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Les facteurs clés et le potentiel humain qui conditionnent l’avancée de l’agriculture digitale en Afrique (BearingPoint)

18 juillet 2023
Les facteurs clés et le potentiel humain qui conditionnent l'avancée de l'agriculture digitale en Afrique (BearingPoint)
L’Afrique est un continent où l’agriculture revêt une importance déjà primordiale, et qui devrait encore s’accroitre à l’avenir. En effet, l’agriculture représente actuellement 16,2 % du PIB du continent, fournit du travail à deux tiers sa population active, tandis qu’environ 65 % de toutes les terres arables non cultivées dans le monde se trouvent en Afrique. Et si le Continent accumule les retards, l’e-agriculture ou Agritech pourrait aider à les combler…

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Une contribution de Jean-Michel HUET,
avec Lennart Ploen, Ayawo Bruno Akakpo, Thibaud Revel de Bretteville
et Thomas Michel (BearingPoint)

À l’heure actuelle, l’agriculture en Afrique assume en effet un retard sur différents points, notamment en termes de productivité, de digitalisation et de structuration des différentes filières agricoles. À titre d’exemples, le niveau de la productivité de l’agriculture africaine se situe en moyenne à un tiers de celui de l’Asie ou de l’Amérique latine tandis que la consommation d’engrais est de 9 kg par hectare contre 100 kg en Asie.

Dans ce contexte, l’association de l’agriculture et du numérique, l’e-agriculture ou Agritech, représente une opportunité pour faire évoluer le secteur en Afrique. La gamme de solutions agricoles numériques est large, allant des services de diffusion de conseils vocaux et textuels génériques aux agriculteurs sur des téléphones polyvalents, aux outils de haute technologie qui utilisent les données et l’analyse des capteurs pour automatiser les opérations agricoles.

Le potentiel et la pertinence des différentes solutions agricoles numériques dépend principalement de deux facteurs clés.

D’un côté, la maturité digitale de l’environnement dans lequel les filières agricoles évoluent car, en fonction de la qualité de l’environnement digital, les filières agricoles disposeront de possibilités différentes en termes de solutions e-agri. En fonction de critères variés tels que les infrastructures des pays, l’accessibilité, l’équipement et la connaissance digitale ainsi que les contenus et services numériques disponibles, nous sommes en mesure d’évaluer la maturité digitale des filières des différents pays africains.

De l’autre côté, le niveau de structuration des filières agricoles, que l’on définit comme la capacité des différents acteurs de la chaîne de valeur d’une filière (producteurs, transformateurs, agrégateurs, transporteurs, exportateurs, consommateurs, …) à collaborer et à s’organiser de manière structurée (coopératives, contrats, consortiums, conventions de partenariat, …) pour améliorer leur efficacité, leurs rendements et leurs bénéfices. Pour illustrer, une filière non structurée consiste typiquement d’agriculteurs de subsistance, alors des petites exploitations familiales de rente et les grandes exploitations de rente émergent typiquement dans des filières mieux structurées.

En croisant la maturité digitale avec le niveau de structuration, nous évaluons la pertinence des solutions agricoles selon quatre types de populations :

L’agriculture familiale traditionnelle en Afrique est un levier clé pour assurer la sécurité alimentaire sur le continent. Cependant, les Traditionnels représentent un faible niveau de maturité digitale et une structuration des filières agricoles débutante.
La filière du riz à Madagascar répond par exemple aux caractéristiques d’une filière peu structurée évoluant dans des zones rurales avec une faible maturité digitale. Les petits exploitants agricoles remontent un besoin de conseil et d’information pour améliorer leur productivité et leurs revenus, ainsi que d’une transformation et d’une vente plus efficaces de leurs produits agricoles.
La promotion de l’investissement et de l’entreprenariat agricole, grâce à l’accès à des services financiers, est également un élément structurant dans le développement des petits exploitants agricoles peu matures digitalement. Le digital pourrait répondre à ces besoins en permettant la diffusion de l’information, une transformation et une vente en ligne plus efficaces des produits agricoles, ainsi que l’accès à des services financiers adaptés.

Les Digiculteurs regroupent des petites entreprises agricoles modernes qui ne sont pas encore intégrées dans une chaine de valeur structurée. Ces derniers évoluent dans des filières avancées en termes de maturité digitale. Le véritable enjeu est donc que cette population réussisse à capitaliser sur l’environnement digital dans lequel elle évolue. Le niveau de structuration de cette population est peu avancé et les différents maillons de la chaine de valeur peu intégrés.
La filière horticole au Botswana est un exemple typique de filière peu structurée évoluant pourtant dans un environnement digital mature. Une problématique affectant les Digiculteurs est le fait d’être désavantagé vis-à-vis de filières commerciales structurées qui ont une facilité d’accès supérieure à des technologies sophistiquées. La digitalisation pourrait être un moyen d’y remédier. Ils remontent également le besoin d’être mieux informé et de bénéficier d’outils supplémentaires pour améliorer la production.
Les solutions digitales à destination de cette population sont nombreuses (marketplace d’intrants, infrastructures frigorifiques à haut rendement, etc.) mais leur bonne adoption nécessite que les institutions publiques définissent un cadre légal en faveur de l’agriculture et du digital, que l’accès au financement soit facilité et que des politiques précises en faveur du développement des filières agricoles soient appliquées.

Les Intégrés représentent une faible part des agriculteurs en Afrique et sont situés dans des filières bien organisées avec une partie de la production destinée à l’exportation et des regroupements au sein de coopératives ou de groupements agricoles.
Les agriculteurs évoluant dans cette catégorie sont cependant situés dans des pays avec une faible maturité digitale, un accès limité à l’électricité et des coûts élevés d’abonnement à Internet, comme c’est le cas au Burkina Faso ou à Madagascar.
La filière de la vanille à Madagascar est notamment un exemple type de filière bien structurée, se situant dans un pays faiblement mature digitalement. Les agriculteurs dits « Intégrés » remontent le besoin d’être soutenu face à une concurrence accrue, ils souhaitent également que la création et la gestion de coopératives agricoles soit facilitée.

Pour favoriser le développement agricole des intégrés, diverses solutions digitales pourraient être mises en place. La digitalisation des ressources foncières pourrait par exemple aider à accroitre la planification locale du développement et la création d’un profil numérique pour chaque agriculteur pourrait faciliter la gestion des coopératives agricoles.
D’autres solutions digitales telles que des plateformes de partage d’équipements ou des logiciels de gestion destinés aux exploitations ayant atteint un niveau de production significatif pourraient également être utilisés.

Cependant, pour que ces solutions digitales soient efficaces, il est nécessaire que le secteur privé soit prêt à investir et à financer ces initiatives. Il est également essentiel d’améliorer la maturité digitale de ces agriculteurs afin de les mettre à niveau de concurrents agricoles déjà digitalisés.

Enfin, les E-agro sont les agriculteurs les plus matures sur le plan digital, typiquement avec une contribution potentiellement importante au PIB du continent et se concentrant surtout en Afrique du Nord et du Sud.
La filière du cacao au Ghana est un exemple parfait d’E-agro, comptant plusieurs méga-coopératives comme la « Kuapa Kokoo Cooperative », et évoluant dans un territoire possédant une certaine maturité digitale.
Les besoins des e-agro varient selon la place occupée par les acteurs dans la chaine de valeur.

En amont de la chaîne, on trouve les producteurs qui ont besoin d’accéder à des terres et à des intrants agricoles à coûts abordables, l’accès à des outils mécaniques agricoles avec la compétence pour les manipuler, ainsi qu’à des mesures de couverture contre les mauvaises récoltes.

Ensuite les transformateurs ont besoin d’avoir accès à des matières premières de qualité, respectant les normes et le cahier de charges de leurs clients, d’améliorer leur compétitivité face à la concurrence, ainsi que le problème logistique et de stockage. À l’aval de la chaîne, les exportateurs font face au besoin de pouvoir anticiper les récoltes et d’avoir également accès à des produits respectant les normes de qualité, spécifications techniques et réglementaires de leurs clients finaux.

On note également un besoin transverse à l’ensemble des acteurs e-agro, à savoir le problème du respect des normes de traçabilité tout au long de la chaîne de valeur. Les solutions digitales peuvent aider à résoudre ces problématiques, en mettant à disposition des marchés digitaux de commercialisation d’intrants, la mise en relation des agriculteurs avec des fournisseurs d’outils mécaniques, et la mise à disposition de données pour les institutions financières, d’assurance et de régulation qui auront la charge de prévoir des solutions financières adaptées d’un côté, des solutions de couverture en cas de mauvaises récoltes, et la mise en place de lois favorisant la compétitivité et l’émergence du secteur d’un autre côté.

L’utilisation des techniques agricoles avancées en utilisant le digital permettrait d’améliorer la productivité agricole et la conformité aux normes de qualité exigées par les exportateurs, et le recours aux outils digitaux de captage, d’analyse et de traitement de données permettrait de renforcer la traçabilité tout au long de la chaîne. La collaboration entre les acteurs de la filière et le soutien des pouvoirs publics sont des facteurs clés de succès pour l’adoption de ces solutions digitales.

Ainsi, la pertinence des solutions digitales dans l’agriculture dépend effectivement des besoins et enjeux des différentes filières et de la maturité digitale des territoires dans lesquels elles évoluent mais ont, pour la grande majorité des cas, des bénéfices importants à offrir à leurs usagers en leur permettant de relever leurs principaux défis relatifs au secteur agricole.

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