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CMAAP 9 / Emmanuel DUPUY, Président de l’IPSE : « L’Arabie Saoudite peut être un accélérateur d’intégration diplomatique pour l’Afrique »

14 juillet 2023
 CMAAP 9 / Emmanuel DUPUY, Président de l'IPSE : « L'Arabie Saoudite peut être un accélérateur d'intégration diplomatique pour l'Afrique »
Panéliste expert de la IXe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris (CMAAP 9), dédiée à la relation entre l’Arabie saoudite et l’Afrique, le 4 juillet en présence de sept Ambassadeurs dont trois panélistes, Emmanuel DUPUY, Président de l’IPSE, a mis en lumière avec brio l’implication diplomatique déjà patente de l’Arabie saoudite en faveur de l’Afrique.

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par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@alfredmignot | @africa_presse

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C’est la géographie qui fait l’histoire… Se référant peut-être à ce précepte largement partagé parmi les géopolitologues, Emmanuel Dupuy s’est d’abord plu à rappeler qu’à l’Est de l’Afrique, le détroit de Tiran, large de 13 kilomètres, est plus étroit que celui de Gibraltar – 14 km –, communément évoqué pour signifier la proximité entre l’Europe et l’Afrique, et d’ailleurs autrefois poétiquement évoquée par feu Hassan II, le père de Mohammed VI : « Le Maroc est un arbre enraciné en Afrique et dont le feuillage s’épanouit en Europe ». Une image transposable à l’Est de l’Afrique et à la péninsule arabique.

Poursuivant le parallélisme, le président de l’IPSE (Institut de Prospective et sécurité en Europe) considère que l’actuel « déploiement saoudien est tout aussi légitime, tout aussi logique [que celui du Maroc, à l’ouest, ndlr] par sa proximité, son voisinage et ses frontières communes avec l’Afrique… Le royaume saoudien partage avec l’Égypte, le Soudan, l’Érythrée et Djibouti un intérêt de plus en plus convergent à la stabilisation de la région, en Érythrée comme en Ethiopie ».

La médiation proposée par le prince héritier et Premier ministre saoudien Mohammed Ben Salmane – lors de la crise de 2020-2021 et la rébellion de la région éthiopienne du Tigré, ainsi que dans la perspective des prochaines élections en Somalie – relève ainsi d’une « logique de légitimité » et la recherche d’un bon voisinage régional, comparable au positionnement de la Turquie, il y a une dizaine d’années : « zéro problème avec les voisins »…

Une vue partielle de la salle des séances de l’Académie des Sciences d’Outre-mer durant la CMAAP 9, la 4 juillet 2023. © Hady Photo/APP [Cliquer sur l’image pour l’agrandir]

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Une géopolitique
du régional au global

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Mais la pensée diplomatique de Mohammed ben Salmane se projette aussi dans une démarche globale. Jusqu’à l’intégration aux BRICS ? s’interroge Emmanuel Dupuy, notant au passage que le prochain sommet, prévu en Afrique du Sud du 22 au 24 août prochains, pourrait se concrétiser par l’entrée de l’Égypte et de l’Algérie, qui en ont fait la demande. « Une candidature d’adhésion de l’Arabie saoudite aux BRICS serait encore plus logique, plus évidente », commente le président de l’IPSE.

Selon lui, le rôle diplomatique de l’Arabie Saoudite vis-à-vis du continent africain est une évidence. En effet, 10 sur 22 pays de la Ligue arabe sont africains, ainsi que 30 sur 57 membres de l’Organisation de coopération islamique, et l’Afrique compte quelque 500 millions de musulmans, ce qui fait de l’Islam l’une des deux premières religions du continent, à égalité avec le christianisme.

« Deuxième élément, poursuit Emmanuel Dupuy, nous sommes dans une logique où l’Arabie saoudite et sa capitainerie, pour ne pas dire son “leadership”, sont dans une recherche de nouvelles orientations. Face au mouvement de de désoccidentalisation des organisations internationales, l’Arabie Saoudite se pense dans la globalisation au travers de l’émergence d’une nouvelle horizontalité stratégique, portée par les BRICS comme par l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).
Des logiques de rapprochement d’intérêts se font jour. Je pense notamment aux dix pays qui composent désormais l’Opep +, avec un leadership de plus en plus évident de l’Arabie Saoudite et un rôle impactant sur nos économies européennes par la régulation de la production de pétrole, comme on a pu le constater encore récemment. »

LE PANEL DES AMBASSADEURS - Alfred MIGNOT, Président du CAPP et d’AfricaPresse.Paris, présentant le panel des Ambassadeurs. De gauche à droite : S. E. M. Ayed M. YAHYA, Ambassadeur de DJIBOUTI. Doyen du Groupe des Ambassadeurs arabes, vice-doyen des Ambassadeurs en poste à Paris ; S. E. M. Fahad M. AL RUWAILY, Ambassadeur du ROYAUME D’ARABIE SAOUDITE ; S. E. M. Ahamada HAMADI, Ambassadeur de L’UNION DES COMORES. © Hady Photo/APP [Cliquer sur l’image pour l’agrandir]

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Un climat régional
en voie d’apaisement

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La faillite des accords sécuritaires du « pacte de Quincy » (1945) avec les États-Unis, qui n’ont pas réagi à l’attaque par de drones (attribuée à l’Iran) des sites Aramco dans le détroit d’Ormuz, en 2019, a contribué à la mise en place en 2020 des accords d’Abraham, qui associent Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn, et sont prolongés par ceux avec le Soudan et le Maroc. Ces accords se caractérisent notamment par leur intention d’apaisement, les pays arabes abandonnant leur posture historique d’opposition constante à l’occupant de la Palestine.

Non signataire de ces accords d’Abraham, l’Arabie saoudite n’en participe pas moins du relatif climat d’apaisement qui paraît s’installer dans la région. La stratégie de l’Arabie Saoudite – zéro problème avec tous les voisins – vise à se situer dans une logique de coopération et donc de mutualisation stratégique, considère Emmanuel Dupuy : « Comment ne pas le penser quand on voit que la Syrie a réintégré la Ligue arabe, après onze années d’absence ? Comment ne pas le penser en voyant le Conseil de coopération du Golfe rétablir la relation, ô combien perturbée, entre les membres du quartet arabe du Golfe (Émirats arabes unis, Bahreïn, Égypte, Arabie Saoudite) et le Qatar ? Même constat avec la réouverture des relations diplomatiques, fermées depuis 2016, entre l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis. »

LE PANEL DES EXPERTS - De gauche à droite sur la photo : M. Emmanuel DUPUY, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe, IPSE - M. Dominique BRUNIN, Directeur du développement de la Chambre de commerce franco-arabe, CCFA Paris - M. Houssam NASRAWIN, Directeur associé de OROUS Capital. © HADY Photo/APP [Cliquer sur l’image pour l’agrandir]

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Un partenaire global,
géopolitique et économique

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Pour le président de l’IPSE, aujourd’hui l’Arabie Saoudite se pense davantage dans sa relation géopolitique avec le continent africain, mais aussi économique. Elle est en effet un client et potentiellement un fournisseur de biens de consommation pour l’Afrique de demain, celle en train de se construire avec la Zone de libre échange continentale (ZLECAF).

Le moment pourrait ainsi être propice pour développer la triangulation économique France-Europe/Pays arabes/Afrique, évoquée par nombre d’opérateurs économiques. En s’appuyant notamment sur les entreprises françaises déjà actives depuis longtemps avec un certain nombre de pays arabes, dont l’Arabie Saoudite ; en s’appuyant aussi sur la nouvelle donne que représente le Global Gateway européen, avec 150 milliards d’euros d’investissements sur cinq ans réservés à l’Afrique, y compris dans sa partie orientale.

L’Arabie saoudite, qui se rapproche de la dynastie hachémite de Jordanie, pourrait aussi jouer à nouveau le rôle qui fut le sien dans la reconstruction du Liban des années 1990, au travers de sociétés solidaires dont Rafic Hariri fut l’un des artisans. Pareillement, il ne fait aucun doute que le royaume saoudien sera aussi présent sur le marché de la reconstruction en Syrie.

Aussi, l’Arabie saoudite a parfaitement compris, comme le montre son projet de développement Vision 2030, qu’elle a besoin de diversifier et de décarboner son économie, ainsi que de la digitaliser. Peut être est ce là une opportunité pour l’Afrique de proposer un certain nombre de ses terres rares, sans qu’elle ne soit spoliée, tout comme elle l’a fait par le passé avec ses richesses minières, aurifères et diamantifères.

« De son côté, l’Arabie Saoudite peut être un accélérateur d’intégration diplomatique du continent africain, dit Emmanuel Dupuy. Lors de sa présidence de l’Union africaine en 2022, le Président sénégalais Macky Sall – dont « nous saluons la décision de ne pas se présenter pour un troisième mandat » –, a tenté de nouer des partenariats pour obtenir deux sièges de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. Aucun pays européen ne l’a soutenu.

En revanche, lorsque l’Arabie saoudite présida le G20 en 2020 – une première pour un pays arabe –, elle a soutenu l’idée de l’élargissement du G20 à l’Union Africaine, qui sera donc le 21ᵉ membre de l’organisation », avec aussi le soutien, cette fois, du Conseil européen.

Le président de l’IPSE rappelle enfin que « si nous n’avions pas eu la proposition de financement de l’Arabie saoudite [100 millions d’euros, ndlr], sans doute le G5 Sahel n’aurait-il jamais existé (…) C’est vrai aussi qu’après l’Union africaine, l’Arabie Saoudite a été le principal financeur de la CARIC, la Capacité africaine de réaction immédiate aux crises, lancée en 2014…
L’Arabie saoudite s’affirme de plus en plus comme un acteur global avec lequel il faut compter. L’Europe comme l’Afrique doivent le comprendre ».

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LA « PHOTO DE FAMILLE » DE LA CMAAP 9 - De gauche à droite : S. E. M. Ahamada HAMADI, Ambassadeur de L’UNION DES COMORES (panéliste) - M. Emmanuel DUPUY, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe, IPSE (panéliste) - S. E. M. Ayed M. YAHYA, Ambassadeur de DJIBOUTI. Doyen du Groupe des Ambassadeurs arabes, vice-doyen des Ambassadeurs en poste à Paris (panéliste) - S. E. Mme Doreen Ruth AMULE, Ambassadeur de l’OUGANDA (invitée) - M. Alfred MIGNOT, Président AfricaPresse.Paris, concepteur et modérateur des CMAAP - S. E. M. Fahad M. AL RUWAILY, Ambassadeur du ROYAUME D’ARABIE SAOUDITE (panéliste) - M. Houssam NASRAWIN, Directeur associé de OROUS Capital (panéliste) - M. Dominique BRUNIN, Directeur du développement de la Chambre de commerce franco-arabe, CCFA Paris (panéliste) - S. E. M. Senkoun SYLLA, Ambassadeur de GUINÉE CONAKRY (invité) - Melle Sarah EL RUWAILY (invitée).
Absents de la photo mais ayant assisté à la conférence : S. E. M. François NKULIKIYIMFURA, Ambassadeur du RWANDA, et S. E. M. Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de MAURICE. © HADY Photo/APP [Cliquer sur l’image pour l’agrandir]

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VISIONNEZ ICI LE REPLAY DE NOTRE CMAAP 9 :
https://www.youtube.com/watch?v=idaOlizFKSc

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