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Sommet fondateur du 13 juillet 2008

Trop d’Europe allemande dans l’UPM !

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 14 juillet 2008
Trop d'Europe allemande dans l'UPM !
Paris - Paris, le lundi 14 juillet 2008 - © Alfred Mignot pour L’Économiste (Maroc) et Voxlatina.com (Paris) –La réussite du Sommet fondateur de l’UPM, dimanche 13 juillet à Paris, ne saurait cependant masquer l’acharnement thérapeutique des pro-Barcelone, très visible dans le texte de la « Déclaration commune » finale, qui porte aussi l’empreinte forte de l’Europe sous influence allemande. Et si le Sommet fut une réussite, les graines de la continuation de la discorde franco-allemande sont déjà bien là…
De gauche à droite, lors de la présentation à la presse de la « Déclaration commune » fondatrice de l’UPM : Bernard Kouchner, Ministre français des Affaires étrangères ; José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne ; Hosni Moubarak, Président de la République arabe d’Égypte ; Nicolas Sarkozy, Président de la République française ; Ban Ki-Moon, Secrétaire général de l’ONU.

Décryptage – Le Sommet fondateur de l’Union pour la Méditerranée

Trop d’Europe allemande dans l’UPM !

par Alfred MIGNOT

Le Sommet fondateur de l’Union pour la Méditerranée (UPM) a-t-il été un succès ? Pour le Président français Nicolas Sarkozy, qui répondait à la question d’un journaliste lors de la conférence de presse de clôture, la réponse allait de soi : « Ce Sommet s’est tenu, les dirigeants invités sont venus, une déclaration commune a été produite, des projets concrets sont annoncés, voilà les critères auxquels on mesure la réussite d’un tel événement » – et ce furent les mots de la fin de la conférence.

Certes, on ne peut nier que le simple fait de rassembler à Paris plus de quarante chefs d’État ou de gouvernent pour signer l’acte de naissance de l’UPM ne constitue une réussite en soi, et particulièrement celle d’Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, et « père » de cet ambitieux dessein. Mais, il n’est nul besoin d’être très perspicace pour constater que la déclaration commune recèle bien des imprécisions, porteuses de futures négociations acharnées, voire très conflictuelles, et présente l’empreinte évidente d’une Commission européenne sous influence allemande, et qui, depuis des mois, n’a eu de cesse de chercher à amoindrir la portée du projet.

L’agonie inachevée du processus de Barcelone

Dans la « Déclaration commune » qui témoigne de cet état de fait, la référence constante au « processus de Barcelone » est un premier élément qui choque, et qui a d’ailleurs fait ricaner – c’est le mot qui convient – bien des journalistes : pas moins de 38 références dans le texte, soit presque autant que le mot « Union », avec 43 références. Bref, le « droit de suite » des « aficionados » du moribond processus de Barcelone s’est exercé à fond, fait d’ailleurs illustré par la déclaration espagnole, à l’avant-veille du Sommet, pour revendiquer l’établissement du futur Secrétariat de l’UPM à… Barcelone ! – alors que depuis des mois, conformément à la position française, il a toujours été question que le Secrétariat s’installât dans un pays riverain du sud, les villes le plus souvent citées étant Tunis, Tanger et Rabat.
Cet état d’esprit si peu proactif n’a pas échappé à certains observateurs de la presse française. « La chancelière allemande, Angela Merkel, et la Commission européenne, soucieuses de protéger leur pouvoir, ont eu tort, au départ, de s’opposer au projet, sous prétexte qu’il dupliquait un processus euroméditerranéen déjà existant, celui dit de Barcelone », écrit dans son éditorial de lundi « Le Monde » – pourtant peu suspect d’anti-européisme. Et « l’Est Républicain » de mettre encore plus précisément les point sur les « i » : « En concurrence avec Paris pour le leadership de l’Europe, l’Allemagne a tenté de diluer l’initiative française en voulant la réduire à une relance du processus de Barcelone. »

Une co-présidence sous contrôle « européen »

La conséquence de l’influence allemande sur la Commission européenne est clairement lisible dans la Déclaration finale : si le principe de la co-présidence nord-sud a été acté (les présidents Moubarak et Sarkozy l’assument pour les deux premières années), elle « devra, en ce qui concerne l’UE, être compatible avec la représentation extérieure de l’Union européenne conformément aux dispositions du traités qui sont en vigueur ».
Si l’on se souvient que, voici plusieurs mois, la chancelière Merkel avait prétexté le risque de « division de l’Europe » si les seuls pays riverains devenaient membres de droit de l’Union de la Méditerranée – intitulé en usage jusqu’au « compromis » franco-allemand du 13 mars 2008 – ces quelques mots sur la coprésidence sont riches d’enseignements.

D’une part, ils signifient le non-aboutissement, en tout cas pour l’instant, de la position française originelle – la coprésidence, côté européen, devait être exercée par un pays riverain de la Méditerranée – et, d’autre part, ils trahissent l’incertitude dans laquelle se trouve aujourd’hui l’Union européenne, les « refuzniks » irlandais ayant, par référendum, rejeté la ratification du Traité de Lisbonne.

De ce fait, le plus récent des « traités en vigueur » à ce jour, est celui de Nice (2001), qui ne permet pas la création de la fonction de « ministre européen des affaires étrangères », ni celle d’un « Président de l’UE », deux novations institutionnelles qui renvoient à l’expression « représentation extérieure de l’Union européenne », mais qui ne pourraient s’accomplir que dans le cadre de la ratification du Traité de Lisbonne, à l’unanimité des 27 États membres de l’UE.

Ainsi l’Europe fait-elle mine de prendre des engagements qu’elle ne pourra peut-être pas tenir. Elle fait « comme si » le refus irlandais pouvait être surmonté (c’est l’un des objectifs affichés de la présidence française de l’UE), ainsi que les fortes réticences exprimées par la Pologne et la République tchèque.

Côté sud, en revanche, la coprésidence sera « exercée par un coprésident choisi par consensus, pour une période non renouvelable de deux ans »  : sur ce point, on notera l’imprécision du mot « consensus », tandis que la période est clairement énoncée (deux ans), alors qu’elle ne l’est pas pour la coprésidence européenne, et pour cause – les Européistes plaident pour une superposition de la coprésidence UPM avec la présidence tournante UE, actuellement de six mois, mais qui pourrait être portée à deux ans si le Traité de Lisbonne entrait finalement en vigueur, mais rien n’est moins sûr, puisque, juridiquement, ce ne peut être le cas que s’il est ratifié à l’unanimité, hypothèse devenue obsolète à la suite du refus irlandais…

« L’Union est un combat »

Un autre élément d’imprécision, porteur lui aussi de bien des tractations opiniâtres, est la composition du Secrétariat. Pièce maîtresse de la « gouvernance institutionnelle » de l’UPM, le voilà défini comme « Secrétariat conjoint », tandis que la France revendiquait un « Secrétariat paritaire ». C’est plus qu’une nuance, on le comprend bien, car si les pays sud-méditerranéens ne sont pas représentés « à égalité », ils auront une moindre influence dans ce « secrétariat [qui] assurera une concertation opérationnelle avec toutes les structures du processus, y compris en élaborant des documents de travail pour les instances de décision », précise la Déclaration commune. Ainsi, en refusant la parité au Secrétariat, la Commission de l’UE prolonge-t-elle, de facto, l’esprit unilatéraliste du processus de Barcelone, par lequel l’Europe a tenté d’exercer son « diktat » sur les pays du sud – avec le succès que l’on sait…

De ce fait, selon l’expression d’usage en France depuis feu l’union de la gauche, « l’union est un combat », et l’UPM n’échappera pas à la règle. Ce combat continue, et les militants sincères de l’UPM feraient bien de rester en alerte, et d’exercer le « lobbying » qui convient, malgré la pseudo-trêve estivale.

C’est en novembre prochain, en effet, qu’une réunion des ministres UPM des Affaires étrangères est prévue, d’où sortiront les « détails » organisationnels, précise la Déclaration du 13 juillet : « Les détails du mandat de la nouvelle structure institutionnelle, le fonctionnement de la coprésidence ainsi que la composition, le siège et le financement du secrétariat, seront arrêtés par consensus par les ministres des affaires étrangères en novembre 2008, sur la base de discussions approfondies et des propositions présentées par tous les partenaires. »

« Tous les partenaires », cela inclut bien évidemment les pays du sud, et l’on ose espérer qu’ils sauront se faire entendre, c’est le moment ou jamais, car l’Europe ne réussira pas à accomplir d’elle–même, sur elle-même, la révolution culturelle nécessaire à un véritable esprit de partenariat paritaire avec le Sud. Le Sommet du 13 juillet vient de le démontrer, s’il en était encore besoin.

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