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À SciencesPo Paris, avec LLEE Nasser Kamel, Karim Amellal, Arancha González et Ghassan Salamé : du pessimisme à l’espérance pour relancer la coopération euromed (UpM)

16 mars 2024
À SciencesPo Paris, avec LLEE Nasser Kamel, Karim Amellal, Arancha González et Ghassan Salamé : du pessimisme à l'espérance pour relancer la coopération euromed (UpM)
De gauche à droite sur la photo : l’ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères, SE Mme Arancha González, doyenne de la PSIA, l’Ecole des Affaires Internationales de Sciences Po Paris ; SEM Ghassan Salamé, ancien ministre libanais et professeur émérite à SciencesPo Paris ; SEM Karim Amellal, ambassadeur français et Délégué interministériel à la Méditerranée ; SEM Nasser Kamel, ambassadeur égyptien et Secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée. © AM/APP
Le mythique amphithéâtre Émile Boutmy, du nom du fondateur de SciencesPo Paris, accueillait mercredi 13 mars deux ambassadeurs en poste et deux anciens ministres méditerranéens pour débattre d’un sujet récurrent : « Comment relancer la coopération euromed ? ». Une confrontation courtoise mais réelle entre pessimisme et affirmation d’espérance.

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par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse

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SEM Nasser Kamel, l’ambassadeur égyptien Secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée, puis Karim Amellal, l’ambassadeur français et Délégué interministériel à la Méditerranée, avaient-ils à peine terminé leurs propos liminaires et consensuels de présentation et de contextualisation de l’Union pour la Méditerranée (UpM) que la prise de parole de l’ancien ministre libanais et professeur émérite à SciencesPo Paris, Ghassan Salamé*, jeta un trouble certain parmi l’auditoire lorsqu’il déclara ex abrupto : « La Méditerranée est un vrai-faux sujet ! La Méditerranée est-elle un concept géopolitique ? Non ! ».

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Ghassan Salamé, si pessimiste…
et provocateur

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Arguant que les crises et les guerres – Gaza et bien d’autres – qui surviennent en Méditerranée ne sont pas résolues par les Méditerranéens (seuls les États-Unis sont selon lui en capacité éventuelle d’imposer des solutions), il a considéré que l’UpM est « une organisation multilatérale pour les beaux-jours (…) La Méditerranée, c’est pour les vacances ! » lâcha-t-il enfin.

Cette assertion si tranchée, si inattendue de la part d’un universitaire émérite et homme politique d’expérience, prenait le contrepied total du propos liminaire circonstancié et tout en nuances de l’ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères, SE Mme Arancha González, maîtresse de cérémonie et des lieux, en sa qualité de doyenne de la PSIA, l’Ecole des Affaires Internationales de Sciences Po Paris. Quelques minutes auparavant, elle avait en effet déclaré :

« Nous sommes dans l’année du quinzième anniversaire de l’UpM, et nous sommes ici pour penser, ou plutôt pour repenser comment construire, comment relancer la coopération dans la Méditerranée (…)

On ne part pas de rien, il y a un acquis. En quinze ans, l’’UpM a beaucoup œuvré dans le domaine de la coopération régionale. Par exemple sur l’urgence climatique, la protection de l’environnement, la promotion du droit des femmes (…) On travaille aussi sur l’emploi, le renforcement des systèmes d’enseignement supérieur ou encore la protection civile… Et c’est vrai aussi que l’Union pour la Méditerranée a ce rôle très particulier de permettre aux pays adhérents de pouvoir aussi conduire un dialogue sur des questions, disons politiques – car c’est aussi de cela qu’il s’agit dans cette famille méditerranéenne. (…)

Quand je dis coopération, je ne suis pas naïve. Je sais que cela peut paraître en dissonance par rapport à la réalité d’aujourd’hui, où des conflits nouveaux – plus de 30 000 morts à Gaza – viennent s’ajouter à des conflits plus anciens (…) Je suis consciente de la difficulté. Mais la coopération n’est pas l’absence des conflits ; la coopération est un moyen possible pour les gérer » – sous-entendu de les pacifier, a-t-on pu comprendre…

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« À nous de préparer
ces beaux jours ! »

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Dans ce contexte, l’interrogation si académique, si spéculative pour ne pas dire carrément « hors-sol » sur la consistance ou pas du « concept géopolitique de Méditerranée » est-elle vraiment pertinente ? revêt-elle une quelconque utilité opératoire ?… En tout cas, nul ne peut nier « l’interdépendance » qui lie les destins des deux rives de la Méditerranée, relève Arancha González.

Et si la Méditerranée n’est plus aujourd’hui à l’évidence le phare de l’« économie-monde » qu’elle fut, comme nous l’a enseigné Fernand Braudel, les défis à relever en commun sont nombreux, ajoute de son côté l’ambassadeur Karim Amellal : lutte contre le changement climatique, développement économique par le partage des chaînes de valeur, gestion migratoire, énergie, gestion de l’eau, formation, emploi… « et si l’UpM est une organisation multilatérale réservée aux seuls beaux jours, eh bien, d’accord ! À nous de préparer les beaux jours ! » clame-t-il.

Une vue de l’amphithéâtre Émile Boutmy se SciencesPo Paris pendant le conférence dédiée à la relance de la coopération euromed, mercredi 13 mars 2024. Au premier rang à droite, on reconnaît SEM Mohamed Yahya TEISS, Ambassadeur de Mauritanie en France, et S. E. M. Alaa YOUSSEF, Ambassadeur d’Égypte en France. Derrière eux, Denis Deschamps, Académicien ASOM (Académie des Sciences d’Outre-mer). © AM/APP

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Un procès sans fondement

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En fait, ce procès en incapacité à résoudre les conflits qui est régulièrement adressé à l’UpM, et cela très tôt dès après sa création à Paris en juillet 2008, n’a pas de fondement, car cette modeste organisation dont le siège est à Barcelone et qui dispose d’un minuscule budget de 8,4 M € par an – à comparer par exemple aux 15 M € de budget annuel d’un célèbre théâtre parisien – n’a jamais eu aucun mandat politique pour se positionner en aucune manière comme négociateur de paix.

Sa mission, qui relève plutôt du champ d’intervention d’une agence de coopération technique, consiste en fait à agir en facilitateur de convivialité en Méditerranée – « Nous sommes la seule assemblée où Palestiniens et Israéliens s’assoient autour de la même table », relève le Secrétaire général Nasser Kamel – à identifier et promouvoir des projets d’intérêt commun, voire contribuer à en rechercher le financement, et à promouvoir aussi les valeurs humanistes, notamment l’égalité des genres et la capacitation des femmes et de la jeunesse.

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Une grande réforme en chantier

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En revanche, il est clair que le format actuel de l’UpM, inchangé depuis 2008, est sous-dimensionné. Les deux ambassadeurs en conviennent sans ambages, et d’autant plus qu’ils travaillent de conserve à une réforme refondatrice de l’institution – ce dont nous aurons l’occasion de reparler prochainement.

Aujourd’hui cependant, malgré ses imperfections et ses faibles moyens, « l’Union pour la Méditerranée reste la seule organisation multilatérale de l’espace euro-mediterraneen réunissant tous les États » souligne l’ambassadeur français, tandis que le Secrétaire général se félicite que les concertations en cours pour une réforme d’ampleur de l’organisation, en faveur d’un budget accru et d’un mandat renforcé, bénéficient d’ores et déjà d’un soutien actif de la France, de l’Espagne, du Maroc et de l’Égypte.

Voilà donc une perspective d’avenir plus opérationnelle et bénéfique… En espérant tout de même que cette fois l’Allemagne ne jouera pas les vrais-faux amis : c’est en effet Angela Merkel qui avait imposé à Nicolas Sarkozy, initiateur de l’Union DE la Méditerranée (format originel réservé aux seuls pays riverains), d’élargir le projet à une Union POUR la Méditerranée, format incluant toute l’Europe et donc l’Allemagne. Aussi, la chancelière s’était opposée à l’ouverture de toute ligne de financement spécifique pour l’UpM, laquelle a dû dès le début se contenter des miettes de transferts d’autres lignes de crédit européennes destinées aux pays partenaires du sud.

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Retrouver la confiance

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Mais si les moyens de fonctionnement et d’ampliation de l’action de l’UpM sont d’une nécessité évidente, le crédit moral est un ingrédient lui aussi indispensable. « Aujourd’hui l’Europe a perdu la confiance du Sud », déplore l’ancienne ministre Arancha González.
Comment la reconquérir ? L’Europe doit en finir avec le deux poids-deux mesures de ses indignations sélectives, elle doit redevenir « fidèle à ses valeurs », relève Ghassam Salamé – cette fois fortement applaudi par les participants.

……

*Ghassam Salamé vient de publier « La tentation de Mars : Guerre et paix au XXIe siècle ». Paris, Fayard, 2024.

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