Tarak CHERIF, PR Anima Investment Network, co-organisateur des JNDA Bridge Africa : « Cette diaspora qui séjourne en France et en Europe est un point fort pour ses pays d’origine »
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Propos recueillis par Alfred MIGNOT, Directeur de AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
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Africa presse.paris (APP) - Monsieur Cherif, pourquoi avoir pris cette décision de vous allier au Club des Bâtisseurs, l’association bordelaise qui produit depuis 2013 les JNDA – Journées nationales des Diasporas et de l’Afrique ?
Tarak CHERIF – L’année dernière, je me suis rendu aux JNDA annuelles organisées à Bordeaux. J’y ai rencontré Yannick Kwetchoua, Président Club des Bâtisseurs qui en est l’organisateur, et aussi Pierre de Gaëtan – que tout le monde appelle PDG – qui fut maire adjoint d’Alain Juppé à Bordeaux et fondateur des JNDA.
De notre côté, Anima a notamment organisé avec succès le Forum MEET Africa des Entrepreneurs de la Diaspora, qui a rassemblé plus de 3 500 participants à Paris en février 2023, et nous coordonnons le Hub MEET Africa, la plateforme également dédiée aux entrepreneurs de la diaspora africaine.
Ainsi, l’évidence de nos objectifs et engagements communs s’est imposée d’emblée, et nous avons tout naturellement décidé de coopérer, avec ce grand événement organisé à Paris ce 9 novembre, le JNDA Bridge Africa, dédié à « Connecter l’Afrique avec ses diasporas ».
APP – Vous êtes entrepreneur depuis plus de 40 ans, vous dirigez un consortium tunisien, vous avez créé en 2011 la CONECT (Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie) dont vous présidez toujours la section internationale… bref, vous êtes un grand connaisseur des réalités entrepreneuriales de l’Afrique. Alors, quels secteurs d’activité vous paraissent les plus porteurs pour le développement de l’Afrique ?
Tarak CHERIF – En effet, cela fait plus de 42 ans que je suis entrepreneur. Avec le conglomérat que je dirige, nous sommes actifs dans plusieurs secteurs et nous avons de grands partenaires mondiaux dans différents domaines, dans l’industrie et aussi les services – nous produisons de la résine exportée dans plusieurs pays d’Afrique, nous possédons des hôtels, nous représentons certaines marques, leaders mondiaux comme Midas, Whirlpool et bien d’autres…
APP – Justement, vous êtes très légitime pour nous donner un avis d’expert sur les secteurs porteurs… où la diaspora pourrait par exemple créer des co-entreprises ?
Tarak CHERIF – Je ne vais pas vous étonner en vous disant que l’Afrique, c’est l’avenir. Tous les secteurs sont porteurs. Personnellement, je passe beaucoup de temps en Afrique, car notre consortium est l’un des premiers exportateurs tunisiens de produits industriels sur l’Afrique. Peut-être le premier, et en tout cas l’un des trois premiers.
APP – Vous faites de la coproduction avec d’autres pays africains ?
Tarak CHERIF – Nous avons aujourd’hui deux unités industrielles hors Tunisie, l’une à Alger et l’autre à Dakar.
Nous ne faisons pas tout à fait de la coproduction, mais nous fournissons des matières premières importantes pour des industriels en Afrique. Par exemple, nous sommes l’un des principaux producteurs de résines, qui sont les matières premières utilisées dans les processus de production de peintures, de colles et autres choses.
APP – Venons-en au forum de ce samedi 9 novembre, qui se tiendra toute la journée à la Maison de la Chimie (l’accès est libre sous réserve d’inscription ici). Quel est votre objectif ?
Tarak CHERIF – Notre objectif est triple : toucher les diasporas, faire connaître les entrepreneurs et les institutionnels africains de l’économie, faciliter les connexions entre eux.
Toute la journée est organisée autour de cela : informer les diasporas sur les opportunités en Afrique et organiser les connexions avec les institutions, les entreprises, les investisseurs. Nous avons déjà à 2 000 inscrits, donc c’est un événement important pour développer son réseau.
Moi je pense que l’Afrique, comme on l’a dit, c’est quand même le continent où il faut être, donc avec toutes les perspectives qu’il y a, dans plusieurs métiers et secteurs.
Mais aujourd’hui encore, beaucoup de pays européens font fabriquer en Asie. Alors qu’il y a tellement de choses à faire en Afrique, avec l’Afrique.
APP – Oui, mais depuis la pandémie de la Covid, on assiste à tout de même à un début de retournement. On revient à « la proximité africaine », n’est-ce pas ?
Tarak CHERIF – Exact, il y a une certaine relocalisation à l’œuvre, et c’est dans ce cadre que nous voulons inciter, ouvrir un débat, rapprocher les décideurs installés en Europe comme en Afrique. Notre rôle, c’est de créer un espace où les gens se connaissent et peuvent avancer ensemble.
APP – Ressentez-vous les effets de la relocalisation en Tunisie ?
Tarak CHERIF – Oui ! D’ailleurs nous accueillons plus de 3 500 entreprises étrangères, dont plus d’un millier françaises…
APP – C’est beaucoup. C’est comparable au Maroc, où il y en a 1 200…
Tarak CHERIF – Oui, et avec beaucoup de réussites ! Moi, je suis tout le temps en contact avec les opérateurs économiques et je peux vous dire que ceux qui sont en Tunisie ou au Maroc réussissent et réinvestissent. Pour le grand bonheur de ces pays !
Certes, le Maroc et la Tunisie sont de bons exemples de réussite, mais l’événement de ce samedi accueille des délégations de plusieurs pays africains, comme le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la RD Congo… une bonne quinzaine au total, avec beaucoup de délégations à la fois institutionnelles, gouvernementales, patronales...
APP – Un fait mal connu de nos relations intercontinentales, c’est que depuis quelques années déjà, les entreprises africaines investissent en Europe. D’ailleurs la Tunisie serait le premier investisseur africain en France… En 2023, les entreprises tunisiennes ont initié 19 projets en France, générant 361 emplois, surpassant ainsi le Maroc qui a lancé 17 projets créant 341 emplois…
Tarak CHERIF – En effet. Ces chiffres ont été avancés l’année dernière, à l’occasion d’un forum organisé par Business France.
Je n’en suis pas étonné. Aujourd’hui vous avez des sociétés, en Tunisie comme au Maroc, qui veulent également monter en niveau d’investissement afin d’être présents par des participations et des créations d’entreprises en Europe et notamment en France, pour se placer en meilleure position par rapport au marché européen. Et certaines connaissent de grandes réussites…
Évidemment, avec la diaspora, nous voulons stimuler les mouvements dans les deux sens, pour investir de l’Europe vers l’Afrique et de l’Afrique vers l’Europe – du gagnant-gagnant !
APP – Il est souvent reproché aux pays européens d’aspirer les talents du sud, au détriment des pays d’origine. Votre opinion ?
Tarak CHERIF – Cette diaspora qui séjourne en France et en Europe est un point fort pour ses pays d’origine. Car elle est ici immergée dans un ensemble économique où il y a beaucoup d’avancées, beaucoup de recherche, beaucoup de développement.
Mais ce point fort, il faut essayer aussi de le catalyser vers le continent africain.
Rien n’empêche que la diaspora soit présente sur les deux continents. On peut développer des affaires en France, en Europe et en Afrique. En même temps… ce n’est pas interdit !
APP – Vous misez beaucoup sur la contribution de la diaspora au développement de l’Afrique…
Tarak CHERIF – Oui, il y a un rôle que la diaspora se doit d’assumer, c’est de contribuer à la promotion du continent africain, et d’être aussi un relais de l’internationalisation des solutions afin d’accélérer l’émergence de l’Afrique.
Au-delà du transfert du savoir-faire et de la connexion avec les décideurs de France et d’Europe, la diaspora peut aussi jouer un rôle de contributeur au financement des projets.
C’est d’ailleurs une réalité en Tunisie, où les transferts issus de la diaspora – 2,43 milliards de dollars en 2023 – ont été supérieurs à ceux du tourisme, autour de 2 milliards…
APP – Votre programme, après ce XIe JNDA Bridge Africa 2024 ?
Tarak CHERIF – Notre volonté est d’installer un rendez-vous annuel. Et de mettre en place un suivi des projets pour faire en sorte qu’ils réussissent.
Parce que c’est à partir des exemples de réussites que l’on pourra faire avancer la volonté d’investir et de se mobiliser pour l’Afrique.
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