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UPM / Ghazi BEN AHMED (MDI) préconise « une stratégie industrielle coordonnée, avec notamment la régionalisation des chaînes de valeur » dans les pays Euromed

29 novembre 2020
UPM / Ghazi BEN AHMED (MDI) préconise « une stratégie industrielle coordonnée, avec notamment la régionalisation des chaînes de valeur » dans les pays Euromed
Au Forum régional de l’Union pour la Méditerranée* (UpM), qui s’est tenu en virtuel les 27-28/11, jours du 25e anniversaire du « Processus de Barcelone », les ministres ont convenu de concentrer les efforts à venir sur une intégration plus poussée des économies. « Une étape importante pour la coopération entre les pays des Deux Rives », analyse Ghazi BEN AHMED.

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Une contribution de Ghazi BEN AHMED
Président MDI
Initiative méditerranéenne pour le développement, Tunis

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Ce mois de novembre a marqué le XXVe anniversaire de la conférence euro-méditerranéenne des ministres des Affaires étrangères du 27-28 novembre 1995, qui a adopté la Déclaration de Barcelone (ou Processus de Barcelone) ;

En dépit de plusieurs réexamens du Processus de Barcelone – notamment après le printemps arabe (2011) – il s’avère qu’il n’a jamais réussi à atteindre ses objectifs initiaux de réduire les inégalités entre les deux rives de la Méditerranée, d’augmenter les échanges commerciaux, les investissements et l’intégration régionale, sans doute faute de programmes d’aide et de fonds financiers suffisants pour faire la différence, et de stratégies communes plus audacieuses. Ce partenariat reste peu adapté à un environnement instable et aux défis sécuritaires violents à la périphérie de l’Union européenne (UE). La pandémie de Covid-19 a compliqué un peu plus la tâche.

En quête d’un nouveau souffle
et de plus d’« engagement politique »

Sous l’impulsion de l’Espagne, "fidèle à sa vocation de leadership dans les affaires méditerranéennes" (1) et de son énergique ministre des affaires étrangères Arancha Gonzalez Laya, ces célébrations ont été toutefois, une opportunité pour remettre le Processus de Barcelone [UpM, Union pour la Méditerranée, ndlr] au-devant de la scène européenne et de réfléchir ensemble sur la meilleure façon de lui donner un nouveau souffle et de nouveaux objectifs dans un contexte post-Covid-19.

Il semble y avoir pour cela un large consensus, au sud comme au nord. « La zone Méditerranée sera le défi des prochaines années tant les facteurs de crise qui s’y conjuguent sont nombreux : contestation des zones maritimes, affrontements entre pays riverains, déstabilisation de la Libye, migrations, trafics, accès aux ressources » (2).

Dans son discours à la conférence, Arancha González Laya a appelé à plus d’« engagement politique » pour affronter les défis qui restent d’actualité dans la région. Et elle a énuméré les objectifs en suspens de la région : le changement climatique, la compétitivité des économies, la transformation numérique, l’échange d’informations et l’égalité des genres, entre autres. La ministre a également évoqué les conflits et l’instabilité que la région continue de subir et les « inégalités » entre les deux rives de la Méditerranée. Les ministres des États membres de l’UpM ont convenu de déclarer le 28 novembre « Journée de la Méditerranée ».

Vers une nouvelle politique européenne pour la Méditerranée

Il appartient maintenant à la Commission européenne, et notamment au Commissaire Olivér Várhelyi en charge du voisinage (DG Near), en concertation avec les États membres EuroMed et la société civile, de mettre en musique ces promesses, et ces déclarations d’intention, d’élaborer ainsi une véritable politique européenne pour la Méditerranée, et de l’accompagner d’un véritable effort de communication et de pédagogie.

À cette fin, Olivér Várhelyi a annoncé l’adoption au début de l’année prochaine d’une communication de la Commission européenne, qui comprendra « un plan économique et d’investissement », proposera « des projets phares sur mesure pour chaque pays », et qui fera « progresser la transition verte et numérique ».

La nouvelle stratégie euro-méditerranéenne devrait ainsi refléter avant tout la volonté d’octroyer au voisinage les moyens (la capacité) de relever les défis de la relance économique post-Covid19 et les nouvelles opportunités qui se présentent avec la régionalisation des chaînes de valeur notamment (3), et façonner ainsi l’avenir de l’axe Europe / Med / Afrique, avec un fort accent sur le numérique et la transformation écologique.

Toutefois, la création de richesses et d’emplois ne doit pas être vue sous le seul prisme du commerce et de l’accès au marché, mais aussi et surtout en termes de montée en capacités et de mise à niveau des pays du sud. Elle doit favoriser et accompagner la régionalisation des chaînes d’approvisionnement et faciliter le commerce et l’intégration régionale afin d’équilibrer efficacité et résilience.

« Construire une Union euro-méditerranéenne
de vitalité dans un monde de fragilité »

La XIe conférence ministérielle de l’UpM sur le commerce a souligné pour la première fois qu’il importait de « veiller à ce que les partenaires méditerranéens puissent tirer pleinement parti de l’ouverture des marchés », et a adopté de nouvelles initiatives en matière de commerce et d’investissement d’un montant de 11 millions d’euros, afin de renforcer les effets du commerce et des investissements sur la création d’emplois dans le sud de la Méditerranée et encourager un développement économique inclusif.

Toutefois, une stratégie industrielle coordonnée à l’échelle des pays EuroMed serait plus judicieuse et plus efficace. Car, l’enjeu serait alors pour les pays Med d’adapter leur offre, vers notamment des standards et normes de qualité plus exigeants, afin de pouvoir répondre à toute dynamique européenne (et au-delà) orientée vers la réorganisation régionale du modèle de production et d’approvisionnement.

De plus, cela devrait inciter les voisins du sud de la Méditerranée à reprendre (ou entamer) des négociations avec l’UE, visant (en paraphrasant le discours de la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de l’état de l’Union) à « construire la région dans laquelle ils veulent vivre : une Union euro-méditerranéenne de vitalité dans un monde de fragilité ». Et cela permettrait à l’Union européenne d’apparaître sur la scène internationale comme un acteur de poids, un acteur géopolitique capable de rivaliser avec les autres grandes puissances.

Changer l’acronyme de ALECA pour APTE

Dans ce contexte, il est évident que l’acronyme ALECA (Accord de Libre Echange Complet et Approfondi) ne reflète pas les objectifs poursuivis dans le partenariat post-Covid-19 entre l’UE et ses voisins du sud, et met trop l’accent sur l’accès au marché, au détriment de la capacité d’entreprendre, de mettre à niveau l’appareil productif et les services, de moderniser la politique agricole…

Il conviendrait ainsi de changer l’acronyme de ALECA pour APTE, Accord de Partenariat pour la Transition Économique, ce qui refléterait mieux (i) la volonté des pays Med pour un partenariat équitable, en terme de capacité à pouvoir bénéficier d’un meilleur accès sur le marché européen. Un accès libre au marché européen ne serait pas utile si les pays du sud ne sont pas aptes à produire, ou à exporter et donc à en profiter, (ii)

L’essence d’un partenariat structurant adapté à la transition économique post-Covid19, et à la recherche d’une plus grande résilience des chaînes d’approvisionnement, et (iii) l’objectif de rattrapage régional. Il a été mis en évidence avec les travaux d’Amartya Sen que le développement régional n’est pas qu’une question de redistribution de fonds, encore faut-il que les régions aient les capacités de s’en servir.

Le nœud gordien d’un partenariat euro-méditerranéen réinitialisé, ou Barcelone 4.0, est une vision à long terme qui est absolument nécessaire pour (i) mieux définir la nature de la relation entre la nord et le sud de la Méditerranée, (ii) donner les incitations nécessaires aux pays méditerranéens pour mener à bien un ensemble cohérent de réformes coûteuses et pénibles, et garantir que ces réformes soient étayées par la forte approbation de l’ensemble des citoyens, en particulier les jeunes, et (iii) élaborer un pacte sur la migration et la mobilité, qui n’aille pas seulement dans le sens de la fuite des cerveaux vers le nord, et qui mette en place les conditions d’un accords sur les services équitables avec la mobilité réciproque des fournisseurs de services (sur le modèle APEC).

Cela servira aussi à atténuer la résistance politique à une coopération accrue pour le contrôle et la gestion en commun des frontières, la réadmission des ressortissants irrégulièrement présents dans l’UE et à l’accueil des ressortissants de pays tiers qui ont transité vers l’Europe via leurs territoires.

Etant donné que les pays Méditerranéens n’ont pas vocation à devenir membre de l’UE, les incitations les plus crédibles seront (i) des mesures d’accompagnement supplémentaires pour la transition économique qui servent aussi à renforcer le rôle du secteur privé et des startups dans les pays du sud, et (ii) les quatre libertés (biens, services, capitaux et personnes), dans une sorte de « tout sauf les institutions », déjà annoncé en 2003 dans le premier jet de la Politique européenne de voisinage, mais qui n’a jamais vraiment été mis en place. Cela pourrait être à l’horizon (symbolique) de 2045, qui marquera le cinquantième anniversaire du processus de Barcelone.
……

* L’Union pour la Méditerranée (UpM), créée en juillet 2008 à l’initiative de la France, rassemble 42 États, d’Europe (UE 27 + RU) et des rives Sud et Est de la Méditerranée.

1 - https://swll.to/M2X9CKi

2 - https://swll.to/hEgbLr

3 - Le Commissaire européen en charge du voisinage, Olivér Várhelyi, a tweeté sur son compte que « La perturbation des chaînes de valeur mondiales par la pandémie a ouvert une opportunité pour une régionalisation de la production qui peut profiter au voisinage sud et créer des emplois »

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DU MÊME AUTEUR

Ghazi Ben Ahmed (MDI) : « L’UE et la Chine peuvent faire avancer ensemble le développement de notre région et de l’Afrique. C’est notre pari ! » – Juin 2020

#Covid-19 et Démondialisation | Ghazi Ben Ahmed (MDI) : « Le précautionnisme va pousser les Européens à chercher à délocaliser dans leur voisinage » - Mais 2020

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