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Ambition Africa / Emmanuel PEZÉ, Vice-Président Afrique/MO de TINUBU : « L’assurance-crédit, un outil indispensable à l’essor des PME africaines »

23 octobre 2022
Ambition Africa / Emmanuel PEZÉ, Vice-Président Afrique/MO de TINUBU : « L'assurance-crédit, un outil indispensable à l'essor des PME africaines »
Numéro 1 mondial des éditeurs des logiciels en SaaS destinés au métier de l’assurance-crédit, la société française TINUBU va s’implanter en Afrique francophone, en visant en priorité les TPE et PME, dont on connaît l’immense difficulté d’accès au crédit, alors même qu’il y a énormément d’argent disponible sur le marché…

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Par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse

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APP - Quel est l’objectif de votre présence à la IVe édition d’Ambition Africa à Bercy ?

Emmanuel PEZÉ – J’y participe personnellement chaque année pour deux bonnes raisons. Nous collaborons beaucoup avec Business France car la BPI est l’un de nos actionnaires historiques depuis une dizaine d’années et nous avons maintenant un partenariat constant avec Business France.

La seconde raison de ma présence ici, c’est qu’Ambition Africa est un rendez-vous essentiellement d’Africains francophones. Or, TINUBU, société éditrice de logiels pour l’assurance-crédit, n’a pas encore conquis de marchés importants en Afrique francophone bien que l’un de nos fondateurs soit Togolais. Au sein de TINUBU, je suis en charge des Ventes de nos systèmes et de nos services pour l’Afrique et le Moyen-Orient. Je suis donc venu principalement pour prendre des contacts.

Pour TINUBU, les TPE et PME ont un besoin impératif d’assureurs-crédit pour apporter les garanties, qu’elles sont la plupart du temps bien en mal de fournir, pour obtenir les prêts bancaires ou le crédit fournisseur sans lesquels elles ne peuvent pas investir et se développer.

APP - D’où vient ce nom original de votre société, qui est pourtant française ?

Emmanuel PEZÉ – Notre société est une pépite française qui joue un rôle éminemment stratégique, mais son appellation – TINUBU - a une histoire. TINUBU Square, c’est le nom d’une place de Lagos, l’ex-capitale du Nigeria, où mon frère cadet Jérôme a commencé sa carrière quand il travaillait pour la SCOA (Société commerciale de l’Ouest africain) et se rendait une fois par semaine à TINUBU Square pour rencontrer des représentants du ministère nigérian des Finances. Il a gardé en mémoire le nom de ce lieu, symbole pour lui d’échanges et de négociations.

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« L’idée est de faciliter le crédit
en installant la confiance »

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Mon travail consiste à fournir aux compagnies d’assurance-crédit publiques ou privées les systèmes qui leur permettent de faire leur métier de A à Z et de communiquer avec leurs clients. Il se trouve que ma famille est dans le métier de l’assurance-crédit depuis trois générations puisque mon grand-père Jacques Benoist d’Anthenay était l’un des fondateurs de l’historique SFAFC (Société française d’Assurance pour Favoriser le Crédit).

L’idée est de faciliter le crédit en installant la confiance. Quel est le principe ? En échange de la souscription d’une police d’assurance, l’assureur-crédit décharge de son risque le prêteur ou celui qui fait crédit, qu’il s’agisse d’une banque ou une entreprise qui va vendre à crédit à une autre entreprise.
Depuis l’instauration de règles très strictes qui s’appliquent aux banques quant à la solvabilité de leurs clients et l’encadrement des prêts qu’elles peuvent concéder (accords de Bâle 1, Bâle 2 et Bâle 3 mis en place pour ne pas rééditer la catastrophe bancaire de 2008), les banques sont devenues très strictes (avec quelques souplesses toutefois en Afrique) sur les conditions de prêt, alors que par ailleurs elles ne manquent pas de capacités financières…

APP - Comment précisément prêter de l’argent aux PME en Afrique ?

Emmanuel PEZÉ – Les parties prenantes au dernier G 7 avaient prévu de concéder un prêt de 300 milliards de dollars sur dix ans pour l’Afrique. Très bien, mais comment l’argent parviendra-t-il vraiment à ceux qui font l’économie et peuvent seules la développer, à savoir les TPE et PME ?

Pour donner de l’argent à ceux qui sont susceptibles de développer leurs petites entreprises, on leur demande en général – quand ce sont des banques – des garanties. Ce sont souvent des hypothèques. Quand ce sont des établissements publics, on fait aussi des enquêtes pour avoir plus d’informations. Or, le problème de l’Afrique, c’est que 65 % à 70 % des affaires se réalisant dans l’informel, sous le radar des banques, que les informations financières existent peu et que les entreprises n’ont pas l’habitude de se financer auprès des banques.

Voyez le paradoxe : il y a énormément d’argent disponible pour développer les TPE et PME, mais pas le moyen de le leur faire parvenir en toute sécurité. Sauf si on obtient – grâce à un assureur-crédit – une garantie dont le principe est très simple : si votre client ne vous paie pas, fait défaut ou ne vous rembourse pas, c’est l’assureur qui rembourse à hauteur de 90 %. L’assureur-crédit apporte cet élément qui manque : la confiance, il injecte de la confiance dans l’économie.

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« Au moment de la crise du Covid,
la France s’est retrouvée sans assureur-crédit »

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APP - Donnez-nous quelques exemples…

Emmanuel PEZÉ – Je prends deux exemples historiques.
1/ L’économie française au sortir de la Seconde Guerre mondiale avait le Plan Marshall pour reconstruire des routes, des chemins de fer et assurer des dommages de guerre. Très bien, mais l’on oublie souvent de dire comment cela s’est passé pour les entreprises. La France – et c’est la raison des « Trente glorieuses » – avait des compagnies d’assurance-crédit dont les noms sont aujourd’hui encore connus comme la SFAFC ou la COFACE, qui apportaient des garanties. Ce fut décisif.

2/ Le deuxième exemple est à la fois présent et africain. L’Afrique du Sud est aujourd’hui repartie sur de bonnes bases économiques, mais c’est surtout le seul pays d’Afrique qui a au moins trois assureurs-crédits donnant des garanties privées sur le marché sud-africain, chez ses voisins et à l’étranger.
Le premier, c’est CGIC (Credit Gurantee Insurance Corporation) qui a 70 % du marché, le deuxième Hollard, et le troisième Lombard, numéro un de la caution dans le pays. Et il y a de surcroît une Export Credit Agency (ECIC), sorte de bras armé du ministère du Commerce et des Finances pour garantir des projets chez ses voisins, notamment.

L’Afrique du Sud est donc équipée et même suréquipée en garanties et en assurances-crédits… Je participais le 22 septembre dernier à Johannesburg au Congrès annuel de CGIC, et c’était frappant de constater comment les entreprises locales sont soutenues par leurs assureurs-crédits qui acceptent de prendre des risques.
Car la grande maladie dans ce secteur, c’est l’assureur-crédit qui ne veut plus prendre de risques. Il y a encore vingt-cinq ans, on considérait qu’un assureur-crédit se devait de rembourser au moins 50 % des primes qu’il encaisse. Un assureur-crédit indemnise beaucoup, sinon il n’est pas crédible. Car s’il n’indemnise pas, conséquence des risques qu’il accepte de porter, à quoi sert-il ?

APP - Et quelle est aujourd’hui la situation en France ?

Emmanuel PEZÉ – En France, la SFAFC a été rachetée par les Allemands et est devenue Allianz Trade, la COFACE est détenue maintenant par Arch, un fonds d’investissement étranger, et il y a Atradus. (ex-Gerling Namur) très actif en France, mais qui appartient maintenant aux Espagnols de Credito Y Caution.
Au moment de la crise du Covid, la France s’est retrouvée sans assureur-crédit national pour soutenir les entreprises françaises. Et cette absence a conduit d’ailleurs à la création d’une nouvelle compagnie, qui s’appelle Cartan et a démarré en janvier dernier. C’est bien la preuve que l’assurance-crédit est un outil essentiel au développement d’une économie.

Mais n’êtes-vous pas avant tout un homme de terrain ?

Emmanuel PEZÉ – C’est parfaitement exact. Moi, quand je vais en Afrique, je vais sur le terrain car on ne peut pas faire valoir l’intérêt pour les affaires d’un produit comme celui-là sans parler directement aux interlocuteurs concernés. Je parle donc aux ministères du Commerce et des Finances, aux assureurs privés pour les sensibiliser et souligner qu’il y a un énorme marché de l’assurance-crédit court terme à prendre en Afrique, surtout pour les risques domestiques, et qu’il y a aussi d’importantes capacités de réassurance disponibles en Afrique.

Mais il y a bien souvent des blocages au niveau des autorités politiques. Pourquoi l’Afrique du Sud s’en tire si bien ? C’est qu’il y a des initiatives privées efficaces. Je l’ai constaté aussi en juillet dernier à Nairobi (Kenya) au Congrès des Assureurs Africains où nous étions plus d’un millier.

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« Nous préparons une tournée
en Afrique francophone »

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APP - N’est-ce pas un drôle de métier ?

Emmanuel PEZÉ – L’assurance-crédit est, parmi les métiers de l’assurance, celui qui demande les outils les plus pointus. TINUBU a investi depuis 22 ans pour développer des outils qui sont dans le « i-cloud » et l’on peut dire que notre société a eu l’idée du « i-cloud » avant le « i-cloud » ! Avec ces outils disponibles directement sur un ordinateur portable et une dizaine de gars qui ont compris le métier, vous pouvez démarrer une compagnie d’assurance-crédit. Nos systèmes sont sophistiqués – c’est vrai – mais nos systèmes ont été adoptés par tous les plus grands assureurs privés du monde, notamment les Américains qui sont particulièrement regardants comme A.I.G. (American International Group).

APP - Revenons un peu aux origines de TINUBU…

Emmanuel PEZÉ – La société a été fondée en l’An 2000 par mon frère Jérôme PEZÉ qui était à l’époque directeur commercial de l’assureur-crédit Euler et venait de rencontrer deux ans auparavant Olivier Placca. Ce dernier était alors l’un des dirigeants d’Expérian en France, et s’est occupé de la numérisation et de la mise en ligne de la base de données du Registre du Commerce français.

Ils se sont associés et ont lancé TINUBU. Au départ, ils étaient cinq et aujourd’hui nous sommes 170, dont 120 à notre siège d’Issy-les-Moulineaux dans la Tour Eqwater. Nous avons ici une équipe de 70 ingénieurs-informaticiens, tous spécialistes de l’assurance-crédit, qui font du développement et travaillent sur nos systèmes.

Dans ce secteur, nous sommes la seule société au monde à avoir investi aussi massivement –cau moins 20 % de nos revenus chaque année depuis vingt ans – pour développer ses compétences et des systèmes de plus en plus pertinents et sophistiqués. Nous sommes donc aujourd’hui un leader reconnu et incontesté sur ce marché. Nous avons développé aussi notre activité dans le domaine de la caution et, aux États-Unis, 70 % des « bonds », les cautions qui sont émises, le sont à travers nos systèmes.

Et 30 des 60 premiers assureurs-crédits dans le monde sont nos clients. Cela vous donne une idée de l’impact de notre société !
Nous sommes basés à Paris et nous avons des bureaux à New York, Orlando, Montréal, Singapour, et Londres, mais pas encore en Afrique…

APP - Quels sont vos prochains déplacements en Afrique ?

Emmanuel PEZÉ – Le 15 novembre, je serai de retour à Johannesburg pour l’Extred Africa, événement dédié aux Export Credit Agencies, et je suis sûr que j’y rencontrerai, comme à Nairobi, de nombreux francophones. En janvier et février prochains, nous allons faire avec Olivier Placca une grande tournée de plusieurs pays d’Afrique francophone avec des étapes à Abidjan, Dakar, Cotonou, Lomé et Yaoundé.

Dans tous ces pays, nous voulons livrer des systèmes qui marchent et leur permettent surtout d’avoir une politique économique indépendante et de faire ainsi parvenir des financements aux entreprises locales. L’idée est d’apporter à ces différents pays d’Afrique, et notamment aux PME, un outil qui leur permette de se développer. Car l’assurance-crédit est le pilier sans lequel, malgré tous les investissements massifs du monde, vous ne pouvez pas faire tenir debout une économie moderne.

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EN SAVOIR PLUS :
https://www.tinubu.com/

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CMAAP 6, le 9 novembre : « AFRIQUE-EUROPE : quelles avancées vers une coopération économique plus forte ? » INSCRIPTIONS OUVERTES

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Voyez ici le REPLAY de notre CMAAP 5, du 6 octobre 2022 :

« LA FRANCOPHONIE ÉCONOMIQUE
PEUT-ELLE SE RELANCER EN AFRIQUE ? »

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