Retrouvez AfricaPresse.paris sur :
RSS

Outils

Pascal BONIFACE, devant le Cian, « comprend que l’Ukraine soit devenue l’alpha et l’oméga des politiques occidentales suscite le courroux en Afrique »

22 juin 2023
Pascal BONIFACE, devant le Cian, « comprend que l'Ukraine soit devenue l'alpha et l'oméga des politiques occidentales suscite le courroux en Afrique »
Le 20 juin, à deux jours du Sommet de Paris pour un Nouveau Pacte financier mondial à l’ambition immense de trouver des solutions de financement « en même temps » contre la pauvreté et pour la lutte climatique, le géopolitologue Pascal Boniface était l’invité d’honneur du déjeuner-débat du Cian. Au menu : les bouleversements géopolitiques du monde qui vient.

.

par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@alfredmignot | @africa_presse

.

« Je ne sais pas si l’on s’en rend tous bien compte, mais notre monde est en reconstruction en ce moment-même, et sans doute que dans trente ans, dans les livres d’histoire, on lira que les années 2022-2024… auront été des années charnières » relève d’emblée Étienne GIROS, président du Cian, lors de son propos liminaire de présentation de l’orateur du jour, Pascal BONIFACE. Et cette introduction, où Étienne Giros a évoqué le double effet successif et dévastateur de la Covid et de la guerre en Ukraine, s’est avérée tout à fait en phase avec le propos développé par le fondateur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS, 1991), laboratoire d’idées dédié aux thématiques géopolitiques et stratégiques.

.

De la pandémie Covid
à la guerre d’Ukraine…

.

En effet, selon Pascal Boniface, « pendant deux ans la Covid a arrêté le monde », et à peine commençait-on à relever la tête qu’est arrivée la guerre russe en Ukraine… Aujourd’hui, poursuit-il, le monde se trouve ainsi confronté à « trois clivages géopolitiques principaux. Le premier clivage est celui entre la Russie et l’Occident. La Russie est coupée durablement du monde occidental, alors qu’elle est un pays profondément européen et n’a pas de vocation asiatique, sinon par dépit. (…) Le statut de la Russie est fortement remis en cause au niveau économique et stratégique mondial.
Poutine voulait montrer la force de la Russie, il a montré sa faiblesse. Il voulait affaiblir l’OTAN, Il l’a renforcé. Il voulait contrôler l’Ukraine, il a développé un sentiment national ukrainien, profondément antirusse.
Il voulait renforcer sa relation avec la Chine : il l’a fait, mais en situation de dépendance et non pas d’égalité. »

Parmi les participants, on reconnaît notamment, au premier plan, de gauche à droite : M. Patrick SEVAISTRE, Président de la Commission des Institutions européennes du Cian ; Mme Lucia PETRY, Présidente de BPL Global France ; M. Jean-Jacques LECAT, Avocat, Président de la Commission Juridique et fiscal du Cian. © AM/APP - Cliquer sur la photo pour zoomer.

Reste que pour l’heure, relève le fondateur de l’IRIS, « les vrais perdants de cette guerre sont les Européens : « On avait une énergie bon marché, elle est maintenant quatre fois plus chère que celle des industriels américains. C’est une forte perte de compétitivité économique par rapport aux États-Unis. » Et la France ? « La France a abandonné 17 milliards de dollars d’avoirs en Russie – dont Renault Russie, bradé pour quelques roubles à un oligarque russe ! – pour ne pas être soumise à la vindicte du président ukrainien qui, devant l’Assemblée nationale française [lors d’un discours diffusé en visio, le 23 mars 2022, ndlr], a sommé les entreprises françaises de quitter la Russie… On s’est fait complètement avoir ! »

.

Chine, États-Unis,
Europe et « Sud global »

.

Le deuxième clivage, comme chacun le sait bien, « c’est le différend entre la Chine et les États-Unis » rappelle Pascal Boniface, notant que « la question pour nous, Européens, et aussi pour les Africains, est de savoir comment, nous allons répondre à ce clivage qui sera la grande affaire géopolitique des dix ou vingt prochaines années.

Le troisième clivage est quant à lui apparu avec la guerre en Ukraine. « Pour les opinions publiques comme pour les gouvernements, l’attitude par rapport à la guerre en Ukraine est radicalement différente » selon que le pays est occidental, ou pas. Et l’orateur d’expliquer que du point de vue de nombreux pays du « Sud global », lorsque l’Occident invoque le respect des valeurs et du droit international, cela est perçu comme une hypocrisie destinée à préserver ses intérêts, d’autant que ce même Occident s’émeut beaucoup moins lorsque les guerres se produisent ailleurs que chez lui…

De gauche à droite sur la photo : M. Igor ROCHETTE, Président de la Commission RH du Cian ; MM. Marc DAVISSEAU et Christian-Makolo KABALA, PR et DG de Sud-Axe Partners ; M. Pierre-Sauel GUEDJ, Président de la Commission RSE du Cian ; au premier plan : M. Dominique BRUNIN, Directeur du développement de la Chambre de Commerce franco-arabe (CCFA Paris). © AM/APP - Cliquer sur la photo pour zoomer.

Aussi, les pays du « Sud global » n’entendent plus avoir la naïveté de sacrifier leurs propres intérêts au bénéfice de ceux de l’Occident. Illustration concrète de cette posture : en mars 2022, seuls 28 pays africains – sur les 54 que compte le Continent – ont voté en faveur de la résolution de l’ONU exigeant le retrait des forces russes de l’Ukraine, les autres pays s’étant abstenus ou n’ayant pas pris part au vote.

Un épisode évoqué par un diplomate africain qui, lors de la séance des questions-réponses, s’est interrogé sur les réactions africaines, notamment le dénigrement anti-français, au regard notamment de l’élan de solidarité et de générosité sans égal de l’Occident vis-à-vis de l’Ukraine. Observant en effet le financement insuffisant de la lutte anti-covid en Afrique, ou encore celui contre le changement climatique – « dont les Africains sont les derniers responsables et les premières victimes » –, Pascal Boniface « comprend que l’Ukraine soit aujourd’hui devenue l’alpha et l’oméga des politiques occidentales (…) suscite le courroux en Afrique. »

.

Les BRICs, une entité
anti-dollar…

.

Si pour la quasi-unanimité des États européens, oublieux de la débâcle américaine à Kaboul, « les États-Unis apparaissent aujourd’hui plus que jamais comme le meilleur défenseur du monde occidental », la montée en puissance des BRICs, désormais présentés comme une entité « anti-G7 », est un autre marqueur du chambardement de l’équilibre géopolitique mondial, évoqué par Pascal Boniface.

Celui-ci se dit en effet « sûr que les BRICS vont s’élargir pour renforcer leur poids. Et les BRICs, c’est l’anti-G7, ce sont des pays qui vont lutter pour “dédollariser” l’économie internationale. Les BRICs sont la pointe avancée de ce combat : les Chinois achètent leur pétrole en renminbi, la Russie se fait payer en roubles », l’Argentine et le Brésil échafaudent une monnaie commune pour s’émanciper du dollar dans leurs échanges bilatéraux, etc.
Naguère, « il aurait été inimaginable de se demander si le dollar sera toujours la monnaie internationale d’ici peu. Maintenant, on n’est pas sûr de répondre non, mais on peut se poser la question », conclut Pascal Boniface.

La photo souvenir : Mme Sandrine SORIEUL, Directrice générale du Cian, entourée de M. Pascal BONIFACE, dirigeant fondateur de l’IRIS, et de M. Étienne GIROS, Président du Cian. © AM/APP - Cliquer sur la photo pour zoomer.

◊ ◊ ◊

À L’ACADÉMIE DES SCIENCES D’OUTRE-MER, le 4 juillet à 17 h, notre IXe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris / « L’ARABIE SAOUDITE et L’AFRIQUE : Réalisations et projets de la coopération économique ». INSCRIPTIONS OUVERTES ICI.

◊ ◊ ◊

Articles récents recommandés