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Hicham EL MERINI, co-Président AFRICAlink (Marseille) : « Nous voulons créer notre société d’investissement et devenir labellisateur de projets de création d’entreprise »

25 juillet 2022
Hicham EL MERINI, co-Président AFRICAlink (Marseille) : « Nous voulons créer notre société d'investissement et devenir labellisateur de projets de création d'entreprise »
Hicham EL MERINI est « tombé amoureux de Marseille » lorsqu’il y est arrivé comme étudiant en 1985, et il n’en est jamais reparti. Entrepreneur et citoyen engagé dans la vie associative, il est co-Président d’AFRICAlink*, l’association marseillaise et euro-africaine qui promeut le partenariat entrepreneurial entre les deux continents. Entretien.

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Propos recueillis à Marseille par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@alfredmignot | @africa_presse

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APP – Après vingt-cinq ans passés chez AMESYS, société réputée de services d’ingénierie informatique, vous avez décidé, il y a cinq ans, de créer votre propre entreprise, SM2E, active dans les métiers de la défense et de la sécurité électroniques. Quelle a été votre motivation ?

Hicham EL MERINI – J’étais actionnaire de deux filiale d’AMESYS, où j’en en effet travaillé vingt-cinq ans. Avec des copains, on devait acquérir l’entreprise via un LBO, mais finalement le propriétaire de l’époque a décidé de tout vendre à une autre personne, qui est donc devenue l’actionnaire majoritaire, et l’a revendue à un grand groupe… dans lequel je n’ai pas trouvé ma place, je ne me suis pas entendu avec les dirigeants. Alors j’en suis parti pour créer mon entreprise, SM2E (https://www.sm2e.net/), avec deux implantations simultanées, l’une à Marseille et l’autre au Maroc, à Casablanca.

APP – Vous avez donc créé deux « entreprises jumelles » et donc des emplois, tant au Maroc qu’en France. Était-ce juste par opportunité, ou par volonté délibérée d’organiser un partage des chaînes de valeur entre les deux continents, comme on le dit maintenant ?

Hicham EL MERINI – Par volonté ! Premièrement, parce que je suis Marocain, et deuxièmement parce que j’ai beaucoup de clients au Maroc, et le fait de créer une entité locale, cela permet de garantir une proximité et une qualité de service au client.

La question de l’opportunité s’est posée après. On s’est dit qu’il était utile de parfaire la formation de notre équipe marocaine, de telle sorte que lorsqu’on on intervient auprès de nos clients d’Afrique ou du Moyen-Orient, on puisse mobiliser les compétences disponibles dans les deux pays.
Alors nous avons fait évoluer l’équipe marocaine, déjà excellente, vers des domaines qu’elle ne pratiquait pas, comme la sécurité, la cryptographie, la guerre électronique…

APP – Permettez une question toute simple : vu la différence de niveau de vie entre l’Europe et l’Afrique, qui peut aller jusqu’à x10 ou x12, comment fait-on pour rester compétitif sur le marché africain, lorsque l’on produit en France ?

Hicham EL MERINI – J’ai la chance d’œuvrer dans des domaines où j’ai des clients que je connaissais avant de créer mon entreprise. Des professionnels avec lesquels je travaille depuis vingt ou vingt-cinq ans, et dont certains sont devenus des amis.
Je suis positionné sur un marché de niche et certes, il y a de grands noms très prestigieux dans notre univers – Thalès, Airbus Défense, Atos par exemple… – et nous ne sommes qu’un tout petit poucet. Mais nous savons faire du sur-mesure, délivrer une qualité de service qui est vraiment adaptée aux exigences du client.

J’ai d’ailleurs toujours adopté cette attitude, même lorsque j’étais chez AMESYS… À un moment donné, nous avions cinq filiales à l’étranger, trente-deux partenaires, des concessionnaires, des agents qui nous représentaient un peu partout dans le monde. On arrivait à vendre dans une quarantaine de pays et là, j’ai toujours adopté cet état d’esprit, le même d’ailleurs que nous développons aujourd’hui à AFRICAlink…

APP – Venons-en à AFRICAlink, justement ! Mais avant, un mot sur l’ADECI, autre association que vous avez également présidée…

Hicham EL MERINI – Effectivement, l’ADECI – Association pour le développement de la coopération industrielle – avait déjà cette démarche de compagnonnage industriel, de création de partenariats d’entreprises entre les deux rives de la Méditerranée.

Malheureusement, à un moment donné, l’association n’a pu trouver de financement et s’est arrêtée… Et un jour j’ai recroisé Denis Bergé, notre Délégué général d’AFRICAlink, que je connaissais depuis environ vingt-cinq ans. Il portait depuis des années cette idée de créer un réseau d’entrepreneurs africains et européens, disposés à s’entraider…

L’idée m’a séduit et, avec 63 autres entrepreneurs, je suis devenu membre fondateur d’AFRICAlink, il y a maintenant cinq ans, avec le soutien de la CCIAMP et de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Puis, à l’occasion de notre assemblée générale, en mars 2022, j’en suis devenu le co-Président, avec Panayotis Liolios. Nous avons succédé à Yves Delafon, premier Président d’AFRICALINKlink, et désormais Président d’honneur.

Hicham EL MERINI, Président d’AFRICAlink, en compagnie de Denis BERGÉ, Délégué général de l’association. © AM/APP

APP – Combien de membres comptez-vous actuellement ?

Hicham EL MERINI – De 64 membres fondateurs, nous sommes actuellement 174, dont 40 % d’entrepreneurs africains. Nous sommes implantés dans neuf pays africains – Maroc, Tunisie, Sénégal, Côte d’Ivoire, Djibouti, Cameroun, Égypte, Madagascar, Mauritanie – et bientôt aussi au Ghana et en Ouganda. Nous y sommes représentés par des « ambassadeurs », car nous souhaitons que les comités locaux soient autonomes. Le représentant local est plus à même de connaître son territoire et ses entrepreneurs. Tout en respectant les principes de l’association, il peut ainsi adapter la culture AFRICAlink à la manière locale.

APP – Vous serez donc bientôt représentés dans onze pays d’Afrique… et en France ? Avez-vous réussi à vous étendre au-delà de votre cadre régional d’origine ?

Hicham EL MERINI – AFRICAlink est en effet née à Marseille, mais nous avons aussi des membres parisiens, niçois, montpelliérains… et même un britannique… ante-Brexit ! Début septembre, nous allons ouvrir un comité AFRICAlink à Nice et à Montpellier. Et plus tard à Paris, où nous avons déjà quelques membres.

Nous sommes bien sûr prêts à accueillir également des membres italiens, espagnols… car nous sommes vraiment positionnés sur un axe Afrique-Europe. C’est pourquoi nous participons à tous les événements qui s’inscrivent dans cet axe, que ce soit ici ou en Afrique. Par exemple, en juin dernier nous étions présents à Abidjan à la première édition du Business Forum d’Abidjan, Forum des Affaires Afrique de l’Ouest-Union Européenne, organisé par l’UE, le gouvernement ivoirien et la CEGECI, la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire. Aussi, nous serons partenaires du prochain grand forum annuel Ambition Africa, qui se tiendra les 4 et 5 octobre prochains à Paris-Bercy.
APP – Comment peut-on devenir membre d’AFRICAlink ?

Hicham EL MERINI – Par cooptation ! Ce principe est pour nous essentiel. Si un adhérent nous présente un candidat, nous attendons de ce dernier qu’il respecte une certaine éthique et un mode de fonctionnement. Du fait que la personne soit parrainée par un membre de l’association, nous considérons qu’elle bénéficie d’un capital de confiance et peut donc être intégrée assez facilement.
Donc, si aucun membre du bureau ou fondateur n’émet de véto dans les 48 heures, le candidat est admis dans l’association – à condition certes de répondre à quelques critères : être une PME – pas un grand groupe ! – et adhérer à la charte des valeurs : le business sur un pied total d’égalité, la création de valeur ici mais aussi au sud.

Ce principe de cooptation est essentiel pour conserver la confiance et pour aller vite. La confiance entre membres, c’est le premier point extrêmement positif d’AFRICAlink. On fait tout pour que la confiance soit là, pour que la proximité avec les clients soit là, pour que la démarche locale soit respectée, et pour se soutenir par l’entraide mutuelle sur le terrain.

APP – Quels sont les éléments distinctifs de l’offre AFRICAlink ?

Hicham EL MERINI – AFRICAlink offre plusieurs avantages. Mais tout d’abord, je veux souligner que nous ne sommes pas un club d’exportateurs, et encore moins un club ouvert auquel n’importe qui pourrait adhérer juste en envoyant un bulletin d’adhésion et en payant une cotisation…

AFRICAlink est une communauté d’entrepreneurs transnationaux, et cela fait toute la différence. Notre originalité, c’est que 40 % de nos membres sont africains, et ce pourcentage ne cesse d’augmenter. Nous faisons des affaires sur un pied total d’égalité, dans les deux sens : nous menons des missions en Afrique, mais aussi nous accueillons chaque année une dizaine de missions africaines ici, sur notre territoire régional et en France.

APP – En quoi les entreprises africaines sont-elles intéressées par AFRICAlink ?

Hicham EL MERINI – En moins d’un an, le pourcentage de nos membres entrepreneurs africains est passé de 20 % à 40 %. C’est qu’ils adhèrent à notre démarche gagnant-gagnant, avec une approche respectueuse et éthique.
Le deuxième point important, c’est que nous ne sommes pas un club d’exportateurs, comme déjà dit. Notre proposition est de créer ensemble, pour ensuite vendre ensemble, en Afrique, en Europe ou ailleurs dans le monde.

Donc globalement nous œuvrons pour que la relation Afrique-Europe et Europe-Afrique fonctionne dans les deux sens, et nous contribuons aussi à faciliter la relation Sud-Sud… Par exemple, leur rencontre au sein d’AFRICAlink a permis à des entrepreneurs marocains et gabonais de répondre ensemble à un projet de la Setrag pour mettre en place un réseau de transmission Wi-Fi sur toute la ligne de chemin de fer actuellement déployée au Gabon. Contribuer à consolider des relations Sud-Sud, c’est aussi un point fort d’AFRICAlink.

APP – Quels sont les secteurs économiques représentés dans l’association ?

Hicham EL MERINI – AFRICAlink aujourd’hui est vraiment multisectorielle. Par exemple, lors de la dernière mission d’une quinzaine d’entreprises que nous avons conduite à Dakar, avec Rising Sud, nous avions des participants de neuf secteurs d’activité : santé, services, industrie, agriculture, bâtiment écologique, énergie renouvelable, etc.
On note tout de même que certains secteurs commencent à émerger : les énergies renouvelables, la gestion de l’eau et des déchets, les fintech et la tech santé, les tech en général…

APP – Vous avez évoqué votre participation au récent Forum euro-africain d’Abidjan… qu’en avez-vous pensé ?

Hicham EL MERINI – C’était excellent ! Très étonnant, parce que c’était un forum purement business, avec énormément de BtoB et de BtoG ! Cela signifie que l’Union européenne commence à comprendre que quand elle investit sur l’entrepreneuriat en Afrique, cela donne des résultats ! C’est quand même nouveau.
Autre point vraiment intéressant : 90 % des participants étaient Africains, venus de l’ensemble du continent. Côté européen, AFRICAlink a participé avec une forte délégation, nous étions 18.

APP - AFRICAlink est-elle active dans la réflexion européenne visant à flécher plus directement l’argent du Global Gateway – dont 150 Md € dédiés à l’Afrique – vers les entreprises, et non plus vers les seuls gouvernements, ce qui génère souvent une forte déperdition des moyens mobilisés… ?

Hicham EL MERINI – Nous avons rencontré des responsables et suggéré des modes opératoires : notre souhait est qu’AFRICAlink devienne un organe labellisateur de projets à financer.
Car, comme le dit notre ancien Président Yves Delafon, « il y a des trous dans la raquette ! » En effet, si on trouve assez facilement des financements pour des projets à plusieurs millions d’euros, c’est beaucoup plus compliqué pour des projets à 50 000, 100 000 ou même 500 000 euros.

Pour contribuer à remédier à cet état de fait, AFRICALink a décidé de créer sa propre société d’investissement.
Il s’agit de mettre en cohérence notre vision et nos actions. Donc, en attendant l’arrivée de bailleurs de fonds intéressés par nos idées, que nous avons sollicités, nous prouvons que nous sommes capables d’abonder notre société d’investissement avec notre argent.
Cette société d’investissement aura deux rôles : d’une part aider les petits projets et accompagner le créateur d’entreprise, partenaire africain ou européen – et nous allons créer pour cela nos propres comités d’investissement et d’accompagnement.

Deuxième démarche, à l’adresse des grandes institutions de financement, qui n’ont pas le temps de se consacrer à des petits projets : nous proposons qu’AFRICAlink devienne un organe labellisateur, d’étudier pour eux la viabilité des petits projets et d’en accompagner les créateurs afin d’optimiser les chances de réussite… L’idée plaît, nous espérons aboutir dans les prochains mois.

APP – Vous développez aussi des activités avec les diasporas africaines ?

Hicham EL MERINI – C’est un sujet où nous sommes invités par les Ambassades, qui effectivement travaillent sur la diaspora car elle est une richesse pour les deux pays, d’accueil et d’origine. Nous sommes dans la démarche d’accompagner et d’aider les créateurs d’entreprise de la diaspora à se structurer pour qu’ils restent sur les deux continents, car c’est là leur force. Par exemple, nous participerons prochainement à une grande conférence sur ce thème, à la suite d’une sollicitation de l’ambassadrice du Gabon, SE Mme Liliane Massala.

Par ailleurs, nous nous rapprochons de l’association Les Déterminés. C’est un dispositif national géré par des personnes des diasporas africaines, et qui travaille tout au long de l’année en organisant des formations, de l’apprentissage, des stages… nous contribuons à trouver pour eux les entreprises partenaires dont ils ont besoin. Alors, si des entrepreneurs qui nous lisent sont intéressés, qu’ils nous contactent sur https://www.africalink.fr/contact/

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SUR LE MÊME SUJET :

*AFRICAlink : Panayotis Liolios et Hicham El Merini succèdent à Yves Delafon – 09/03/2022

Hugues PARANT, DG de l’EPA Euroméditerranée : « Marseille a le potentiel et la légitimité pour devenir un hub des échanges entre l’Afrique et l’Europe » – 13 juillet 2022

REPLAY de notre webinaire « La métropole AIX-MARSEILLE-PROVENCE, un tremplin pour les TALENTS D’AFRIQUE » (1 h 32’) – 17/11/2021

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LIEN UTILE :
Site AFRICAlink : https://www.africalink.fr/

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CMAAP 4 dédiée à la TICAD

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CONFÉRENCE
DES AMBASSADEURS AFRICAINS
DE PARIS DU 28 JUIN,
DÉDIÉE À LA TICAD,
LA COOPÉRATION JAPONAISE EN AFRIQUE

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