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Stéphanie Rivoal, ambassadrice « pas diplomate », plaide devant le CIAN pour valoriser « l’approche française » lors du Sommet Afrique-France 2020

13 octobre 2019
Stéphanie Rivoal, ambassadrice « pas diplomate », plaide devant le CIAN pour valoriser « l'approche française » lors du Sommet Afrique-France 2020
Dix ans dans la banque, dix ans dans l’humanitaire et quelques autres comme ambassadrice… et voilà que Stéphanie Rivoal a été choisie au printemps dernier par Emmanuel Macron pour assumer la charge de Secrétaire générale du Sommet Afrique-France 2020. Pour cette mission à conduire avec l’agilité d’un « Blitzkrieg », celle qui se dit « pas diplomate, ni de carrière ni de caractère » fait appel à toutes ses expériences de vie et joue la transparence : « Je suis là pour vous aider et j’ai besoin de votre aide », déclare-t-elle aux entrepreneurs du CIAN qu’elle veut motiver pour réussir ensemble le salon entrepreneurial, volet économique du Sommet Afrique-France 2020. Récit d’une rencontre.

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Un article d’Alfred Mignot, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica

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Le parcours si inhabituel de SE Stéphanie Rivoal, c’est sans doute elle-même qui l’évoque le mieux, en sachant adapter son propos à son auditoire… Ainsi, « J’aurais pu être assise parmi vous ! » lâche-t-elle d’emblée devant l’attentive assemblée des entrepreneurs du CIAN (Club des investisseurs français en Afrique), venus en nombre participer à ce déjeuner-débat pour écouter la Secrétaire générale du Sommet Afrique-France 2020, dans l’un des salons du prestigieux Automobile Club, à Paris, place de la Concorde.

« Après avoir fait l’Essec  », explique-t-elle, elle a travaillé pendant une dizaine d’années dans une banque d’affaires, à Londres, et « aurait très bien pu persévérer dans le secteur privé, devenir comme vous dirigeant d’une entreprise française travaillant avec Afrique. »

Mais, non… après dix ans de banque, elle prend un chemin de traverse pour commencer une seconde vie, dans l’humanitaire, à Action contre la Faim, dont elle assumera la présidence de 2013 à 2016. « Il fallait bien m’investir dans l’humanitaire pour retrouver une bonne conscience ! On me l’a beaucoup dit… Mais non, je n’avais rien à me reprocher ! », s’amuse-t-elle à relever. Ainsi, après les années de bureau, c’est pour elle une nouvelle période de dix années qui démarre alors, pendant laquelle elle ira au contact des populations de plusieurs contrées d’Asie et de nombreux pays d’Afrique.

Et un jour de 2016, voilà qu’on « vient la chercher » pour devenir ambassadrice de la France en Ouganda. Mais pourquoi donc, alors qu’elle n’est pas « de la carrière » ? Elle répond en toute simplicité que pour faire avancer la parité des genres au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, beaucoup de femmes avaient déjà été poussées en avant, et qu’il fallait bien trouver quelqu’un(e) venu(e) du monde extérieur… « C’est ainsi que me voici dans la maison », s’amuse-t-elle encore, ajoutant : « Vous commencez à percevoir que je ne suis diplomate ni de carrière ni de caractère ! Et cela fait de moi quelqu’un d’assez étonnant, dirais-je, dans la diplomatie française ! »

Évacuer les caricatures obsolètes

Et maintenant, depuis avril 2019, la voici donc propulsée par la volonté présidentielle au Secrétariat général du Sommet Afrique-France 2020, qui se tiendra à Bordeaux du 4 au 6 juin prochains.
Dans cette perspective, « Où en sommes-nous de cette relation entre la France et l’Afrique ? », s’interroge-t-elle, annonçant aussitôt que ses réponses seront « très caricaturales ».

Pas si sûr, pense-t-on cependant à l’entendre évoquer l’exemple de la perpétuelle interpellation politique, par laquelle la France est toujours soupçonnée d’être la grande manipulatrice des affaires intérieures de nombreux pays d’Afrique…
Le second cliché qui « plombe » l’image de la France, c’est son engagement militaire. « Il y a un problème quelque part ? Les Français vont y aller… c’est la perception commune, dit-elle. Nous sommes, nous avons souvent été, et peut-être devons-nous encore rester le gendarme de l’Afrique. Mais cela nourrit aussi un sentiment anti-français, par exemple au Mali », commente-t-elle, tandis que plus tard, lors de la séquence des questions-réponses, un intervenant relèvera « l’ingratitude de certains pays ».

Un troisième point liminaire évoqué par Stéphanie Rivoal est celui de l’aide au développement qui existe depuis les indépendances et que déploie l’AFD. Une aide en constante augmentation ces dernières années pour désormais dépasser les 5 milliards d’euros par an. Et l’ambassadrice de déplorer que cette aide lui paraisse parfois médiatiquement sous-évaluée par les effets d’annonce de certains nouveaux acteurs sur le Continent…

Dernier point que la Secrétaire générale du sommet Afrique-France 2020 a tenu à éclaircir, avant de passer aux questions économiques : oui, bien sûr que le sommet concerne toute l’Afrique, et pas seulement l’Afrique de l’Ouest francophone ! D’ailleurs, relève-t-elle, les pays de l’Est africain ont été invités à nos sommets dès le début des années 1980.

Affirmer et valoriser une « approche française »

Abordant la question de la présence économique de la France en Afrique, Stéphanie Rivoal regrette d’abord le comportement encore trop souvent de joueur en « solo » de nombreuses entreprises françaises.

« Avons-nous une stratégie, une présence organisée du secteur privé français en Afrique ? On en parle depuis longtemps, et voici que se mettent en place maintenant ces nouvelles Team France Export. “Export” ? Je ne crois pas que ce mot soit véritablement pertinent en Afrique. Ce qui va nous faire gagner, c’est plutôt le projet », affirme-t-elle.

Évoquant alors l’approche « packagée » chinoise – entreprises-projet-financement – et une certaine « agressivité » allemande et anglo-saxonne, elle propose aux entrepreneurs du CIAN de « réfléchir ensemble à comment se porter plus à l’offensive ».
Bien sûr, concède-t-elle, « les baromètres du CIAN, ne sont pas là pour nous rendre optimistes », vu l’ampleur d’un certain narratif anti-français en Afrique… « Mais peut-être sommes-nous encore trop désorganisés, c’est une vraie question que je vous pose. »

Que faire ? Le soutien des institutions – financement, assurances export… – l’aide au développement dédiée et les standards qu’elle promeut, cela suffit-il à reprendre des parts de marché, voire à en gagner face au rouleau compresseur de la concurrence internationale sur le Continent ?
Face à la Chine, la Turquie, l’Inde, l’Allemagne, la Russie et bien sûr aux Africains eux-mêmes – avec l’Égypte, l’Afrique du sud, les Nigérians « et j’en passe » – qui tous affichent de fortes ambitions sur le Continent, les Français ne manquent pas d’atouts, à commencer par leur connaissance intime d’une bonne part de l’Afrique – ce à quoi il faut ajouter un fort « désir de France » dans des pays non-francophnoes, une réalité parfois surprenante mais que Stéphanie Rivoal a pu constater au fil de ses années passées sur le continent.

Et l’ambassadrice d’appeler une fois encore à une coopération avec les entrepreneurs : « Nous ne pouvons pas continuer à fonctionner d’une manière inefficace. Si l’on veut changer le dispositif, j’ai besoin de vous. Ouvrons le débat pour que le Sommet Afrique-France 2020 marque un véritable changement culturel. Car il est nécessaire, c’est ma conviction profonde car tout bouge très vite en Afrique. »

Une vue de la salle durant l’allocution de SE Stéphanie Rivoal. À sa gauche, on reconnaît notamment Alexandre Villegrain, PDG de SOMDIAA et Président du CIAN ; Étienne Giros, Président délégué du CIAN ; Gérard Wolf, Président Brics Access, vice-Président du Comité Afrique de Medef International, Fédérateur "Villes durables" auprès du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. © AM/AP.P

De nombreux atouts sous-utilisés à valoriser

Cela dit, la France bénéficie aussi d’énormes atouts, économiques et politiques.
« Notre siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies, par exemple, contribue à la perception d’une France puissance. C’est encore un marqueur qui pèse lourd dans la balance. La France, estime aussi Stéphanie Rivoal, a une très belle image technologique, de pays d’ingénieurs et d’entreprises qui savent faire de la qualité. Nous sommes aussi appréciés pour notre qualité de vie – la gastronomie, le vin, le luxe, et j’en passe. Cela constitue une sorte de soft power inestimable, cela génère une “envie de France” que peut-être – ou plutôt sans doute, comprend-on –, nous sous-utilisons.

Mieux utiliser ces atouts, travailler ensemble à les « mettre en musique » pour en faire quelque chose de puissant au service de la France, faire émerger et affirmer une « approche française » qui nous différencie des autres compétiteurs, voilà l’amorce d’une méthode de reconquista que la Secrétaire générale propose aux entrepreneurs, avec lesquels elle partage une confidence : dans ses discours d’ambassadrice de ces dernières années, elle a pris l’habitude de commencer par un assertif « Nous, les Français… ». Et d’enchaîner : « Nous, les Français, on fait de la qualité. Nous, les Français, on embauche plus localement. Nous les Français, on forme en local. »

Comment faire en sorte que « l’approche française » soit désirée par les Africains ? « Ils apprécient définitivement notre engagement sur l’emploi local, enjeu majeur pour la jeunesse. Mais au-delà de tous nos atouts, selon eux nous avons deux faiblesses : nous sommes trop lents et trop compliqués. La solution est simple : se simplifier et se rendre plus agiles », affirme Stéphanie Rivoal, proposant de mettre à profit la ligne d’horizon du Sommet 2020 pour relever ce défi.

« Quand on simplifie, cela marche visiblement, déclare-t-elle encore. Avons-nous trop de guichets, sommes-nous trop dispersés ?
Vraiment il y a a beaucoup de questions à poser, je suis là pour vous aider et j’ai besoin de votre aide. Vous avez devant vous un représentant de l’État qui a envie de travailler avec vous, prêt à entendre la critique – et vice versa. On est là pour construire quelque chose ensemble pour ce Sommet. »

L’économie au centre du Sommet Afrique-France 2020

Dédié à la thématique des « Villes et territoires durables », le Sommet Afrique-France 2020 se déroulera les 4, 5 et 6 juin à Bordeaux, « ville qui a une histoire africaine que l’on voudrait retourner à l’avantage de l’Afrique et de la France », précise l’ambassadrice.
Le thème des « Villes et Territoires durables » sera abordé avec une approche extrêmement large : services essentiels de distribution de l’eau et de l’énergie, gestion des déchets, infrastructures de la mobilité, nourriture en circuits courts agricoles, logement, éducation, accès au sport, à la culture, à la santé, construire et embellir la ville, espaces verts, transversalité du digital… tous les sujets seront abordés et si le sommet vise à rassembler d’abord Africains et Français, « on fera venir des financeurs de partout (…) afin d’associer au concept de ville durable celui de financement durable », argumente Stéphanie Rivoal, avant de poursuivre :

« Nous mettons l’économie au centre de cet important rendez-vous. Nous montons un salon d’exposition, spécialement pour vous, pour que les sociétés françaises et les sociétés africaines exposent.
Bien sûr, ce serait bien plus simple pour moi d’en rester au sommet politique, mais je crois que l’économie doit être au centre de cette nouvelle relation entre la France et l’Afrique. C’est pour cela que nous avons besoin de vous, de votre présence, de votre bonne volonté à participer à cet événement. Et que vous rameniez vos partenaires africains. Car cette présence africaine sera vraiment l’ingrédient clé du succès du Sommet. Nous vous amènerons les chefs d’État, les ministres, les élus et les financeurs. Et mille entrepreneurs africains, invités par nous. »

Alors… ? À vous de jouer, Messieurs les entrepreneurs français !

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 À Bordeaux, l’ambassadrice Stéphanie Rivoal fait un tabac à la conférence de lancement du Sommet Afrique-France 2020 (17/09/2020)

LIENS UTILES

 Site du Sommet Afrique-France 2020

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