Christian Hiller von Gaertringen : « Dans sa nouvelle stratégie africaine, Angela Merkel ne parle plus d’une motivation spécifique franco-allemande » (2/2)
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Une contribution de Christian Hiller von Gaertringen
Analyste, chercheur, économiste,
expert financier sur l’Afrique
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La pandémie du Covid-19 est une occasion que la chancelière partante Angela Merkel ne voulait pas rater pour faire quelques amis à l’Allemagne en Afrique. Elle distribuait des aides non seulement aux entreprises allemandes, aux salariés en chômage technique en Allemagne, mais également largement en Afrique.
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Un « Plan Marshal » pour l’Afrique,
mais non financé
Un « Plan Marshal » pour l’Afrique,
mais non financé
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Dans les dernières années de son règne long de seize ans, Angela Merkel a porté un intérêt tout particulier à l’Afrique. Elle a présenté au continent un « plan Marshall », une initiative internationale sous le nom de « Connect with Africa » en faveur de quelques pays en vue de l’Ouest, tels que le Ghana ou l’Éthiopie, un papier stratégique pour définir les relations entre l’Allemagne et l’Afrique, le tout agrémenté de quelques programmes plus ponctuels, comme le combat contre les raisons de la migration ou du virus de la Covid-19.
Mais au regard de l’ampleur des annonces, les résultats ont eu du mal à suivre. Contrairement au « plan Marshall » des États-Unis qui attribuait à la seule France 2,8 milliards de dollars de l’année 1952, le plan Marshall d’Angela Merkel avec l’Afrique ne prévoyait pas de fonds supplémentaires du tout, mais se composait avant tout de mots chaleureux.
L’Allemagne fédérale avait toujours de la peine à formuler une politique étrangère autonome. Surtout en Afrique, les amis de ses amis étaient également ses amis. Pendant la guerre froide, elle se cachait derrière les objectifs stratégiques des États-Unis, ou bien elle respectait les intérêts de la France en Afrique francophone.
Loin de se poser contre la politique d’antan, le gouvernement d’Angela Merkel mettait du temps à formuler une approche allemande envers l’Afrique. C’est seulement en 2011 que la chancelière avait présenté une stratégie pour l’Afrique qui reprenait largement le discours prédominant de la communauté internationale : défendre les droits de l’Homme, contribuer au développement du continent, plaider pour la stabilité politique et le renforcement des institutions. Rien de bien particulier.
Et même lorsque la France, sous la présidence d’Emmanuel Macron, faisait des avances à l’Allemagne de développer une politique commune envers l’Afrique et de renforcer le rôle de l’Union européenne, Angela Merkel repoussait ces initiatives, en des mots tout à fait polis, mais sans équivoque.
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« Stabiliser le Sahara afin de contenir
la migration vers le Nord »
« Stabiliser le Sahara afin de contenir
la migration vers le Nord »
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La nouvelle stratégie du gouvernement allemand se veut dans la continuité de l’ancienne, mais se différencie sur des points particuliers. « L’Allemagne est fermement du côté du Mali et de ses habitants », disait en 2019 le ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas, social-démocrate originaire de la Sarre. Ce qu’il entendait dire par cette petite phrase est un retournement clair de la politique allemande en Afrique : c’est la reconnaissance que les intérêts de stabilité et de sécurité de l’Allemagne se décident également dans le désert malien.
Les troupes allemandes sont stationnées, aux côtés des soldats français, au Mali depuis 2013. L’engagement militaire allemand date donc d’avant la crise des réfugiés qui a tellement bouleversé le paysage politique outre-Rhin. Au début, l’envoi des troupes au Mali n’avait pas grand-chose à voir avec des intérêts allemands en Afrique. Il s’agissait avant tout d’un geste vers le gouvernement français.
Depuis, l’intérêt de la mission allemande a changé : Il ne s’agit plus seulement de soulager un peu les Français dans leur effort militaire. Aujourd’hui, il s’agit également de stabiliser le Sahara afin de contenir la migration vers le Nord.
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Les puissantes agences allemandes
de coopération en Afrique
Les puissantes agences allemandes
de coopération en Afrique
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Ce changement d’intérêt ne signifie cependant pas que la politique étrangère se militariserait. Le soutien des Allemands au Mali se limite essentiellement à former l’armée régulière du Mali et des unités antiterroristes formées dans le Sahel, ainsi que d’un apport logistique des troupes françaises. Pour le reste, l’Allemagne fédérale fait ce qu’elle a toujours fait en Afrique : elle distribue de l’argent, essentiellement dans des projets de développement.
Au centre de la Coopération allemande se trouve la GIZ, société à responsabilité limitée (Sarl) détenue par l’État allemand. La GIZ réalise avec près de 20 000 employés un chiffre d’affaires d’environ 3 milliards d’euros.
À côté d’elle, la DEG, fonds de l’État allemand de capital-investissement, qui recadre ses engagements de plus en plus vers l’Afrique. La DEG dispose d’un effectif de 570 personnes et son bilan s’élève à 5,3 milliards d’euros. Et puis, la KfW, banque de l’État allemand, chargée notamment de soutenir le financement des engagements allemands en Afrique, a financé en 2018 dans le cadre de la Coopération financière des aides de 1,1 milliard d’euros.
La KfW IPEX, chargée des financements pour le secteur privé, gère dans le monde un portefeuille de 33,3 milliards d’euros pour financer le commerce extérieur de l’Allemagne, des investissements et des projets d’infrastructure.
La GIZ, la DEG et la KfW sont trois poids lourds en Europe dans la coopération technique et financière vers l’Afrique.
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La référence à la France, gommée
au profit des « intérêts européens »
La référence à la France, gommée
au profit des « intérêts européens »
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Le gouvernement Merkel semble prendre conscience de son poids économique et politique en Afrique. Dans la nouvelle stratégie africaine, la chancelière ne parle plus d’une motivation spécifique franco-allemande. Au mieux, elle met en avant des « intérêts européens », un changement majeur de son orientation politique.
Dans le texte présentant la nouvelle stratégie, le gouvernement mentionne 20 fois l’Europe et autant de fois l’Union Européenne (UE), mais pas une seule fois la France. Ce changement sémantique cache difficilement le fait que l’Allemagne compte bien à l’avenir gagner de l’autonomie dans sa politique africaine. Et pour ce faire, elle s’appuiera, comme dans le passé, moins sur la force de son armée que sur sa force économique.
Déjà, les Allemands ont bien rattrapé les Français en ce qui concerne les relations commerciales avec l’Afrique. Et ils comptent ne pas s’arrêter là. Et pourtant, la crise de la Covid-19 a freiné les ambitions allemandes. En 2020, les exportations allemandes vers l’Afrique sub-sahariennes ont chuté de 22 %, à 10,6 milliards d’euros, et de 29 %, à 7 milliards d’euros, vers la seule Afrique du Nord.
Mais les quelques entreprises allemandes qui poursuivent une véritable stratégie africaine ne se laissent pas décourager par la crise de la Covid-19. Ainsi, le constructeur d’automobiles Volkswagen continue sa politique panafricaine et développe, à côté de sa grande usine près de Port Elizabeth en Afrique du Sud avec 5 600 employés, des unités de montage au Nigeria, au Ghana, au Rwanda et au Kenya.
Le plus grand constructeur automobile en Europe ne compte pas s’arrêter là. Grâce à l’introduction de l’autopartage, des modèles genre Blablacar ou des services de navette, Volkswagen entend gagner des parts de marchés même là où le faible pouvoir d’achat freine bien souvent la vente de véhicules neufs. Les nouvelles ambitions économiques, commerciales et politiques de l’Allemagne en Afrique n’en sont qu’à leur début.
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