Retrouvez AfricaPresse.paris sur :
RSS

Outils

À Marseille, en direct de la IVe Semaine économique de la Méditerranée

Une ambitieuse étude du FEMISE pour la FEMIP : « Quelle sortie de crise pour les pays Med ? »

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 29 novembre 2010 | src.LeJMED.fr
Une ambitieuse étude du FEMISE pour la FEMIP : « Quelle sortie de crise pour les pays Med ? »
Marseille -

L’étude, commanditée il y a quelques mois par Philippe de Fontaine Vive, vice-président de la BEI et patron de la Femip, a été coordonnée pour le Femise par le Pr Jean-Louis Reiffers et Ahmed Galal. Intitulée « Crise et sortie de crise dans les pays méditerranéens », c’est un document de 110 pages où nombre d’universitaires et opérateurs économiques ont contribué à répondre à cinq questions-clés, ainsi que le rappelait le Pr Reiffers lors de la présentation publique, ce lundi 29 novembre à la Villa Valmer, siège marseillais du CMI, et cela dans le cadre des manifestations de la Semaine économique de la Méditerranée, qui se tient à Marseille jusqu’à samedi 4 décembre.

Photo ci-dessus : Philippe de Fontaine Vive (à gauche), vice-Président de la BEI et "patron" de la Femip, et le Pr Jean-Louis Reiffers, Président du Comité scientifique du Femise, Professeur à l’Université du Sud, durant la présentation de l’étude Femise, le lundi 29 novembre 2010 à la Villa Valmer (Marseille). © leJmed.fr - novembre 2010


Comment les pays Femip
ont-ils été touchés par la crise ?

En réponse aux deux premières questions – Dans quelle situation étaient les pays méditerranéens avant la crise et par quels canaux ont-ils été touchés ? – le Pr Jean-Louis Reiffers rappela en substance qu’à la veille de la crise, « les efforts menés depuis 1995, sous l’impulsion du partenariat euro-méditerranéen, pour une plus grande ouverture des pays de la FEMIP (1) aux échanges internationaux avaient porté leurs fruits : la croissance avait été en moyenne de 4 à 6 % par an et la part des échanges dans le PIB avait progressé de 20 points.

Néanmoins, cette évolution laissait encore un grand potentiel en termes d’extension des accords de libre-échange à l’ensemble de la région (notamment pour les échanges sud-sud), de contenu de ces accords (inclusion des services et des produits agricoles) et de mise à niveau des entreprises des pays du sud aux standards européens. Ainsi la position commerciale des pays de la FEMIP restait-elle fortement déséquilibrée en faveur de l’Europe, son principal fournisseur et client. »

En termes financiers, explique encore Jean-Louis Reiffers, la progression avait été plus limitée. De ce fait, ce n’est pas la crise financière qui a impacté les pays de la FEMIP, mais la récession des pays développés, particulièrement européens, qui a entraîné une baisse brutale de la demande externe et des flux financiers internationaux (transferts financiers des expatriés, commerce extérieur, IDE(2). Cette baisse a eu des répercussions sur la demande interne et sur les équilibres budgétaires. Finalement, la croissance du PIB a été ramenée à 3,7 % en 2009.

Les effets de la crise sur les équilibres macro-économiques

Sur la photo, de gauche à droite : Bernard Ziller, Conseiller économique principal auprès de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) ; Philippe de Fontaine Vive, vice-Président de la BEI et « patron » de la Femip ; le Pr Jean-Louis Reiffers, Président du Comité scientifique du Femise, Professeur à l’Université du Sud ; le Pr Alain Vilmeur, Membre du Cercle des économistes, professeur à l’Université Paris-Dauphine, durant la présentation de l’étude Femise, le lundi 29 novembre 2010 à la Villa Valmer (Marseille). © leJmed.fr - novembre 2010

Abordant la synthèse des travaux relatifs à la troisième question – Les effets de la crise sur les équilibres macro-économiques et l’attractivité – le Pr Reiffers a estimé que es années 2010-2011 vont confronter les pays de la FEMIP à trois types de difficultés : une croissance affaiblie, donc un chômage en hausse et des déficits budgétaires persistants ; des comptes extérieurs toujours en déséquilibre ; moins d’entrées de capitaux.

« Si les pays de la FEMIP ont réussi à maintenir une confiance certaine de la part des financiers internationaux (3), estime Jean-Louis Reiffers, il reste que la gestion de la dette extérieure demeure un exercice délicat, tant les spreads et les CDS sur la dette en devises ont été volatils en 2009-2010. Ceci indique que, dès la sortie de crise, les pays concernés devront veiller à maintenir la confiance par une gestion rigoureuse des grands équilibres et par une ouverture très prudente – mais indispensable – aux marchés internationaux . Le bon « mix » de politique économique serait donc un équilibre délicat à trouver entre flexibilité des taux de change et ouverture à une plus grande convertibilité du compte de capital ».

Sortie de crise et croissance future

Quatrième point : « Comment se placer dans l’après-crise dans une perspective de croissance permettant la convergence ? ».

Le contexte mondial de actuel dans lequel s’esquisse de sortie de crise – promotion de l’économie de la connaissance, limitation des délocalisations, renforcement de l’attractivité des territoires et des espaces régionaux de coopération, montée en puissance des BRIC… – offre néanmoins aux pays de la FEMIP l’opportunité de renforcer leur compétitivité. « A condition, précise le Pr Reiffers, qu’ils développent de nouveaux vecteurs de croissance afin de relever un double défi : celui de la convergence avec les pays de la rive nord méditerranéenne et celui de la création d’emplois pour répondre à l’arrivée de 60 millions de nouveaux actifs d’ici à 2030 – ce qui implique une croissance annuelle de 7 à 8%.

À cet égard, trois leviers sont à considérer, selon l’étude FEMISE : une politique plus active en faveur des IDE (intégration sud-sud, amélioration du climat des affaires, ciblage IDE qui engendrent des transferts de technologies) ; une dynamique de croissance par la productivité globale des facteurs (PGF) ; des actions structurelles à moderniser et renforcer : stratégie d’ensemble, amélioration des conditions économiques courantes, promotion des compétences nouvelles, ouverture maitrisée de ces économies vers l’international…

Les conséquences pour la relation Europe-Méditerranée

Une vue de l’assistance, pendant la séquence des questions-réponses. © leJmed.fr - novembre 2010

En réponse à la cinquième question – comment optimiser les politiques structurelles pour augmenter la croissance – l’étude Femise présente un certain nombre de préconisations. Parmi celles-ci, on relèvera les points suivants :

• l’achèvement de la zone régionale de libre-échange, objectif central, devra mobiliser au nord comme au sud des politiques d’accompagnement dans les domaines de l’accès au marché (produits agricoles et services), de mise à niveau des entreprises, de reconnaissance mutuelle des compétences et de gestion de la mobilité des personnes. De telles politiques n’auront de plein effet que si conçues et portées au niveau régional ;

• l’objectif de codéveloppement et l’« Union de projets » impliquera la satisfaction des besoins collectifs essentiels (rattrapage du sous-équipement en infrastructures sociales et économiques). Cependant, la contrainte budgétaire et le volume des investissements à réaliser (+/- 300 Mds € d’ici à 2030) mobilisera des moyens innovants, tant dans la forme (association du secteur privé), que dans le contenu (nouvelles spécialisations, essaimage sur les entreprises locales, etc.). De tels objectifs supposent, au sud, la mise en place de gouvernances sectorielles claires et, à l’échelle régionale, un pilotage partagé des priorités sectorielles et géographiques ;

• enfin, la relation Europe-Méditerranée devra se poser la question de l’équation des transferts financiers entre le nord et le sud et des moyens pour y parvenir : recours au budget (transferts gratuits), à une institution financière régionale (agissant comme un orientateur et transformateur de l’épargne internationale), et/ou mise en place d’instruments d’accompagnement des politiques d’ouverture du compte de capital des pays partenaires (par ex : fonds de stabilisation pour éviter les crises de réserves) ?

« En tout état de cause, conclut Jean-Louis Reiffers, la relation Europe-Méditerranée devra être approfondie dans le sens d’une gestion commune de la réflexion sur les projets, les hommes et les flux. »

Commentant cette étude « remarquable », Philippe de Fontaine Vive, vice-Président de la BEI et « patron » de la FEMIP, observait que « les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée n’ont pas échappé à la crise économique mondiale, mais leur forte capacité de réacrtion et de résilience les ont maintenus dans une dynamique de croissance prometteuse (…) Aujourd’hui, alors que la hiérarchie des économies est en train de se modifier à l’échelle mondiale, les pays partenaires méditerranéens se trouvent confrontés à une opportunité qui est aussi un défi : l’opportunité est celle d’une consolidation de leur développement, à condition qu’ils établissent de nouveaux vecteurs de croissance ; le défi est celui de la modernisation de l’économie et de la création de quelque 60 millions de nouveaux emplois » d’ici à 2030.
Un sacré défi, certes !

Notre commentaire : reste la question politique…

La somme considérable d’intelligence(s) – le réseau Femise rassemble 80 instituts – mobilisée(s) pour ce travail remarquable trouvera-t-elle des hommes politiques européens suffisamment disponibles – ne serait-ce que pour lire l’étude avec toute l’attention qu’elle mérite –, disposés à abandonner leurs carcans de pensée, et suffisamment nombreux pour qu’enfin une majorité émerge à Bruxelles, qui déciderait de consentir « enfin » l’effort d’accompagnement nécessaire à la sécurisation des pays sud-méditerranéens suffisamment hardis pour se lancer dans les nombreuses réformes nécessaires à leur décollage – réformes dont l’ampleur a de quoi donner le vertige, il faut bien l’admettre…

« Enfin », écrivons-nous, car si l’Europe a consenti quelque dix milliards d’euros de prêts à taux bonifiés au sud durant ces dix dernières années, elle en a consenti 90 milliards à la seule Pologne, durant la même période.
Il est vrai, comme le rappelait justement Philippe de Fontaine Vive, que la Pologne est un pays de l’Union européenne, et que cette « prime à l’adhésion » n’a jamais été contestée par aucun gouvernement membre.

Il n’en reste pas moins que, vue du Sud méditerranéen, cette profonde asymétrie, parce qu’elle perdure désormais depuis plus d’une décennie, rend de moins en moins crédibles les déclarations de bonne volonté de l’Union européenne. Et d’autant moins que chacun sait bien, désormais, que l’Europe essentiellement régentée par l’Allemagne n’est pas près d’abandonner son tropisme est-européen, l’Allemagne étant le premier fournisseur de son traditionnel « hinterland », pleinement réinvesti grâce à l’élargissement massif de 2004.

De plus, l’Europe n’est plus seule à « s’intéresser » au sud méditerranéen : outre les Étasuniens (évidemment toujours actifs, malgré l’échec de leur projet géopolitique de « Grand Moyen-Orient »), il faut maintenant compter avec les Asiatiques (Chinois et bientôt Indiens), voire avec les Brésiliens.
Si l’Europe tergiverse et tarde encore à s’engager pleinement en Méditerranée, elle risque bien de perdre son Sud. Une fois de plus ! Et pour longtemps.

Alfred Mignot – LeJMED.fr

1 – « Les pays de La FEMIP » : la Femip, Facilté euro-méditerranéenne d’investissement et de patenariat, est l’instrument financier de la BEI dédié à la mise en œuvre des objectifs du partenariat euro-méditerranéen. Ses pays d’action sont : Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Jordanie, Israël, Palestine, Syrie, Liban.

2 - Au plan régional, en 2009, les pays méditerranéens ont enregistré des baisses de 30 % de leurs exportations de marchandises (faiblement compensée par une baisse de 18 % des importations), de 31 % des IDE (investissements directs étrangers), de près de 20 % des transferts financiers des migrants, de 5 % des recettes du tourisme, etc. Les soldes courants se sont affaissés de quelque 35 Mrds de $, soit 4,7 % du PIB, entrainant un déficit de 2 % du PIB.

3 - Malgré la crise, la notation financière des pays ne s’est pas substantiellement dégradée. Dans le cas du Maroc, elle s’est même améliorée (BBB-).


Retrouvez tout le programme de la IVe Semaine économique de la Méditerranée (Marseille, 29 nov. - 4 déc.)


Articles récents recommandés