XIVe RHN France-Maroc / Édouard Philippe souligne avec Saâdeddine El Othmani les « relations excellentes » avec le Maroc, et l’engagement de la France pour l’Afrique
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Alfred Mignot, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica
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« Nous voulons que progressivement, dans les années qui viennent, le niveau de l’aide publique au développement de notre pays soit rehaussé. Et (…) qu’une plus grande priorité soit apportée aux pays d’Afrique, qui sont nos partenaires et pour lesquels nous avons un intérêt objectif et commun à garantir leur développement », a déclaré le Premier ministre Édouard Philippe lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue marocain, Saâdeddine El Othmani, en clôture de la XIVe Rencontre de haut niveau France-Maroc, jeudi 19 décembre, à Paris.
Ce disant, le PM français s’est inscrit dans la droite ligne de l’engagement pris dès novembre 2017 par le Président Emmanuel Macron dans son discours de Ouagadougou, et qui s’est déjà traduit depuis lors par l’augmentation des lignes d’engagement de l’AFD, dont la moitié des ressources est d’ores et déjà destinée à l’Afrique, soit plus de 5 milliards d’euros par an.
« Associer nos compétences et nos efforts »
Mais au-delà de l’engagement français qui va croissant, Édouard Philippe a aussi invité Saâdeddine El Othmani à plus œuvrer de conserve : « Nous sommes aussi convaincus que nous pouvons conjointement, le Maroc et la France, dans un certain nombre de projets, porter une voix commune et associer nos compétences et nos efforts pour obtenir un résultat », a-t-il affirmé, après avoir évoqué tour à tour la bonne coopération dans « la lutte contre le terrorisme, en particulier dans le Sahel » – coopération pour laquelle le PM a expressément remercié le Maroc – ainsi que sur l’immigration irrégulière.
Ces relations sécuritaires sont « très bonnes et vont encore s’améliorer » pour « soutenir les pays africains, notamment du Sahel et du Sahara », a renchéri le Chef du gouvernement marocain qui, à son tour, a exprimé des remerciements très directs : « Je voudrais remercier la France pour sa position constante concernant le Sahara marocain (…) La position de la France a toujours été claire pour soutenir l’autodétermination proposée par le Maroc » pour mettre fin à « ce conflit qui par n’a que trop duré ».
La France, toujours premier
partenaire économique du Maroc
Les questions économiques ont aussi occupé une large part de la conférence. Car si la France a cédé depuis 2017 à l’Espagne la place de premier partenaire commercial du Maroc, elle n’en reste pas moins le premier partenaire économique du Royaume, ainsi que l’a rappelé Édouard Philippe : « Il y a plus de 900 filiales d’entreprises françaises installées au Maroc, et elles génèrent près de 120 000 emplois » , notamment dans les industries des métiers mondiaux du Maroc, fortement initiées grâce à la contribution des industriels français, et où le savoir-faire marocain a su monter en gamme depuis quelque vingt ans, comme dans l’aéronautique et, plus récemment, dans la construction automobile.
L’essor attendu du réseau ferroviaire marocain a aussi été évoqué, par le constat commun de la « très grande réussite » de la LGV marocaine El Baraka, premier TGV en terre d’Afrique, inauguré en novembre 2018 par SM le Roi Mohammed VI et le Président Emmanuel Macron, et à la naissance duquel la France a beaucoup contribué, tant par son ingénierie que par sa contribution au financement, à hauteur de 51 % de l’ensemble.
Inquiétudes croisées
Or, tandis que se profile aujourd’hui la possibilité d’œuvrer à l’extension du réseau ferroviaire marocain à grande vitesse, avec une future ligne Marrakech-Agadir, les Français craignent d’être évincés par les compétiteurs chinois… Mais Saâdeddine El Othmani a semble-t-il voulu rassurer son homologue, déclarant : « Les relations économiques [entre nos deux pays] sont bonnes, les perspectives très bonnes (…) Il n’y a pas d’inquiétude à avoir. »
Reste qu’une certaine préoccupation a également pu s’exprimer, cette fois côté marocain, à la suite des déclarations du ministre français de l’Économie Bruno Le Maire qui, le 2 décembre, a annoncé la création d’une mission d’évaluation sur les relocalisations, laissant craindre que cela puisse affecter notamment les sites français installés au Maroc, à commencer par l’usine Renault de Tanger Med, à l’origine de l’essor fulgurant de l’industrie automobile marocaine, devenue ces dernières années le premier poste d’exportation du Royaume, détrônant les traditionnels phosphates.
Mais cette fois, c’est le ministre marocain de l’industrie lui-même, Moulay Hafid El Alamy, qui a balayé les inquiétudes initialement provoquées au Maroc : « La France a besoin de développer son industrie, ce que nous comprenons aisément, c’est légitime, mais la déclaration n’a pas été faite au détriment du Maroc », a-t-il assuré en marge de la rencontre économique de l’après-midi, organisée à la station F par Medef international.
Emmanuel Macron bientôt au Maroc
Comme il est d’usage dans ce type de rencontre, neuf accords de coopération ont été signés, notamment six accords dans le domaine de l’enseignement supérieur, dont celui entre le Conservatoire national des Arts et métiers et les universités de Fez, de Settat et de Rabat.
En conclusion de cet événement illustrant les « excellentes relations » entre les deux pays, le Premier ministre français a annoncé que la visite d’État au Maroc du président français, à la suite de l’invitation de SM le Roi Mohammed VI, « devrait se tenir au mois de février ». « La visite de Monsieur Macron dans deux mois sera l’occasion de porter les relations bilatérales à un niveau d’excellence encore meilleur », s’est félicité Saad-Eddine El Othmani.
« C’est la question de notre modèle
économique qui est posée »
Mais au-delà des figures de style courtoises et éléments de langage convenus, c’est sans doute le propos d’Édouard Philippe sur la quête marocaine d’un nouveau modèle économique qui aura pu surprendre les observateurs. Évoquant la coopération entre les deux pays, le Premier ministre a en effet déclaré : « Nous devons développer un modèle de croissance plus inclusif pour répondre aux attentes de nos populations, en particulier pour les jeunes, en termes d’éducation et de formation, d’emplois durables, de respect de l’environnement. (…) C’est la question de notre modèle économique qui est posée. Nous savons qu’il est nécessaire d’associer, dans toute la mesure du possible, nos concitoyens à la prise de toutes les décisions que nous prenons. »
Des affirmations tout à fait en phase avec le vaste travail de réflexion engagé au Maroc, sous l’impulsion de Mohammed VI lui-même, le Roi ayant confié en novembre à SE Chakib Benmoussa, jusque-là son ambassadeur à Paris, la mission d’animer une commission ad hoc de 35 membres, chargée d’esquisser sinon d’élaborer un nouveau modèle de développement, plus inclusif, plus égalitaire et durable.
Mais le propos d’Édouard Philippe peut surprendre, survenant au moment même où, depuis plus d’un an désormais, le gouvernement français se trouve sous la pression continue de la protestation populaire des Gilets jaunes, renforcée ces dernières semaines par les grèves de contestation de la réforme des régimes de retraite, les uns et les autres affirmant que le gouvernement n’est pas à l’écoute de la souffrance sociale…
Le « couple franco-marocain »
On remarquera aussi que dans le cadre des manifestations de cette XIVe RHN, c’est le Secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne (lire ICI notre article) qui aura exprimé l’ambition la plus forte : « Le couple franco-marocain doit être au même niveau d’intégration que le couple franco-allemand », a-t-il affirmé dans l’après-midi de ce jeudi 19 décembre, tandis qu’il participait avec Mohcine Jazouli, le ministre délégué marocain auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération africaine, au forum économique France-Maroc, à la station F, devant quelque 300 dirigeants économiques qui avaient fait l’effort de se déplacer, malgré la grève des transports.
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