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Vincent REINA, Président CCFA : « Les pays arabes sont demandeurs de voir beaucoup plus de PME françaises s’installer chez eux »

1er avril 2023
Vincent REINA, Président CCFA : « Les pays arabes sont demandeurs de voir beaucoup plus de PME françaises s'installer chez eux »
Au lendemain du IVe Sommet économique franco-arabe organisé à Paris par la Chambre de Commerce Franco Arabe (CCFA) à la mi-mars, son Président, Vincent REINA, nous a accordé cet entretien exclusif, en forme de tour d’horizon des points d’ancrage de l’action de la CCFA afin de mieux accompagner les PME françaises à exporter vers le Monde arabe.

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Propos recueillis par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@alfredmignot | @africa_presse

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AfricaPresse.Paris (APP) – La CCFA vient d’organiser son IVe Sommet économique franco-arabe à Paris, le 15 mars dernier. Quel bilan en dressez-vous ?

Président Vincent REINA – Nous avions décidé le 15 décembre 2022 d’organiser ce Sommet pour le 15 mars, et nous nous étions aussitôt retroussés les manches pour qu’il soit réalisé dans les meilleures conditions… et je crois que ce fut réussi !

La deuxième satisfaction, c’est d’avoir réussi à concrétiser un projet qui était resté lettre morte depuis décembre 2018 : réunir tous les grands acteurs du commerce extérieur français, et ainsi bien montrer notre volonté de nous impliquer, tous ensemble, dans une période très difficile, avec notamment des problèmes d’approvisionnement dus à la guerre de la Russie en Ukraine, aux suites de la crise de la Covid, aux tensions économiques. Bien montrer ainsi que nous œuvrons tous dans le même sens, en fédérant Medef International, la CPME, Business France, CCI France… C’est une véritable satisfaction. Tout comme le nombre et la qualité des représentations de nombreux pays arabes qui ont répondu présents à cette rencontre. Constat identique du côté des entreprises françaises, en nombre et en qualité, que ce soient des grands groupes mais aussi des PME, des PMI voire des TPE-TPI.

APP – Vous avez bénéficié du Haut patronage du Président de la République, et pourtant il n’y avait ni ministre français ni ministre arabe…

Président Vincent REINA – Quelques rares participants nous ont en effet fait remarquer que nous aurions pu inviter aussi des représentations ministérielles des pays arabes, tel ministre ou tel autre. Certes… Mais notre mission, c’est avant tout d’aider les entreprises, pas de faire de la politique.

En revanche, effectivement, avoir bénéficié du Haut patronage du Président de la République, pour la première fois depuis la création de la Chambre de Commerce Franco Arabe, en 1970, c’est une vraie satisfaction. Et un signe fort de reconnaissance qui nous a été adressé, ainsi qu’au monde arabe. Sans oublier la présence du Secrétaire général adjoint de la Ligue Arabe, représentant personnel du Secrétaire général, et la présence de la Secrétaire générale du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Le tout à une date, vous en conviendrez, qui n’était pas la plus simple.

APP - Quelles suites opérationnelles envisagez-vous de donner à ce IVe Sommet économique franco-arabe ?

Président Vincent REINA – Concrètement, nous avons décidé avec nos partenaires, de continuer à organiser des Sommets économiques, ensemble, en alternance chez les uns et les autres. Là, c’était au Medef. La prochaine fois, ce sera à la CPME en 2024, puis chez Business France, puis dans une CCI.
Mais entre deux sommets, nous ne resterons pas à attendre le prochain ! Nous allons en fait travailler par thématiques sectorielles, par pays, pour plus et mieux accompagner les entreprises et particulièrement les PME. Tout au long de l’année, nous organiserons des réunions avec des entreprises, en définissant des secteurs prioritaires. Car c’est cela, notre sujet ! Et d’autant plus que les pays arabes sont demandeurs.

Vous l’avez entendu comme moi lors du Sommet. Ils disent clairement leur souhait de voir beaucoup plus de PME françaises s’installer chez eux. Notre mission, c’est donc d’accompagner ces entreprises. Soit au travers de grands groupes qui peuvent avoir des échanges avec les PME sur leurs activités sectorielles, et ainsi un effet d’entrainement. Soit par notre action CCFA d’accompagnement des PME auprès des grands groupes, afin que ces derniers les « embarquent » avec eux vers les marchés des pays arabes.

C’est un vrai travail ! Notre valeur ajoutée, à nous CCFA et à nos partenaires, ensemble, sera de contribuer à accélérer la dynamique d’accès de nos PME à ces marchés export, y compris pour celles qui veulent y aller par elles-mêmes, car il y en a !

Une vue de l’auditorium du siège du Medef, où s’est déroulé le IVe Sommet économique franco-arabe, à Paris, le 15 mars 2023. © AM/APP

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APP – Quelle est la différence entre votre initiative et Team France Export ?

Président Vincent REINA – Team France Export a une activité forcément plus large, en s’adressant à tous les pays, à tous les secteurs, par toutes les formes d’actions, notamment collectives. Notre première particularité, c’est le Monde arabe, excusez-moi du peu ! Notre seconde particularité, c’est que par nos Chambres de Commerce, locales, arabes, nous savons où aller directement vers les interlocuteurs arabes.

Nous ne sommes pas juste des entremetteurs. Nous savons où et vers qui diriger les entreprises qui nous sollicitent. Notre troisième particularité, c’est aussi de prioriser des thématiques en adéquation avec tel ou tel pays. Enfin, notre spécificité ultime, notre « unicité », c’est d’être regroupé, mixte, entre Français et Arabes.

APP – Lors de sa prise de parole au Sommet, le chef de la délégation irakienne a exprimé clairement un grand enthousiasme pour travailler avec des entreprises françaises. C’est un effet retour du refus de la France de s’engager dans le conflit de 2003 ?

Président Vincent REINA – Moi, ce que je retiens, c’est d’abord que l’Irak est le pays pour lequel nous recevons le plus de délégations, ici à la Chambre. Des délégations de dix-douze personnes ayant des activités dans tels ou tels métiers, voulant rencontrer des entreprises françaises. Et cela trois ou quatre fois par an – c’est énorme !

Deuxième signe, tiré de notre activité de légalisation des documents d’exportation de marchandises : l’Irak est aujourd’hui en première position pour le volume des documents de légalisations dont la CCFA assure le suivi. Jusqu’à il y a deux ans, il était en huitième position. Alors, même s’il s’agit essentiellement de produits de santé, ou d’alimentaire, l’Irak a donc dépassé tout le monde en seulement deux ans…
Troisième signe : à notre Sommet économique, l’Irak avait sur le papier la représentation la plus importante de toutes, soit deux délégations de douze membres chacune, commerce et industrie. Leur volonté est claire. À nous d’y répondre !

APP – Au-delà du succès de votre Sommet, peut-on évoquer la « question qui fâche », à savoir le déficit commercial abyssal de la France, qui ne cesse de se creuser ? Que faire, selon vous ?

Président Vincent REINA – Vous savez, je n’arrête pas, depuis longtemps maintenant, d’alerter sur ce véritable problème de notre commerce extérieur. Il y a une vingtaine d’années, les chiffres d’import/export étaient à peu près égaux. Depuis, la situation s’est considérablement dégradée, et nous voici avec 164 milliards d’euros de déficit en 2022, nouveau record, contre seulement 84 Md € en 2021. Un déficit quasiment doublé en un an !

Comment en est-on arrivé à cette situation ? Depuis bien longtemps, quels que soient les gouvernements, la dynamique à apporter au commerce extérieur n’a probablement pas toujours été au rendez-vous.

Deuxièmement, la période de crise sanitaire a chamboulé et aggravé certains circuits d’exportation. C’est quand même la seule période où nous, CCFA, avons été les seuls à rester ouverts pendant que toutes les autres structures – MEAE, CCI… – étaient soit fermées soit passées en pur digital. Les entreprises n’arrivaient plus à sortir les marchandises destinées à l’export, sauf à transiter par d’autres pays.

Enfin, et comme l’Ambassadeur du Yémen l’a relevé lors du Sommet, « Le problème des Français, c’est de n’être pas assez compétitifs en matière de prix ». Il a raison. La réalité c’est qu’effectivement nous sommes moins compétitifs. Mais la réalité, c’est aussi que nos entreprises françaises payent mieux leurs salariés.

Alors, comment peut-on redevenir compétitif ? Autant je pense que la diplomatie française fait son travail – que ce soit le Président de la République, la ministre, etc. – lors de ses déplacements à l’étranger, autant, après, il faut un suivi de cette diplomatie économique… et peut être que les structures actuelles d’accompagnement des entreprises ne suffisent pas, peut-être faut-il les renforcer encore ? Et toujours cette nécessaire coordination… Enfin, car il s’agit d’une réponse multifactorielle à apporter, il faut renforcer notre tissu industriel et notre compétitivité générale.

APP – N’est-ce pas aussi une question de mentalité ? Dans certain établissement public censé épauler les entreprises, on a pu observer que l’entrepreneur y est parfois encore perçu comme un « méchant capitaliste prédateur »…

Président Vincent REINA – Si je voulais aller dans votre sens, sans que cela ne soit une critique du gouvernement actuel, et cela fait très longtemps que je le pense, il faut vraiment que nos gouvernements aient la capacité et la volonté à véritablement diriger et les ministères et les administrations et les établissements publics en responsables économiques, et pas en purs politiques. Si d’aventure cela arrivait, alors on changerait probablement aussi la mentalité de tout le tissu de l’ « État profond ».

Dominique Brunin, Directeur du Développement d la CCFA (2e à droite) entouré de S. E. M. Youssef Alaa, Ambassadeur d’Égypte (micro) et de S. E. M Fahad Al-Ruwaily, Ambassadeur d’Arabie saoudite. Tout à gauche, M. Samir Majoul, Président de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA). © AM/APP

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APP - Votre avis sur la prétendue « frilosité » des entreprises françaises à l’international ?

Président Vincent REINA – Lors de son intervention pendant le Sommet, l’Ambassadeur de Djibouti, Doyen du corps diplomatique arabe, a dit en effet avoir constaté une certaine aversion pour le risque de la part des entreprises françaises : moins de courage, moins d’ambition, moins de volonté commerciale que leurs concurrents… Mais il a dit aussi que cela commence à changer ! Et que ce changement semble même s’accélérer ! C’est une bonne nouvelle !

Cela dit, il n’est pas dans notre vocation de commenter tel ou tel propos sur la « frilosité » ou autres travers des entreprises françaises. Ce qui ne signifie pas que l’on en tienne compte… ou pas ! Notre vocation, c’est d’être vraiment utile en matière de commerce extérieur. Il y a six ans, lorsqu’il y a eu un appel d’offres pour la construction de six ports à Djibouti, certains se sont scandalisés de l’absence de compétiteurs français. Ce à quoi d’autres ont rétorqué que de toutes façons, les Chinois auraient tout raflé. C’est ce qui s’est produit, en effet. Cela aurait probablement quand même été différent s’il y avait eu une offre française.

Mais les mentalités sont en train de changer. Il y a une véritable prise de conscience des grands groupes français, qui réalisent tout de même de 30 % à 60 % de leurs chiffres d’affaires à l’international. Dans de nombreux secteurs, ils ont leur chance, même face aux Chinois. C’est le cas dans les métiers de l’eau, de l’environnement, de la ville durable… Ils se redécouvrent concurrentiels, compétitifs. Et peut-être assistera-t-on au réveil du goût du risque ?!

APP - Et votre avis sur la tout aussi fameuse « arrogance » française ?

Président Vincent REINA – Elle existe, c’est un fait. Selon moi, cela renvoie beaucoup à une méconnaissance de la culture de l’autre, donc à un déficit de savoir-être qui nous expose aux critiques.

ll nous faut donc plus apprendre la culture de l’autre. Ce n’est pas si simple, nous en avons fait l’expérience à la CCFA. Nous « baignons » dedans. Et nous avons d’ailleurs décidé de relancer une formation à l’interculturalité pour les cadres dirigeants, bien sûr spécifiquement sur le Monde arabe, ainsi que nous l’avons déjà fait dans le passé. Nous projetons de relancer cette initiation avec une entreprise membre de la Chambre, basée dans le Sud, avec son associé arabe, et en coopération aussi avec la Chambre de commerce de Marseille - la plus ancienne de France.

APP – Lors de votre allocution d’ouverture du Sommet, vous avez annoncé la mise en place de « task forces » bilatérales thématiques avec les pays arabes. Comment allez-vous vous les organiser ?

Président Vincent REINA – L’idée d’ensemble, c’est d’arriver à nos prochains Sommets économiques en pouvant présenter le fruit du travail que nous aurons capitalisé tout au long de l’année, en réunissant entreprises et représentants arabes.

Il s’agit aussi de mettre à profit les événements institutionnels organisés au siège parisien de la CCFA – réunions de Bureau et réunions de Conseil d’administration, où tout le monde vient – en organisant, à la suite de ces rencontres, les séances de travail de ces « task forces », en se répartissant les thématiques avec nos partenaires de Business France, de la CPME, des CCI. Ainsi, année après année, on pourra faire un vrai bilan de ce travail.

APP – À quelles thématiques pensez-vous ?

Président Vincent REINA – À la ville durable, par exemple, où nous devons voir Gérard Wolf, Fédérateur Ville Durable à l’International auprès du MEAE, comment mieux avancer avec lui. Ou encore sur la santé avec Sanofi, qui est d’ailleurs très intéressé par l’Irak, ainsi qu’avec Jean-François Gendron, Président de French Healthcare, avec lequel nous devons développer des partenariats. Dans les deux cas, notre action visera à intéresser un certain nombre de pays arabes, à les associer, à les faire participer aux projets.

Selon moi, la santé et l’agroalimentaire sont deux autres priorités de travail que l’on pourrait assigner à nos task forces sectorielles. La santé, car il y a une forte attente sur la santé en Irak, ou en Libye par exemple.

L’agroalimentaire aussi, parce que je ne peux pas me satisfaire de constater que dans ce secteur, on importe de plus en plus et que l’on exporte de moins en moins. Nous sommes d’ailleurs sans cesse sollicités par des PME agroalimentaires du sud de la France qui nous disent « aidez-nous à exporter nos produits vers les pays arabes ». Dans ce secteur-là, la France enregistre en effet un vrai manque à gagner à l’exportation. Huile d’olive, légumes, fruits… nous allons consacrer du temps à cet axe sectoriel. Et enfin, sur l’eau et l’environnement, il y a aussi une démarche à engager. Alors nous allons nous lancer.

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Agenda Paris, 12 avril à 17 h – INSCRIPTIONS OUVERTES à la VIIIe CONFÉRENCE DES AMBASSADEURS AFRICAINS DE PARIS : « Comment dé-risquer l’Afrique pour mieux la financer ? » avec LLEE les Ambassadeurs Youssef ALAA (ÉGYPTE) et S. E. M. François NKULIKIYIMFURA (RWANDA).

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