le financement est jugé peu clair sur l’origine des fonds et sur le calendrier de mise en œuvre, suscite beaucoup d’interrogations. Au sein des institutions européennes beaucoup admettent que ce programme gagnerait à être plus clair quant à ses priorités et que le risque est important qu’il se résume à un simple reconditionnement de programmes existants.

Pour tous les acteurs européens et leurs partenaires dans les pays en développement, la difficulté est aujourd’hui de comprendre réellement ce qu’il y a de nouveau dans le Global Gateway ainsi que la répartition entre fonds publics et fonds privés qui seront ainsi mobilisés.

En outre, le programme suscite depuis l’origine un fort scepticisme de la part des organisations européennes du secteur privé, mais aussi africaines, qui déplorent que les entreprises ne soient pas associées dans la définition des projets labellisés par le Global Gateway.

C’est dans ce contexte et pour tenter de répondre à ces interrogations que le gouvernement français a pris l’initiative, treize mois après le lancement du Global Gateway, d’organiser le 23 mars avec les institutions européennes et les équipes sectorielles de la Commission européenne une opération de promotion de cette initiative auprès des entreprises françaises.

Après une intervention du Président de la République, les ministres Olivier BECHT et Chrysoula ZACHAROPOULOU sont intervenus à tour de rôle pour présenter des enjeux stratégiques majeurs du Global Gateway, en insistant sur l’importance du secteur privé dans cette démarche.

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À retenir de ce séminaire

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Présentation par la Commission européenne d’une première liste d’une centaine de projets prioritaires pour 2023 sur les zones Asie-Pacifique, Amérique Latine et Afrique (voir la liste ici). Ces projets ont été identifiés par les délégations UE dans les pays concernés – certains sont déjà en œuvre, les autres feront l’objet d’appels d’offres. Il est prévu qu’ils soient discutés à l’occasion de fora de business de l’UE dans un certain nombre de pays.

Incertitude persistante sur l’origine des fonds - Près de la moitié des 300 milliards d’euros seraient en fait des investissements privés que l’UE espère générer grâce à un système de garanties financières (effet de levier).

Comme leurs homologues européennes, les entreprises françaises restent pour l’instant sceptiques. À l’occasion du séminaire, le président du MEDEF a appelé les pouvoirs publics européens à davantage associer les entreprises à la définition de ces projets et de s’assurer, notamment en incluant des clauses RSE, que les appels d’offres européens ne bénéficient pas à des compétiteurs extra-européens comme c’est souvent le cas (L’exemple du programme de restructuration du transport collectif de la ville de Dakar a été mentionné à plusieurs reprises. Le groupe français MERIDIAM a décroché le contrat de concession du système de bus rapides (Bus Rapid Transit) financé notamment par la BEI, mais la société chinoise CRRC Corporation a remporté l’appel d’offres pour la fourniture des bus…)

Une porte ouverte par l’UE aux entreprises avec la mise en place d’un Business Advisory Group à Bruxelles pour le Global Gateway. En réponse aux soucis exprimés par les entreprises, ce Business Advisory Group aura pour objet de créer un forum pour discuter et recueillir les contributions des représentants du secteur privé sur le choix des projets et sur les conditions de leur mise en œuvre.

Un appel à candidature pour faire partie de ce Business Advisory Group est lancé par la Commission auprès des entreprises et organisations professionnelles (candidatures à adresser avant le 20 avril à 14 h par à l’adresse mail suivante : EC-GGBAG@ec.europa.eu

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Conclusion

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Ce séminaire a confirmé que le Global Gateway est plus un label qu’une nouvelle initiative. Le programme n’apporte en effet aucun financement supplémentaire mais puise dans les ressources déjà allouées par les États membres ou dans le budget de l’UE pour la période 2021-2027. On comprend également que, dans ce contexte, de nombreux projets actuellement développés sous sa bannière auraient probablement vu le jour de toute façon.

Pour beaucoup d’observateurs, le Global Gateway relève d’un exercice de rebranding qui reflète la frustration de l’UE face au manque de reconnaissance et de retombées politiques du fait d’être, collectivement, avec les États membres de l’UE, le principal fournisseur mondial d’aide au développement et un partenaire majeur des pays en développement en matière de commerce et d’investissement.

Enfin s’agissant de l’implication des entreprises dans le Global Gateway, rappelons que le CIAN a formulé via l’EBCAM EBCAM - Home, l’organisation européenne dont il assure actuellement la présidence tournante, plusieurs propositions/recommandations concernant l’opérationnalisation du programme, à savoir pour l’essentiel :

  Mise en place à Bruxelles d’un guichet unique dédié au Global Gateway capable de fournir aux entreprises européennes toutes les informations pertinentes pour participer concrètement aux projets du programme.

  Création dans le cadre du Global Gateway d’une facilité européenne de crédit à l’exportation pour le développement d’infrastructures durables en Afrique. Cette facilité profiterait aux exportations européennes, montrerait le potentiel de synergie entre les intérêts économiques et les ambitions de durabilité et de développement, et aiderait à relier les institutions financières européennes pour le développement aux agences européennes de crédit à l’exportation et de promotion des investissements.

  Priorité donnée à chaque fois que possible à l’approche en Partenariats Public-Privé (PPP) pour les projets d’infrastructures du Global Gateway. Dans ce cadre, afin de créer des synergies entre l’APD de l’UE et les intérêts des entreprises européennes, l’UE doit se positionner comme un intégrateur d’une offre européenne compétitive de déploiement d’infrastructures durables en Afrique et mieux valoriser les avantages comparatifs de l’offre européenne face à la concurrence, notamment chinoise.

Pour en savoir plus :
https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/stronger-europe-world/global-gateway_fr

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DE NOTRE CMAAP 7 du 15 février 2023

Avec la participation de S.E. M. Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de MAURICE, Président du Groupe des Ambassadeurs francophones de Paris - S.E. M. Eusèbe AGBANGLA, Ambassadeur du BÉNIN - Mme Coura AMAR, Conseillère économique à l’Ambassade du SÉNÉGAL, représentant S. E. El Hadji Magatte SEYE, Ambassadeur - M. Stéphane TIKI, Directeur du Développement du Groupement du Patronat francophone (GPF) - M. Papa Amadou SARR, Directeur exécutif de l’Agence française de Développement (AFD) - M. Alfred MIGNOT, Directeur AfricaPresse.Paris (APP), organisateur et modérateur des CMAAP. © Frédéric Reglain

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L’historique salle des Frères Lumière, à l’Hotel de l’Industrie, siège de la SEIN à Paris VIe (4, place Saint-Germain-des-Prés), a accueilli la VIIe Conférence mensuelle des Ambassadeurs Africains de Paris (CMAAP 7), le 15 février 2023. © F. Reglain

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TOUS NOS ARTICLES SUR LA CMAAP 7

CMAAP 7 / S. E. Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de MAURICE : « Notre objectif pour l’île est de revenir à plus d’un million de touristes » https://swll.to/JlaaR

CMAAP 7 / S. E. Eusèbe AGBANGLA, Ambassadeur du BÉNIN : « Il nous faut moderniser tout notre écosystème du tourisme » https://swll.to/Zazdz

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