Retrouvez AfricaPresse.paris sur :
RSS

Outils

CMAAP 9 / Dominique BRUNIN, DR CCFA-Paris : « Oui, la triangulation des entreprises France/Pays arabes/Afrique est possible, mais… en avons-nous assez la volonté ? »

24 juillet 2023
 CMAAP 9 / Dominique BRUNIN, DR CCFA-Paris : « Oui, la triangulation des entreprises France/Pays arabes/Afrique est possible, mais… en avons-nous assez la volonté ? »
« Ne soyez pas surpris si je tiens parfois des propos pas nécessairement politiquement corrects ! ». Ainsi commence l’intervention de Dominique Brunin, Directeur du Développement de la Chambre de commerce franco-arabe (CCFA) à la IXe Conférence des Ambassadeurs africains de Paris, organisée le 4 juillet par AfricaPresse.Paris…

.

par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@alfredmignot | @africa_presse

.

Abordant avec ce même ton direct le sujet de la triangulation entrepreneuriale, évoqué par plusieurs panélistes* de cette IXe Conférence des Ambassadeurs africains de Paris (CMAAP 9), Dominique Brunin considère qu’à la question fondamentale – des triangulations entre entreprises françaises, africaines et du monde arabe sont-elles possibles ? – la réponse est bien entendu, oui ! »

D’ailleurs, observe-t-il, la majorité des entreprises membres de la CCFA y sont représentées par des dirigeants à la tête de directions « Afrique Moyen-Orient ». « C’est bien l’illustration que les entreprises françaises du secteur privé ont une vision non seulement continentale africaine, mais ouverte aussi sur le monde arabe.

Reste que le nombre et la fréquence des opérations illustrant cette triangulation sont aujourd’hui encore très peu nombreses. La vraie question, c’est : de part et d’autre, avons-nous la volonté de concrétiser des projets ensemble ? »

Dans cette perspective, on ne saurait oublier de considérer le contexte global, marqué par quelques aspects géoéconomiques nouveaux et majeurs. Le premier point à noter, c’est que partout la nature a horreur du vide… Aussi, considère le Directeur de la CCFA, il ne faut pas être surpris si, au moment même où les entreprises françaises se désengagent, des concurrents venus d’autres pays s’affirment en Afrique ou dans le monde arabe…

« Regardez la presse. Alors que BNP Paribas s’est déjà très largement désengagé d’Afrique, Société Générale a annoncé à la fin juin son retrait de l’Afrique subsaharienne. Elle envisagerait même de se retirer de Tunisie. Et l’avenir de la BMCI au Maroc relève aujourd’hui du point d’interrogation. Le constat est le même dans la logistique. La plus importante des deux entreprises françaises du secteur en Afrique, Bolloré Logistics, vient de vendre l’intégralité de ses actifs ».

Une vue partielle de la salle des séances de l’Académie des Sciences d’Outre-mer durant la CMAAP 9, la 4 juillet 2023. © Hady Photo/APP [Cliquer sur l’image pour l’agrandir]

.

Un contexte géoéconomique
international bouleversé

.

Les profonds bouleversements géostratégiques à l’œuvre sont un autre paramètre à prendre en considération, estime Dominique Brunin, tant en Afrique que dans le monde arabe. Et d’autant plus que l’on observe un effet d’accélération : en décembre dernier, alors que le président chinois effectue sa première visite officielle en Arabie saoudite, le Royaume et les autres États du Golfe profitent de cette présence pour tenir une très grande conférence entre la Chine et Le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Cela donne lieu à un communiqué qui place la coopération Chine/Pays du GCC au plus haut niveau stratégique des partenariats internationaux de la République populaire chinoise.

La montée en puissance des BRICS mérite aussi une attention particulière. À l’approche de leur XVe sommet, à Johannesburg du 22 au 24 août, une vingtaine de pays ont déposé des demandes, tant l’Arabie saoudite, que l’Algérie, Bahreïn, l’Égypte, le Nigeria, l’Éthiopie… d’Amérique latine aussi. L’Organisation pourrait ainsi bientôt compter autour d’une trentaine de pays membres. « Ce sera une transformation fondamentale, avec des conséquences majeures », estime Dominique Brunin. D’ailleurs, on a appris depuis que nombre de pays occidentaux – dont la France, les États-Unis et le Royaume Uni – n’ont même pas été invités à assister comme simples observateurs au sommet.

LE PANEL DES AMBASSADEURS - Alfred MIGNOT, Président du CAPP et d’AfricaPresse.Paris, présentant le panel des Ambassadeurs. De gauche à droite : S. E. M. Ayed M. YAHYA, Ambassadeur de DJIBOUTI. Doyen du Groupe des Ambassadeurs arabes, vice-doyen des Ambassadeurs en poste à Paris ; S. E. M. Fahad M. AL RUWAILY, Ambassadeur du ROYAUME D’ARABIE SAOUDITE ; S. E. M. Ahamada HAMADI, Ambassadeur de L’UNION DES COMORES. © Hady Photo/APP [Cliquer sur l’image pour l’agrandir]

.

Le tandem France-Maroc :
éphémère ou durable ?

.

Dans ce contexte, la triangulation entre entreprises françaises, du monde arabe et d’Afrique est-elle durablement possible ? L’exemple franco-marocan est-il pérenne ?

Ces dernières années, les entreprises marocaines et les entreprises françaises se sont déployées ensemble dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. En amont, le discours adressé par les autorités françaises aux entreprises a été très clair : utilisez vos implantations et votre présence au Maroc pour, avec des entreprises marocaines, aller conquérir ensemble de nouveaux marchés en Afrique subsaharienne.

« Cela a été possible, analyse Dominique Brunin, non seulement parce que la présence française était particulièrement importante au Maroc, avec plus de 1 100 filiales présentes, mais aussi parce que, au début des années 2000, entre les années 2005 et 2010 en particulier, et cela s’est poursuivi bien après, la stratégie voulue par Sa Majesté le Roi Mohammed VI a été une stratégie de positionnement, de pénétration, de renforcement des relations du Royaume du Maroc avec l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne.

Une stratégie mise en œuvre avec de grandes entreprises, telles que l’OCP dans le domaine des phosphates, Attijariwafa Bank dans le domaine bancaire, dans les assurances et aussi les télécoms et l’aéronautique.
Certaines entreprises françaises ont su en profiter. C’est le cas de Veolia, Renault, Air Liquide, qui ont su véritablement développer des partenariats et utiliser leurs implantations marocaines pour accueillir, par exemple, en formation des cadres d’Afrique subsaharienne dans le domaine des utilities, mais également rayonner à partir du Maroc. »

Cette convergence de vision et d’intérêts est-elle en train de s’étioler ? « Il y a quelques mois, relève Dominique Brunin, une note de la Direction générale du Trésor français posait en effet la question : sommes-nous devenus partenaires ou concurrents ? » Car il est avéré que dans un certain nombre de pays, les entreprises marocaines sont devenues les premiers investisseurs étrangers.

LE PANEL DES EXPERTS - De gauche à droite sur la photo : M. Emmanuel DUPUY, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe, IPSE - M. Dominique BRUNIN, Directeur du développement de la Chambre de commerce franco-arabe, CCFA Paris - M. Houssam NASRAWIN, Directeur associé de OROUS Capital. © HADY Photo/APP [Cliquer sur l’image pour l’agrandir]

.

Les pays du Golfe amplifient
leurs IDE en Afrique

.

Mais tandis que la triangulation présente quelque fragilité, les pays du Golfe investissent très largement en Afrique, et notamment dans les secteurs portuaire et de la logistique. Ainsi Abu Dhabi Ports a signé en juin dernier un nouveau contrat de 500 millions de dollars d’investissements à Pointe-Noire, avec une concession de trente ans assortie d’une clause d’extension de vingt ans.

Son concurrent et voisin, Dubaï Ports World, est le troisième exploitant portuaire mondial, présent dans plusieurs pays d’Afrique : Angola, Égypte, Mozambique, Rwanda, Sénégal, Somalie, Afrique du Sud, Nigeria…
Dans le domaine des télécommunications, Qatar Telecom est présent dans de nombreux pays et l’opérateur principal des Émirats Arabes Unis est présent au Bénin, au Burkina, en RD Congo, au Gabon et en Côte d’Ivoire.

Dans le domaine agroalimentaire, considéré aujourd’hui comme secteur stratégique de souveraineté, l’Arabie saoudite a massivement investi à hauteur de 2 millions d’hectares de terres agricoles en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale pour garantir une certaine partie de ses besoins agroalimentaires. Et il en est exactement de même pour les Émirats arabes unis, par exemple.

Revenant en fin d’intervention sur la question des partanarits triangulaire, le Directeur de la CCFA réitère sa conviction :
« Oui, c’est possible… » et d’ailleurs certaines grandes entreprises, le font, comme TotalEnergies avec Masdar (Abu Dhabi Future Energy Company), qui investissent ensemble dans des coentreprises pour le développement de projets hydrogène et fermes solaires sur l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, en particulier sur l’Égypte.

« Oui, c’est possible… mais cela nécessite :

 pour les Français, de changer notre approche : enlever nos lunettes obsolètes qui nous font voir un certain nombre de pays du monde arabe d’une manière parfois passéiste ;
 comprendre aussi que ces pays, globalement, demandent à être traités d’égal à égal. Non seulement ils le demandent, mais ils en ont toute la légitimité, tous les moyens, humains et financiers, en termes de richesse et de ressources.

Dans une relation d’égal à égal, chacun sera en mesure d’apporter sa contribution, financière ou technique et technologique, ainsi que de connaissance des marchés. Et c’est cette alliance des trois contributions qui permettra de faire un certain nombre de choses ensemble ».

.

*LES PANÉLISTES DE LA CMAAP 9 :

De gauche à droite, sur la « photo de famille » de la CMAAP 9 : S. E. M. Ahamada HAMADI, Ambassadeur de L’UNION DES COMORES (panéliste) - M. Emmanuel DUPUY, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe, IPSE (panéliste) - S. E. M. Ayed M. YAHYA, Ambassadeur de DJIBOUTI. Doyen du Groupe des Ambassadeurs arabes, vice-doyen des Ambassadeurs en poste à Paris (panéliste) - S. E. Mme Doreen Ruth AMULE, Ambassadeur de l’OUGANDA (invitée) - M. Alfred MIGNOT, Président AfricaPresse.Paris, concepteur et modérateur des CMAAP - S. E. M. Fahad M. AL RUWAILY, Ambassadeur du ROYAUME D’ARABIE SAOUDITE (panéliste) - M. Houssam NASRAWIN, Directeur associé de OROUS Capital (panéliste) - M. Dominique BRUNIN, Directeur du développement de la Chambre de commerce franco-arabe, CCFA Paris (panéliste) - S. E. M. Senkoun SYLLA, Ambassadeur de GUINÉE CONAKRY (invité) - Melle Sarah EL RUWAILY (invitée).
Absents de la photo mais ayant assisté à la conférence : S. E. M. François NKULIKIYIMFURA, Ambassadeur du RWANDA, et S. E. M. Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de MAURICE. © HADY Photo/APP [Cliquer sur l’image pour l’agrandir]

.

VISIONNEZ LE REPLAY ICI :
https://www.youtube.com/watch?v=idaOlizFKSc

Articles récents recommandés