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Laurent GANGBES, DG de l’APIEx : « Avec la zone économique spéciale de Glo-Djigbé, notre ambition est de tout transformer localement au Bénin »

15 novembre 2023
Laurent GANGBES, DG de l'APIEx : « Avec la zone économique spéciale de Glo-Djigbé, notre ambition est de tout transformer localement au Bénin »
Laurent Gangbes, Directeur Général de l’Agence de Promotion des Investissements et des Exportations (APIEx) du Bénin et Administrateur Général de la GDIZ (Glo-Djigbé Industrial Zone). © DR
En marge du Salon Afrique Unie de Cotonou, rencontre avec le Directeur général de l’APIEx sur le site de la Zone économique spéciale de Glo-Djigbé – 1 640 hectares, à une heure de Cotonou – qui a vu le jour en dix-huit mois seulement, fruit d’une vision mise en œuvre avec rigueur et grâce à un partenariat entre l’État et une entreprise privée. Entretien.

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Propos recueillis à Cotonou (Bénin) par Bruno FANUCCHI
pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse

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Directeur Général de l’Agence de Promotion des Investissements et des Exportations (APIEx) du Bénin et Administrateur Général de la GDIZ (Glo-Djigbé Industrial Zone), Laurent Gangbes a reçu lundi 13 novembre les organisateurs du Salon Afrique Unie (dont l’APIEx était partenaire de l’événement) et une délégation des participants de ce Forum économique qui s’est déroulé à Cotonou du 9 au 11 novembre.

Accompagné de Létondji Beheton, Directeur Général de la SIPI (Société d’Investissement et de Promotion de l’Industrie), chargé de l’aménagement, de la promotion et du développement de la GDIZ, il leur a fait visiter cette « Zone économique spéciale » située à une heure de route de Cotonou et qui s’étend sur 1 640 hectares. Une visite très instructive et qui témoigne du dynamisme économique du Bénin.

AfricaPresse.Paris (APP) – Que recouvre exactement ce site en pleine expansion qu’est la GDIZ ?

Laurent GANGBES – Au-delà du conseil que l’APIEx, dont je suis le DG, peut apporter au gouvernement sur les orientations en matière de législation ou de réglementation pour améliorer le climat des affaires dans notre pays, le gouvernement a mis en place, ici, un dispositif qui doit permettre aux industries de s’installer chez nous dans de bonnes conditions. Que ce soient aussi bien des industries venant de l’étranger ou des industries dirigées par nos compatriotes béninois qui ont décidé d’investir dans leur pays. Il peut y avoir de nombreux hommes d’affaires intéressés par le Bénin parce que nous avons peut-être un avantage comparatif par rapport à bien d’autres pays de la sous-région.

APP – Quelle ambition cette Zone spéciale représente-t-elle pour l’économie du Bénin ?

Laurent GANGBES – Notre ambition, c’est que nous puissions au Bénin utiliser au maximum nos avantages pour développer l’industrie localement et par conséquent créer des emplois. Ce qui nous intéresse dans cette Zone économique, c’est que tout ce que nous produisons au Bénin soit transformé dans notre pays. C’est le fil rouge qui a conduit le Président Patrice Talon a engager une série de réformes et des investissements massifs pour transformer structurellement l’économie de notre pays qui est depuis toujours – de par sa géographie et son histoire – un pays de transit et de commerçants. Car il y a très peu d’industriels dans notre pays.

Notre ambition est de changer complètement la structure de notre économie car nous sommes persuadés que c’est par le développement de l’industrie – et notamment l’industrie de produits fabriqués localement – que nous allons pouvoir donner de l’emploi à nos jeunes et faire du Bénin un pays développé. Tout ce que nous sommes en train de faire ici, c’est de donner corps à cette vision du chef de l’État.

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« Comme l’appréciation du risque en Afrique
est élevée, nous offrons
des avantages aux investisseurs »

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APP – Vous misez donc sur l’industrialisation du pays ?

Laurent GANGBES – Nous avons au Bénin quatre zones industrielles : celle de Glo-Djigbé, une autre à Sèmè, près de Porto Novo la capitale, une autre à Gakpé, près de Ouidah, et une dernière à Parakou. Ces quatre zones se développent de manière différenciée, mais l’objectif est que l’essentiel de notre production puisse être transformé ici et non transporté dans des contrées lointaines pour y être transformé, par exemple en Chine, en Inde , au Vietnam ou au Bangladesh… Nous voulons ainsi capter l’essentiel de la valeur ajoutée sur chacun de ces produits au profit des jeunes de notre pays.

Ce n’est pas chose aisée d’engager cette révolution car les obstacles sont nombreux. Cette orientation stratégique de l’économie de notre pays se heurte parfois à des pratiques mettant en difficulté cette volonté. Par exemple, il est interdit d’exporter en Inde des noix de cajou transformées. Or l’Inde est l’un des plus gros consommateurs de noix de cajou au monde. Nous sommes donc dans un environnement où nous devons montrer les dents, affirmer notre détermination et trouver d’autres marchés... Nous ne sommes pas des bénis oui-oui. Nous devons dire ce que nous voulons faire et faire ce que l’on dit pour que les autres sentent que nous sommes déterminés à avancer.

APP – Comment pourrait-on résumer cette vision économique du chef de l’État ?

Laurent GANGBES – Cette vision du Président Talon s’est traduite par un certain nombre de lois, notamment la loi sur la zone économique spéciale de Glo Djigbé, qui a été modifiée en janvier 2023 pour recalibrer et ajuster la loi initiale datant de 2017.
Comme nous n’avons pas l’historique d’un pays industriel, nous sommes allés chercher un partenaire technique de référence qui a déjà fait cela et que nous avons vu fonctionner : le groupe Arise qui est un spécialiste de la mise en place des zones industrielles, alors qu’on aurait pu – comme c’est le cas dans certains pays – engager l’aménagement et le développement de cette Zone avec des ressources locales. Nous avons choisi d’aller vite en faisant venir des compétences externes.

APP – Quelles places ont respectivement l’État et le secteur privé dans ce projet industriel ?

Laurent GANGBES – Nous avons discuté et négocié avec ce groupe Arise (basé à Singapour) et nous avons créé une société commune entre l’État et le groupe : la SIPI, la Société d’Investissement et de Promotion de l’Industrie, détenue à 65 % par Arise et à 35 % par le gouvernement du Bénin.
L’État était disposé à être plus bas dans le capital, mais notre partenaire a souhaité que nous soyons plus haut, afin de rassurer les investisseurs. C’est une démarche pragmatique et opérationnelle. C’est celle-ci qui a permis la mise en place de la GDIZ en moins de deux ans, dix-huit mois très exactement. Dans aucun pays industriel, on a avancé comme nous l’avons fait ici au Bénin.

APP – Certains investisseurs ne considèrent-ils pas l’Afrique en général comme une zone à risque ?

Laurent GANGBES – Aujourd’hui, nombre d’investisseurs ne viennent pas au Bénin et plus généralement en Afrique car ils considèrent en effet que ce sont des zones à risque. L’appréciation du risque en Afrique est élevée et, a priori, on ne peut développer son activité sans des coûts de risque élevés. L’approche risque conduit donc beaucoup d’investisseurs à ne pas venir chez nous. L’idée d’accorder des avantages concrets (comme des exonérations de droits de douane) aux entreprises et aux investisseurs étrangers, c’est précisément dans l’intention de compenser ce risque par des avantages douaniers ou fiscaux.

Laurent Gangbes, DG de l’APIEx, avec les organisateurs du Salon Afrique Unie de Cotonou : Urmine Gounongbé, son-mari, et-Roland Portella, Commissaire-général du SAU. © DR

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« Ici, nous prônons
l’égalité Homme/Femme »

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APP – Quel a été votre rôle exact dans toute cette aventure ?

Laurent GANGBES – Moi, je suis DG de l’APIEx et Administrateur général des Zones économiques du Bénin. Ce montage permet aujourd’hui que l’État soit présent et, dans son rôle régalien, organise la façon dont les choses doivent se passer. Mais l’artisan, celui qui a la charge du développement du marketing et de l’aménagement de la zone, c’est la SIPI, notre société commune. Nous devons veiller à ce que le cahier des charges que nous avons conclu et rédigé avec la SIPI soit strictement respecté.

Qu’est-ce que nous voulons ? Nous pouvons faire une Zone où tout est déréglementé, comme dans certains pays d’Asie du Sud-Est. Ce n’est pas la voie que nous avons choisie. Au contraire, nous mettons en place une Zone bas carbone, respectueuse des droits des salariés, qui bannit le travail des enfants, qui promeut l’égalité Homme/Femme. Bref, une Zone industrielle qui rassure les clients des industriels, et permet l’accès aux marchés les plus exigeants.

APP – Donnez-nous un exemple concret…

Laurent GANGBES – En visitant la Zone, vous verrez que nous poussons les industriels qui s’y installent à mettre en place des crèches pour assurer la permanence et la présence des femmes qui y travaillent. Nous estimons, en effet, que plus il y a de femmes ici et plus nous sommes en train de régler de nombreux problèmes dans le pays. En matière de RSE, nous poussons à ce qu’il y ait le maximum de crèches car cela encourage les femmes à travailler en dehors de la maison.

Nous avons aussi mis en place certains dispositifs permettant d’assurer l’égalité Homme/Femme et nous avons surtout mis en place au sein de la Zone quelque 7 hectares de « forêts sacrées » que nous avons conservées pour permettre aux populations des alentours de pouvoir continuer de s’adonner à leur culte.

APP – L’originalité de cette Zone n’est-elle pas de se soucier aussi du sort des populations locales ?

Laurent GANGBES – Nous avons, en effet, voulu associer les habitants de toutes les localités environnantes et que cette Zone soit leur outil et instrument permettant leur développement. Toutes les femmes qui s’occupent ici des services et font notamment à manger sont des femmes des anciens propriétaires terriens des localités environnantes qui étaient ici depuis toujours.
Il y a donc une forêt sacrée que l’on ne touche pas, en plein cœur de la Zone, et qui permet aux gens installés ici depuis des siècles de continuer à pratiquer leur religion. Nous mettons un point d’honneur à respecter ces traditions car nous ne souhaitons surtout pas transformer cette Zone en Zone de non-droits aux conditions sociales de bas niveau.

L’État doit jouer son rôle en faisant respecter, dans cette Zone-là, notre Code du travail. Vous pourrez interroger les salariés lors de votre visite sur leurs salaires, qui sont ici majoritairement au-dessus du SMIC de notre pays. C’est pour nous un élément très important.

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« Sur le Continent, nous sommes premier
producteur de coton et deuxième d’anacarde »

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APP – Que produit-on et transforme-t-on sur cette zone économique de Glo-Djigbé ?

Laurent GANGBES – Le cœur de notre business ici, c’est la transformation du coton, dont nous sommes le premier producteur en Afrique, la transformation de l’anacarde dont nous sommes le deuxième producteur en Afrique, la transformation du karité et de tous les produits agricoles. Des investissements sont également réalisés dans l’aviculture avec des industries de production de provendes qui s’installent. La décision courageuse prise par le gouvernement relative à l’interdiction de l’importation de poulets surgelés d’ici décembre 2024 accélère les projets d’investissement dans ce secteur.
Deux grosses usines sont en cours d’installation, dont une appartient à un promoteur de la sous-région qui est en train d’investir 30 milliards de Francs CFA dans la Zone.

Beaucoup d’autres pays s’intéressent aussi à Glo-Djigbé. Nous recevons ainsi quotidiennement des délégations du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Congo, du Tchad, du Niger, etc., qui nous sollicitent pour des informations sur notre Zone industrielle, notamment les raisons d’un tel développement.

Quelque 35 entreprises ont d’ores et déjà signé et sont en cours d’installation, dont une dizaine sont déjà opérationnelles. Nous recevons aussi des investisseurs de l’industrie pharmaceutique et des cosmétiques qui s’installent, et d’autres qui travaillent dans les nouvelles technologies ou fabriquent des portables ou de l’électroménager. Une vingtaine d’autres sociétés sont encore sur liste d’attente car nous sommes nous-mêmes pris de court. Nous avons accéléré les travaux d’aménagement de 400 hectares supplémentaires pour les mettre à disposition dans un délai de deux mois.

Le Grand Reporter Bruno Fanucchi avec le Patron de l’APIEx, à l’issue de la visite de la Zone économique spéciale de Glo-Djigbé. © DR

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APP – Devant le succès et l’attractivité de la Zone, allez-vous encore vous agrandir ?

Laurent GANGBES – C’est parfaitement exact. Quelque 400 hectares sont déjà aménagés et complètement attribués. Et nous sommes en train de débloquer les fonds nécessaires pour l’accélération de la mise à disposition de 400 hectares supplémentaires sur 1 640 hectares de la Zone, sur un foncier déclaré « d’utilité publique » de 10 00O hectares au total.
Le chef de l’État a en effet eu cette vision en anticipant sur le succès de la Zone en déclarant d’utilité publique 10 000 hectares. Mais je précise que notre contrat avec la SIPI porte sur l’aménagement des 1 640 hectares exclusivement.

L’autre sujet complémentaire du développement de la GDIZ concerne la mise à disposition des infrastructures et l’aménagement des zones autour de la GDIZ. La non prise en compte de cet aspect va immanquablement affecter le développement de la zone car il faut en même temps construire des routes d’accès, des écoles, des centres de formation professionnelle, des centres de santé, des logements… Toute l’organisation spatiale de la capitale économique du Bénin va être impactée par le développement de cette zone.

La SIPI a ainsi lancé un programme de création de 11 000 logements sur 50 hectares. Car si l’on ne peut pas loger les salariés, qui vont venir de Cotonou, de Porto Novo et même du Nord, on risque de créer un phénomène de « ghettoïsation » des territoires autour de la GDIZ.

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« Il nous faut davantage
associer le secteur privé »

APP – Toutes ces réalisations ne seront pas sans impact…

Laurent GANGBES – Mais l’on peut encore être innovant en pensant désormais la ville autrement. Nous ne voulons pas faire toute une ceinture urbaine de la Zone, mais dans un rayon d’une trentaine de kilomètres on peut faire des îlots de développement avec des écoles, des logements, des services de santé, des centres de formation... Une série de petites villes tout autour. Nous avons donc lancé depuis un an un schéma directeur d’aménagement et les travaux d’élargissement de la route vers Cotonou sont d’ores et déjà en cours pour l’agrandir et la fluidifier, en la mettant sur deux fois deux voies pour mieux relier dans les deux sens la Zone au port autonome de Cotonou. Car le DG de la SIPI a prévu que cette route sera empruntée par 400 à 500 camions supplémentaires par jour !

L’idée maîtresse, c’est que l’État doit associer le secteur privé au développement de tout ce que nous avons prévu de faire à l’extérieur de la Zone. L’État va faire des investissements en assurant la viabilisation des différents sites en s’occupant de la digitalisation, mais le secteur privé sera associé car c’est à lui que reviendra les investissements nécessaires au développement des différents territoires.

APP – Un mot pour conclure notre entretien ?

Laurent GANGBES – J’ajouterai que ce projet est une passion. C’est une passion car le Président de la République nous donne l’occasion de démontrer que nous avons une intelligence collective qui permet justement de ne pas nous satisfaire d’une position de victime, mais de montrer au contraire que nous, Béninois, on sait faire ! Ce n’est que le travail, la motivation et la détermination qui permettent de développer le pays et rien d’autre. On peut avoir du pétrole et des matières premières, mais ce n’est pas pour autant que l’on devient un pays développé. Au Bénin, nous avons ce rêve de démonter qu’en travaillant avec une vision et une rigueur, on peut arriver à trouver notre chemin singulier sur la voie du développement au bénéfice des nos populations.

EN SAVOIR PLUS :
www.apiex.bj
www.gdiz-benin.com

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INSCRIPTIONS OUVERTES à notre XIe Conférence
des Ambassadeurs Africains à Paris, le 28 novembre

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