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Patrick SEVAISTRE (CIAN, CCE) : « Les gouvernements africains ne doivent plus se laisser dicter les injonctions moralisatrices du messianisme normatif de l’écosystème bruxellois ! »

3 février 2024
Patrick SEVAISTRE (CIAN, CCE) : « Les gouvernements africains ne doivent plus se laisser dicter les injonctions moralisatrices du messianisme normatif de l'écosystème bruxellois ! »
Patrick SEVAISTRE © AM/APP
L’insurrection du monde agricole qui vient de surgir en France et en d’autres pays européens s’enracine dans plusieurs causes profondes, notamment le démentiel ubris normatif que Bruxelles impose depuis des décennies à nos campagnes : par exemple, pas moins de 14 règlements UE pour la taille d’une simple haie ! Cette folie technocratique menace aussi les échanges Afrique-Europe…

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Une contribution de Patrick SEVAISTRE
Membre du comité directeur du CIAN
Vice-président de la commission Afrique et Océan indien des CCE

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Il y a dix ans, la Commission Afrique des Conseillers du Commerce Extérieur organisait une coalition avec le CIAN et le MEDEF afin de sauver la filière contreplaquée franco-gabonaise. Cette mobilisation serait-elle possible aujourd’hui ? Reprenons le fil de cette histoire riche d’enseignements…

Au début 2014, le Gabon s’est trouvé mécaniquement exclu du nouveau système de préférences généralisées (SPG) de l’Union européenne. De ce fait, et en l’absence de signature d’un accord de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et le Gabon, les droits de douane s’appliquant aux produits importés du Gabon en Europe se voyaient augmentés de 15 %.

Pour les fabricants français de contreplaqué, basés essentiellement dans la région Poitou-Charentes où ils importent des placages d’Okoumé issus des usines de première transformation qu’ils ont installées au Gabon pour être ensuite assemblés en France, l’impact immédiat de cette augmentation des droits de douane était estimé à plus de 3 millions d’Euros.

Le choc s’annonçait dévastateur pour la plupart de ces entreprises de taille intermédiaire (ETI) familiales qui, déjà fragilisées par une forte concurrence extra-européenne, risquaient de ne pas s’en relever. Plus de 1 500 emplois étaient ainsi directement et indirectement menacés en France. Au Gabon, ce choc allait se traduire par la disparition de plus de 5 000 emplois et par un frein brutal à la politique de développement du gouvernement gabonais visant à diversifier son économie en favorisant la transformation locale de sa matière première.

En outre, les efforts engagés depuis plusieurs années, par les entreprises mais aussi par l’AFD pour faire de la filière contreplaqué Gabon-France-Europe un modèle de développement durable, risquaient fort d’être ainsi réduits à néant.

Dans ce contexte de crise, à la demande du Comité Poitou-Charentes des CCEF et en appui du Comité CCE du Gabon, une coalition a été mise sur pied en septembre 2013 par le bureau de la Commission Afrique des CCEF avec le CIAN et le MEDEFi, et dont l’animation m’a été confiée en tant que membre du bureau de la Commission Afrique des CCEF et membre du comité de direction du CIAN.

Le but de cette mobilisation était d’appuyer les efforts de la profession auprès de Bruxelles (DG Trade, DG Développement, DG Taxud…), directement et indirectement via le gouvernement français pour tenter de débloquer la situation et éviter de voir ainsi disparaître cette industrie porteuse de développement dans le Gabon émergent, risquant ainsi d’anéantir des décennies d’investissements et de partenariat entre le Gabon et les industriels français.

Après plusieurs mois d’efforts, cette mobilisation a porté ses fruits. La Commission européenne, après avoir refusé une première fois de le faire pour des raisons de délais dépassés, a fini par accorder officiellement une suspension tarifaire autonome sur cinq ans des droits de douane sur l’importation des placages d’Okoumé à compter du 1er juillet 2014 avec effet rétroactif au 1er janvier 2014

Cet accord, renouvelé en 2019, est toujours en vigueur…

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L’inflation normative communautaire, néfaste
pour les exportations africaines vers l’Europe

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Cette mobilisation exemplaire serait-elle possible aujourd’hui avec la moindre chance de faire plier Bruxelles ? Disons-le, c’est peu probable. Pourtant, depuis dix ans, les règlements et l’inflation normative des instances communautaires deviennent de plus en plus contraignants pour les exportations africaines vers l’Europe au nom d’une transition climatique planifiée à marche forcée.

C’est le cas de la taxe carbone qui va frapper les importations européennes de produits africains à forte teneur en carbone (acier, fer, ciment, aluminium, engrais…). C’est également le cas de l’appel par les institutions européennes à cesser le financement des énergies fossiles en Afrique. C’est encore le cas de l’interdiction d’importation en Europe de produits suspectés d’être issus de la déforestation et du travail des enfants : soja, huile de palme, café, cacao, bœuf, hévéa, bois et produits dérivés

Les gouvernements africains ne doivent plus se laisser dicter les injonctions moralisatrices ainsi que le messianisme normatif de l’écosystème bruxellois qui prétend s’imposer par l’exemple, mais qui se révèle au mieux naïf, au pire condescendant et très éloigné des réalités africaines. L’Union européenne devrait au contraire soutenir les efforts du continent dans la définition d’un agenda à moyen et à long terme d’une souveraineté véritable en matière de normes éthiques, sociales et éco-responsables.

On mesure le chemin à parcourir.

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REPLAY / Grand succès de la XIIe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris, dédiée au partenariat renouvelé du Groupe AFD avec l’Afrique - La création d’un Club des Amis est envisagée.

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