XIes Rencontres Internationales des PPP (Paris, 21-22 mars 2018)
Marc Teyssier d’Orfeuil
(Délégué général du Club des PPP) :
« En Afrique, les attentes sont énormes ! »
Propos recueillis par Jean-Louis Alcaide, AfricaPresse.Paris
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Pourquoi les pays africains ont-ils intérêt à développer les PPP ?
Marc Teyssier d’Orfeuil - En fait, pour les mêmes raisons que l’Europe et que la France. Le PPP permet de trouver du financement privé pour porter des infrastructures publiques avec un avantage très intéressant : comme ce sont des financements à long terme, on peut massifier les investissements à un instant « t ».
Autrement dit, au lieu de faire une école par an pendant dix ans et donc de faire 10 écoles, on peut décider de construire 10 écoles en deux ans, en lissant évidemment la dette sur vingt-cinq ans par exemple, afin de rattraper les retards d’investissements. Et puis surtout, le PPP permet d’avoir un ouvrage dont on sait qu’il aura, dans vingt-cinq ans, une valeur identique à celle du jour de sa livraison, en obligeant son constructeur à le maintenir et à l’entretenir. Le PPP évite ainsi la dégradation de l’investissement public. En Afrique, les attentes sont énormes sur les PPP.
Avez-vous quelques exemples concrets de PPP ayant abouti à des réalisations qui fonctionnent bien ?
Marc Teyssier d’Orfeuil - En France, il y en a énormément bien sûr. En Afrique, je citerai l’autoroute de Dakar, qui est une concession payante. Il y a aussi l’Université de la Musique qui va se faire au Gabon, avec un financement exclusivement fondé sur le PPP, sur vingt ans ans. Au Maroc, le système d’irrigation de la région d’El Guerdane, qui couvre un périmètre de 10 000 hectares dans la région du Souss-Massa, est gérée en PPP. Et puis bien sûr, il existe beaucoup de Délégations de service public (DSP) dans les transports, mais là ce sont les usagers qui paient.
En revanche, les PPP à la française ou Marchés de partenariat, se portent plutôt sur les infrastructures sociales – écoles, hôpitaux, universités – où ce ne sont pas les usagers qui paient, mais les contribuables.
Pourquoi avez-vous décidé de créer un Club G5 Sahel PPP ?
Marc Teyssier d’Orfeuil - Nous avons aujourd’hui un Club des PPP en Mauritanie, lancé par la Banque nationale mauritanienne, et présidé par l’ancien ministre français des Finances, Michel Sapin, qui est un Mauritanien dans l’âme. Cela fait d’ailleurs vingt ans qu’il fait de la coopération décentralisée avec la Mauritanie.
Le 11 novembre dernier donc, lors de la réunion fondatrice de ce club, l’idée d’un club réunissant les cinq pays du Sahel a été fortement évoquée, appuyée par l’ambassadeur de France en Mauritanie. Je me suis alors dit que si ces cinq pays s’étaient coalisés pour lutter contre le terrorisme, alors nous devrions les mettre en connexion pour permettre à leurs équipes en charge des PPP d’échanger sur les bonnes pratiques. Car, à notre avis, on ne peut pas lutter efficacement contre le terrorisme en soutenant simplement les investissements militaires. Ceux-ci sont indispensables, mais il faut aussi permettre à ces cinq pays de se coaliser pour qu’ils coopèrent et réfléchissent sur la nécessité d’investir dans les infrastructures sociales et durables, parallèlement au rétablissement de la paix.
Une vue de la salle des participants aux XIes Rencontres Internationales des Partenariats Publics Privés (Paris, 21-22 mars 2018). © AM/AfricaPresse.Paris
Y a-t-il à vos yeux des secteurs prioritaires où investir ?
Marc Teyssier d’Orfeuil - J’aimerais pouvoir lancer rapidement des projets de micro-hôpitaux régionaux qui permettent d’amener de la santé dans ces territoires. Car, en effet, un PPP qui investirait sur un hôpital et garantirait pendant quinze ou vingt ans son entretien et sa maintenance, et peut-être même l’ensemble de la médicalisation, cela permettrait d’avoir une infrastructure durable. Idem pour les écoles. Idem pour le secteur routier : le PPP permet par exemple de penser à la route sur la durée, à vingt ans, et ne pas se contenter de simplement refaire la route tous les ans parce que l’on a mal investi dans le drainage de la chaussée la première année.
Le cadre juridique et institutionnel dans les pays du Sahel vous semble-t-il aujourd’hui propice au développement des PPP ?
Marc Teyssier d’Orfeuil - Certains pays comme la Mauritanie ont fait évoluer leur cadre législatif. Il permet d’avoir des DSP et des concessions dans les transports ainsi que des PPP dans les infrastructures sociales.
Le Tchad et le Burkina Faso viennent d’adopter de nouvelles lois. Le Niger est assez sensible sur ce sujet et le Mali est presque avant-gardiste… Reste maintenant à faire ces PPP, mais j’observe un réel volontarisme.
La nouveauté, c’est que les bailleurs de fonds internationaux sont en train de découvrir que les PPP peuvent permettre d’accélérer les investissements et ils sont maintenant pro-PPP, alors qu’au départ ils n’étaient favorables qu’aux seuls PPP concessifs, lorsqu’ils étaient bancables.
Mais on ne peut pas aller uniquement sur des PPP marchands, il faut aussi faire des PPP sociaux. Si on arrive à créer des échanges sur les bonnes expériences entre ces cinq pays, alors on gagnera beaucoup de temps. C’est en tout cas l’objectif du Club PPP Med Afrique, avec cette idée du G5 Sahel PPP.
Percevez-vous une frilosité des investisseurs pour aller dans ces pays ?
Marc Teyssier d’Orfeuil - Non, les investisseurs sont là. Il faut maintenant de bons projets.
Mais tout de même… le Sahel vous paraît-il une zone suffisamment sécurisée pour aller y investir ?
Marc Teyssier d’Orfeuil - Si on est sur du PPP social, à l’arrivée ce sera de toute façon un paiement de l’État. Il faut donc juste des garanties de l’État ou des assurances pour pouvoir financer tout cela.
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