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Hajo ANDRIANAINARIVELO (Ex-vice PM) : « Madagascar a besoin d’investissements étrangers, y compris dans le tourisme... »

26 février 2023
Hajo ANDRIANAINARIVELO (Ex-vice PM) : « Madagascar a besoin d'investissements étrangers, y compris dans le tourisme... »
Président du Parti MMM (Malagasy Miara Miainga, « Malgaches, avançons ensemble ») et ex-Vice-Premier ministre du gouvernement de Transition, chargé de l’Aménagement du Territoire et du Développement, Hajo ANDRIANAINARIVELO a bien des idées pour son pays. « Le tourisme, nous dit-il lors d’une visite à Paris, peut être un moteur du décollage économique ». Entretien.

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Propos recueillis par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse

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APP - Quelle est la raison de votre passage à Paris ?

Hajo ANDRIANAINARIVELO - C’est une tournée européenne – qui va également me conduire à Lisbonne et à Bruxelles – entreprise dans le cadre de plusieurs réunions de l’Internationale démocrate centriste. J’en profite pour faire le tour des relations entre Madagascar et la France au niveau économique et politique car – comme vous le savez – les pays d’Afrique ont beaucoup souffert de la crise Covid et Madagascar en particulier, d’autant que notre île fait partie des pays les plus pauvres au monde.

L’avenir de notre pays se joue sur la capacité de ses dirigeants à faire en sorte que cette pauvreté soit endiguée dans les meilleurs délais pour que l’on puisse avoir une stabilité économique sur le long terme. Or la France reste le premier partenaire économique de Madagascar au niveau des échanges. Si elle a perdu sa première place au niveau des importations, elle est toujours en tête pour les exportations vers la Grande Île.

APP – Ne vous faut-il pas améliorer le climat des affaires ?

Hajo ANDRIANAINARIVELO– Vous avez parfaitement raison. Le plus important pour nous, c’est que les entreprises françaises puissent continuer de faire confiance à Madagascar et ce n’est pas évident au vu du contexte actuel de crise internationale. Notre devoir est de porter aux yeux de tous et de nos principaux partenaires les potentialités de ce pays qui méritent d’être exploitées au bénéfice de sa population.

Nous devons aussi améliorer nos PPP (Partenariats publics-privés) car Madagascar a besoin d’investissements étrangers – y compris dans le tourisme - pour son développement. Tout doit être entrepris en ce sens pour améliorer le climat des affaires – on en est bien conscient – et ma démarche vise à voir quelles sont les attentes des investisseurs et quelles solutions politiques alternatives nous pouvons apporter pour le pays.

APP - Madagascar a bien des atouts touristiques, mais quels sont vos objectifs en ce domaine ?

Hajo ANDRIANAINARIVELO – Madagascar, qui est la quatrième plus grande île du monde, a des potentialités touristiques énormes avec une faune et une flore endémique qui constituent bien sûr un atout majeur pour l’île. Et beaucoup de nos populations pensent pouvoir vivre du tourisme, de manière directe ou indirecte. Le tourisme est transversal et peut constituer un moteur du développement et du décollage économique de Madagascar.

Quel est notre objectif ? Avoir un million de touristes d’ici à dix ans est possible et nous semble réaliste puisque l’île Maurice (beaucoup plus petite que la nôtre) y est déjà, mais nous en sommes encore très loin. Il nous faut donc augmenter d’abord l’attractivité de Madagascar, en termes de gouvernance et de sécurité des investissements, accroître les liaisons aériennes et dessertes de l’île. Améliorer enfin la diversité de l’offre avec le tourisme balnéaire bien sûr, mais aussi le tourisme culturel et le tourisme solidaire.

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« L’île doit améliorer
en priorité sa desserte aérienne »

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APP - Mais qui dit tourisme sur une île, dit inévitablement liaisons aériennes... Peut-on faire un point sur ce sujet stratégique ?

Hajo ANDRIANAINARIVELO – Le tourisme est bien évidemment un secteur plus que porteur et il est pourvoyeur de devises pour Madagascar, mais malheureusement la desserte aérienne de l’île fait partie des plus chères au monde, ce qui représente un frein pour le tourisme. Notre compagnie nationale, Air Madagascar, est en grande difficulté. Pour vous donner un exemple, nous n’avons plus qu’une seule desserte sur l’Europe, en l’occurrence sur Paris, et les vols intérieurs ne sont pas satisfaits à 100 %, vu l’immensité de l’île.

Il faudrait une réelle volonté politique, claire et énergique, pour permettre au ciel de s’ouvrir aux autres compagnies pour un véritable « open sky ». Mais notre priorité serait d’avoir une compagnie nationale forte capable de porter le tourisme national. Une réorganisation générale est nécessaire. Elle est d’autant plus nécessaire pour assurer les vols régionaux sur l’Afrique qui, eux, représentent un trafic important, mais ne sont pas non plus assurés à 100 %.

APP - Quelles sont les compagnies qui desservent présentement votre pays ?

Hajo ANDRIANAINARIVELO – À l’heure actuelle, Air France assure cinq rotations AR par semaine, mais il y a aussi Ethiopian Airlines, Turkish Airlines, Kenya Airways, la compagnie sud-africaine Air Link, Air Australe, Air Mauricius... En soi, il y a déjà une concurrence, sauf pour la desserte Tananarive-Paris qui reste le monopole d’Air France et d’Air Madagascar. Le trafic régional est en revanche important avec des liaisons pour la Réunion ou l’Afrique du Sud, et ce tourisme régional est assez dynamique.

Madagascar manque, par ailleurs, d’infrastructures hôtelières de qualité, qui puissent répondre aux standards internationaux, et manque de lits si le tourisme venait à se développer, comme nous l’espérons. Beaucoup reste donc à faire.

APP - Pour attirer les investisseurs, quels sont les secteurs porteurs qui vous semblent prioritaires ?

Hajo ANDRIANAINARIVELO – Les secteurs clés, ce sont incontestablement les transports et l’énergie car il faut résoudre en priorité les problèmes qui minent ces deux secteurs pour faciliter les investissements directs étrangers, améliorer la gouvernance et la sécurité des investissements. Une étude et des échanges francs doivent être entrepris avec les autorités des pays amis de Madagascar pour que l’on puisse en effet obtenir cette sécurité des investissements qui est indispensable.

Avec l’amélioration du climat des affaires, je me dois de souligner que Madagascar est riche en ressources naturelles, fossiles ou non fossiles, et des entreprises d’exploitation minière existent déjà, mais le potentiel est encore énorme. Il y a donc un besoin d’investissements sur le plus long terme.

Nous avons par ailleurs une population très jeune qui est dynamique et le secteur tertiaire s’est beaucoup développé à Madagascar car la connectivité est une des meilleures d’Afrique. Je veux parler de tout ce qui est nouvelles technologies, comme les « call center » ou les industries créatives. C’est une opportunité pour la jeunesse de participer au développement et de s’ouvrir sur le monde.

Il y a enfin l’agriculture, bien sûr. C’est un enjeu pour la planète de pouvoir nourrir nos populations. Madagascar dispose ainsi d’importantes terres agricoles, qui sont encore inexploitées, même si 80 % de la population travaille dans l’agriculture. C’est un paradoxe et l’enjeu majeur est d’arriver à une autosuffisance alimentaire. Car Madagascar, par exemple, importe malheureusement toujours du riz d’Asie. L’autosuffisance rizicole est pourtant à la portée de notre pays. Pour que Madagascar attire les investissements étrangers, il nous faut changer de paradigmes.

APP - Vous êtes aussi un chef d’entreprise avec un beau parcours professionnel. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Hajo ANDRIANAINARIVELO – J’ai fait mes études secondaires au lycée français de Tananarive, puis mes études supérieures à l’École Polytechnique de Montpellier où j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur en Sciences et Techniques des Industries alimentaires avant de faire à la Faculté de Médecine de Montpellier un Diplôme de 3e cycle en Environnement et Santé. Puis je suis rentré à Madagascar où je fus en 1994 le plus jeune maire de l’île.

Voilà les grandes lignes de mon parcours professionnel : je fus successivement chef de production de la société laitière Tiko, qui appartenait à l’époque à celui qui deviendra de 2002 à 2009 le Président Marc Ravalomanana, puis directeur d’exploitation des pêcheries du Menabe et du Melaky. Je me suis lancé ensuite avec mon épouse dans le BTP et on a créé la Société malgache de Presse et de Communication et, dans la foulée, Kolo TV, une chaîne télé et radio qui est aujourd’hui sur Canal Sat et diffuse sur l’ensemble de l’île. J’ai fait aussi beaucoup de consulting pour les entreprises dans le domaine agro-alimentaire et du conseil bien sûr pour des programmes de Développement et de Gouvernance.

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« Notre plus grande diaspora se trouve
en France avec 140 000 Malgaches »

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APP - Voilà une carrière bien remplie...

Hajo ANDRIANAINARIVELO – Et des journées parfois bien trop chargées car, en parallèle, j’ai occupé aussi d’importantes fonctions ministérielles : Ministre de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation de 2009 à 2010, Vice-Premier ministre du gouvernement malgache de Transition, chargé de l’Aménagement du Territoire et du Développement de 2011 à 2013 et, enfin Ministre de l’Aménagement du Territoire et des Travaux publics de 2019 à 2022. Je dois dire cependant que l’on avait plus de liberté durant la période de transition que maintenant.

APP - Peut-on faire un bilan de votre action et de votre expérience gouvernementale ?

Hajo ANDRIANAINARIVELO – À ce poste stratégique de l’Aménagement du Territoire, que l’on m’a confié plusieurs fois, nous avons pu créer l’Ordre des Architectes de Madagascar, ce qui a permis d’ouvrir beaucoup des cabinets d’architecture et à un certain nombre de jeunes de la diaspora de revenir au pays et d’être reconnus comme architectes. Nous avons aussi mis en place un Fonds national foncier, ce qui est important pour la population comme pour l’attrait des investisseurs. On a commencé la réforme du secteur foncier par la modernisation et la digitalisation. Voilà deux réalisations concrètes, mais il y en a eu bien d’autres...

Nous avons ainsi effectué des travaux pour opérationnaliser les plans d’urbanisme des grandes villes qui représentent un enjeu majeur à Madagascar. Cela s’est fait en collaboration avec les partenaires techniques et financiers, surtout l’AFD, notre principal partenaire grâce auquel on a pu mobiliser aussi l’Union européenne et la Banque mondiale. Comme tous les autres pays d’Afrique, Madagascar arrivera avant 2050 à une parité urbaine et rurale et cela représente un enjeu majeur pour le développement du pays. C’est à la fois un grand danger et une grande opportunité si le pays arrive à mettre en place les structures nécessaires.

APP - Un mot pour conclure sur la francophonie de l’île, qui fait votre fierté et a d’ailleurs accueilli le XVIe Sommet de l’OIF en novembre 2016...

Hajo ANDRIANAINARIVELO – Vous savez que chez nous il y a deux langues officielles : le malagasy et le français. Ce qui prouve déjà l’attachement des Malgaches au français et à la culture française en général. Madagascar représente ainsi le plus grand réseau d’Alliances françaises au monde et le lycée de Tananarive fait partie des lycées français les plus réputés.

Nous avons des liens historiques entre nos deux pays et la plus grande diaspora malagasy se trouve en France avec 140 000 Malgaches alors que la plus grande communauté française en Afrique réside à Madagascar : elle est forte d’environ 20 000 ressortissants inscrits au Registre des Français établis à l’étranger, et quelque 5 000 non-inscrits dont un certain nombre de binationaux.

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La VIIe Conférence mensuelle des Ambassadeurs Africains de Paris, organisée par notre site www.africapresse.paris, s’est tenue le 15 février 2023 à l’Hôtel de l’Industrie, place Saint-Germain-des-Prés (Paris VIe), sur le thème :

« BÉNIN, MAURICE, SÉNÉGAL :
les nouvelles ambitions du tourisme africain »

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CLIQUEZ ICI ET VOYEZ LE REPLAY
DE NOTRE CMAAP 7 du 15 février 2023

Avec la participation de S.E. M. Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de MAURICE, Président du Groupe des Ambassadeurs francophones de Paris - S.E. M. Eusèbe AGBANGLA, Ambassadeur du BÉNIN - Mme Coura AMAR, Conseillère économique à l’Ambassade du SÉNÉGAL, représentant S. E. El Hadji Magatte SEYE, Ambassadeur - M. Stéphane TIKI, Directeur du Développement du Groupement du Patronat francophone (GPF) - M. Papa Amadou SARR, Directeur exécutif de l’Agence française de Développement (AFD) - M. Alfred MIGNOT, Directeur AfricaPresse.Paris (APP), organisateur et modérateur des CMAAP. © Frédéric Reglain

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L’historique salle des Frères Lumière, à l’Hotel de l’Industrie, siège de la SEIN à Paris VIe (4, place Saint-Germain-des-Prés), a accueilli la VIIe Conférence mensuelle des Ambassadeurs Africains de Paris (CMAAP 7), le 15 février 2023. © F. Reglain

TOUS NOS ARTICLES SUR LA CMAAP 7

CMAAP 7 / S. E. Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de MAURICE : « Notre objectif pour l’île est de revenir à plus d’un million de touristes » https://swll.to/JlaaR

CMAAP 7 / S. E. Eusèbe AGBANGLA, Ambassadeur du BÉNIN : « Il nous faut moderniser tout notre écosystème du tourisme » https://swll.to/Zazdz

CMAAP 7 / Mme Coura AMAR, conseillère Économie à l’Ambassade du Sénégal : « Notre ambition est de devenir le premier hub aérien de l’Afrique de l’Ouest » https://swll.to/pmo4cb

CMAAP 7 / Abdou DIOP (DG mazars Maroc) : « L’Afrique a beaucoup de potentiel pour progresser dans l’industrie touristique » https://swll.to/QgnvXPD

CMAAP 7 / Stéphane TIKI (GPF, Groupement du Patronat francophone) : « Connecter l’offre et la demande en Afrique, c’est notre mission au quotidien » https://swll.to/9jgpS

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