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#ForumEuropeAfrique / Lionel ZINSOU, ancien PM du Bénin : « On a un vrai sujet d’équité, de justice climatique, et on va finir par imposer un modèle africain ! »

18 mai 2023
#ForumEuropeAfrique / Lionel ZINSOU, ancien PM du Bénin : « On a un vrai sujet d'équité, de justice climatique, et on va finir par imposer un modèle africain ! »
Comment financer en Afrique la lutte contre le dérèglement climatique tout en poursuivant l’engagement envers les Objectifs de développement durable (ODD) ? Sur la scène du Forum Europe Afrique, au palais du Pharo à Marseille, Lionel Zinsou a répondu aux questions de La Tribune-La Tribune Afrique. Compte rendu.

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par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@alfredmignot | @africa_presse

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Pour Lionel ZINSOU, cofondateur du fonds panafricain SouthBridge et ancien Premier ministre du Bénin, la question de l’aide au financement de la lutte climatique en Afrique est une question de justice, d’équité : va-t-on compenser une partie des dommages que les pays riches ont causés à l’Afrique en polluant la planète depuis l’avènement de l’ère industrielle ?
L’Afrique apparaît en effet comme le continent le plus touché par le dérèglement climatique, alors qu’elle n’émet que 3 % du total mondial de gaz à effet de serre.

À ceux qui demandent que l’Afrique se prenne en mains plutôt que de compter sur l’aide publique au développement, le dirigeant de Southbridge fait observer que « l’Afrique fait ses propres efforts. Les concours de la diaspora africaine ont dépassé 100 milliards de dollars par an, c’est-à-dire une fois et demie le total de l’aide publique au développement, [qui] reste qualitativement et un peu quantitativement utile, il n’y a pas de doute, mais ce n’est pas le dilemme. »
Des dégâts considérables sont déjà constatés en Afrique, remarque Lionel Zinsou. Par exemple la montée des eaux dans la région de Saint-Louis du Sénégal, et aussi la sécheresse, qui affecte depuis quelque trois ans des millions d’Africains, au Soudan, en Éthiopie, au Maroc aussi.

Au-delà du principe de pollueur-payeur, qui a valeur universelle mais reste rarement concrétisé, la question essentielle, estime-t-il, est celle de la réparation des dommages, qui fut l’une des grandes déceptions de la COP 27, à Charm el-Cheikh. Les États très émetteurs ont certes reconnu « quelque chose qui ressemblerait à une responsabilité, avec des éléments presque pénaux », mais la contribution convenue des pays riches de 100 milliards par an n’a pas été exécutée, et cela a provoqué une frustration très forte parmi les pays pauvres.

Dans le même temps, la « dette climatique » s’accroît sans cesse, tant les différences d’émission de gaz à effet de serre sont considérables : un pays comme le Bénin émet 0,6 tonne (T) par habitant de gaz à effet de serre, l’Ouganda 0,1 t, la Tanzanie 0,2 t alors que les États-Unis en sont à 12,6 t et la Chine à 32,9 t. « On a donc un vrai sujet d’équité, de justice climatique, et on va finir par imposer un modèle africain », déclare Lionel Zinsou.

Une vue de l’amphithéâtre lors d’une conférence du #ForumEuropeAfrique. © AM/APP

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« C’est l’Afrique
qui finance l’Afrique »

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Abordant la question des ressources pour financer la transition climatologique, l’ancien Premier ministre béninois s’est réjoui de l’initiative du Président Emmanuel Macron pour un nouveau pacte de financement des pays fragiles et de l’Afrique en particulier, pour lequel un colloque international se tiendra les 22 et 23 juin prochains, à Paris. Il a souligné la faiblesse des ressources qui pourraient être générées par d’éventuelles taxations sur les économies africaines, tant celles-ci sont ancrées dans l’informel. En revanche, il a relevé le rôle grandissant « des philanthropes, devenus des acteurs très importants, par exemple la Fondation Bill et Melinda Gates, ou encore la MasterCard Foundation ou le Rockefeller Center. Nous travaillons beaucoup avec eux ».

La montée de ces nouveaux acteurs, auxquels s’ajoutent quelques opérateurs philanthropiques européens et du Golfe, ne suffira pourtant pas à satisfaire les besoins de financement, estime l’ancien Premier ministre. Il faudra donc innover.
Cela dit, et même si c’est un peu contre-intuitif, il faut bien savoir que « c’est l’Afrique qui finance l’Afrique, continent ayant le taux d’épargne le plus élevé au monde » affirme Lionel Zinsou.

De fait, explique-t-il, les investissements directs étrangers (IDE) ne représentent que 5 % des investissements dans les économies africaines, investissements qui s’élèvent autour de 20 % des PIB, et dont quelque 15 % sont donc financés par la propre épargne africaine.

Aussi, contrairement à certaines craintes européennes, la Chine n’est pas le plus grand financeur de l’Afrique. L’Union européenne reste le premier créditeur, le premier investisseur, le premier importateur sur le continent et le premier débouché des exportations. « Il ne faut pas comparer l’impact de la Chine à celui de la France, ou de l’Allemagne, mais à l’ensemble des 25 pays de l’UE. Et là vous constatez que vous avez l’Union européenne est en Afrique en première position sur tout.

Cela veut dire que les Occidentaux devraient se calmer sur le thème que la Chine recolonise l’Afrique et nous met à la porte…
Pour la transition énergétique comme sur les objectifs du développement, il faut bien avoir en tête que c’est l’Afrique qui se finance.

Deuxième source de financement, elle aussi africaine : quelque 100 milliards – on peut dire que ce n’est pas beaucoup, 3 % du PIB du continent, mais ce sont quand même 100 milliards, issus des retours d’épargne de la diaspora. Ces retours sont en forte croissance – pendant la pandémie, à la grande surprise de tous, il y a eu un effort très important, notamment dans les pays du Maghreb, mais aussi en Égypte et au Nigeria, de la diaspora qui a envoyé beaucoup de ressources.

Troisième source : l’aide publique et les crédits sous toutes leurs formes, qui restent plutôt à dominante occidentale, même si la Chine commence à monter en puissance.
« En fait, notre problème en 2023, c’est que les marchés financiers ont tellement peur du risque qu’ils ont encore augmenté leur perception du risque africain. Et donc on ne peut pas aller sur les marchés. On va passer une année difficile, compliquée. Cela va retarder notre transition énergétique parce que les marchés nous sont fermés, ou à des prix exorbitants.

Il faut donc innover… On est en train de le faire, de marier des philanthropes avec des banquiers de développement pour attirer le privé. En leur donnant des garanties et en prenant des premières pertes sur les crédits, on essaye de fabriquer du financement mixte (ou Blended Finance, définie comme « l’utilisation stratégique de financement du développement et des fonds philanthropiques pour mobiliser les flux de capitaux privés vers les marchés émergents, engendrant des résultats positifs pour les investisseurs et les communautés touchées » - Wikipedia, nflr)) où les philanthropes sont assez importants puisqu’ils font des dons.

L’Union européenne aussi est très importante parce qu’elle aussi fait des dons. Ces dons servent de levier en permettant de dé-risquer les économies africaines, tandis que les crédits carbone augmentent le rendement.
Si l’on réussit, nous aurons des liquidités privées. C’est ce que nous sommes en train d’essayer de faire en cette année 2023.
Et moi, j’y crois beaucoup ! »

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RETROUVEZ ICI LE REPLAY de notre VIIIe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris (CMAAP 8) du 12 avril 2023

Les personnalités du panel et quelques autres ayant participé à notre VIIIe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris (de gauche à droite sur le photo) : S. E. M. Alaa YOUSSEF, Ambassadeur d’ÉGYPTE ; M. Alfred MIGNOT, Président AfricaPresse.Paris, concepteur et modérateur des CMAAP ; S. E. M. François NKULIKIYIMFURA, Ambassadeur du RWANDA ; Mme Lucia PETRY, Présidente de BPL Global France ; M. É tienne GIROS, Président du Cian ; Mme Læticia BALOU, Présidente de LB Global Consulting S. E. M. Ayed Mousseid YAHYA, Ambassadeur de DJIBOUTI ; M. Zied LOUKIL, Associé Mazars France ; S. E. M. Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de MAURICE ; M. Emmanuel PEZÉ, Vice-Président Afrique et Moyen Orient de TINUBU. © F. Reglain

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TOUS NOS ARTICLES SUR LA CMAAP 8

CMAAP 8 / S. E. M. Alaa YOUSSEF, Ambassadeur d’Égypte : « Notre gouvernement veut désormais donner la priorité au secteur privé »

CMAAP 8 / S. E. M. François NKULIKIYIMFURA, Ambassadeur du RWANDA : « Pays des mille collines, le Rwanda est aussi devenu le pays des mille opportunités »

CMAAP 8 / Zied LOUKIL, Associé MAZARS France : « L’Afrique doit se donner plus de moyens pour financer ses PME »

CMAAP 8 / Lucia PETRY, Présidente BPL Global France : « En Afrique comme dans le reste du monde, on trouve toujours des solutions pour sécuriser les contrats internationaux face aux risques politiques »

CMAAP 8 / Emmanuel PEZÉ, VP TINUBU : « L’assurance-crédit est un pilier fondamental à la confiance et à l’essor des PME africaines »

CMAAP 8 / Læticia BALOU, PR de LB Global-Consulting : « L’investisseur disposant d’un maximum d’informations positive sa perception du risque en Afrique »

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