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Souleymane COULIBALY, patron de l’Entre-Deux, à Bamako : « Je suis un bon vivant qui aime faire découvrir la gastronomie française »

26 novembre 2021
Souleymane COULIBALY, patron de l'Entre-Deux, à Bamako : « Je suis un bon vivant qui aime faire découvrir la gastronomie française »
Souleymane Coulibaly, dit Solo, est un chef d’entreprise et restaurateur atypique. Après une longue carrière dans le tourisme, ce « bon vivant » tient aujourd’hui l’une des meilleures tables de la capitale malienne, où se retrouve le Tout-Bamako. Entretien, au bord du fleuve Niger, qui traverse Bamako, capitale du Mali…

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par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse

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APP – Parlons d’abord de l’homme longtemps engagé dans le tourisme au Mali…

Souleymane COULIBALY - Dans le secteur touristique, j’ai ouvert des pistes avec mon agence « Tam-Tam tours », créée en 1995 et que j’ai revendue aux Italiens pour reprendre en 2000 un restaurant : le Monte-Cristo. J’ai fait une belle affaire qui me permettait de recréer également une nouvelle agence de tourisme que j’ai nommée « Dougou-Dougou », le nom d’un petit oiseau mythique qui émigre depuis l’Europe pendant la période du riz et va de village en village. Comme tous les touristes qui se respectent et visitent notre beau pays.

Je suis personnellement de Koulikoro (à 60 km de Bamako), mais la véritable région du tourisme, c’est Mopti et les magnifiques falaises de Bandiagara au pays Dogon. C’est de cette région qu’était originaire le président ATT dont je fus très proche – Amadou Toumani Touré – et que bien des Maliens regrettent aujourd’hui.

J’ai longtemps travaillé à la SMERT (Société malienne d’exploitation des ressources touristiques), au sein de laquelle j’étais guide spécialisé dans le « trekking » avec le voyagiste français Terres d’aventure. Ce qui m’a appris à maîtriser ce travail. À cette époque, je récupérais toujours des médicaments que j’amenais au dispensaire de Sangha, en pays Dogon, pour en faire une petite pharmacie bien utile à la population locale.

APP – Puis vous avez racheté le Monte-Cristo et ouvert votre premier restaurant en 2000 ?

Souleymane COULIBALY - Le Monte-Cristo, c’était un fond de commerce qui vendait des cigares cubains et que j’ai repris pour en faire une bonne adresse, présente sur tous les guides touristiques.
À l’image du « Comte de Monte-Cristo », le célèbre roman d’Alexandre Dumas, je suis parti de rien pour aboutir dans un château. Ce fut mon premier vrai challenge : partir de rien pour monter un restaurant s’imposant, paraît-il, comme l’une des meilleurs tables de la capitale malienne.

Pour la petite aventure, j’ai alors croisé Lucien Vian, un peintre et décorateur d’origine italienne mais installé à Elbeuf, en Normandie, qui n’était jamais venu en Afrique mais que j’ai réussi à convaincre de me suivre. Sur place, ici, il m’a fait un véritable chef-d’œuvre. Puis j’ai récupéré un cuisinier formé par Marc Veyrat, le grand chef français. J’avais alors en main un bel établissement et un très bon cuisinier. Cela a marché du feu de Dieu, tout le monde venait.

APP – Grâce notamment à un habile système d’approvisionnement en provenance de France ?

Souleymane COULIBALY – J’ai pris alors un abonnement à Rungis et à Métro, où des amis allaient chercher les meilleurs produits de France, les amenaient à l’aéroport et les transportaient pour moi gratuitement. Une quinzaine de touristes se succédant avec chacun une valise de 23 kilos de marchandises. C’est ainsi que j’ai pu servir mes premiers clients comme dans un grand restaurant de France, la patrie de la gastronomie.

Installé dans le quartier de l’Hippodrome, à 5 minutes seulement de la zone industrielle, j’ai eu rapidement une clientèle d’habitués qui ont fait la réputation de mon restaurant. Avec deux salles, je pouvais faire plus d’une centaine de couverts. Puis j’ai ouvert sous le même nom une boite de nuit, juste en dessous du restaurant, pour la seconde partie de soirée et cela a fonctionné de 2000 à 2012.

ATT – Le Mali a alors été le théâtre d’un coup d’État renversant le président ATT...

Souleymane COULIBALY - En 2012, avec la chute du Président ATT, tout a basculé quand les djihadistes ont commencé à s’en prendre aux Européens. Ce fut rapidement la fin du tourisme au Mali. J’ai moi-même demandé à tous mes partenaires de ne plus faire figurer le Mali dans leurs catalogues. C’était trop risqué : j’ai été obligé d’arrêter alors que les touristes représentaient 50 % de mon chiffre d’affaires. À la même époque, le centre de Bamako a progressivement changé avec la création d’un quartier d’affaires à l’ACI 2000. Pour aller déjeuner au Monte-Cristo, on mettait déjà plus de 45 minutes et autant pour le retour. J’ai donc été obligé de fermer en 2012 dans la foulée du coup d’État du capitaine Sanogo.

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Vins de France
et légumes bio du jardin

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APP – Mais vous n’avez pas tardé à rebondir ?

Souleymane COULIBALY - Je suis resté un bon moment à réfléchir et j’ai trouvé le moyen de rebondir, comme vous dites. J’avais en effet dans la capitale un autre maquis qui s’appelait le Diplomate, où venaient jouer notamment des artistes comme Toumani Diabaté tous les vendredis soir. L’établissement a eu beaucoup de succès et j’ai pu rouvrir un nouveau restaurant en 2015, en reprenant l’esprit du Monte-Cristo, mais avec une terrasse donnant sur le fleuve Niger : ce fut l’Entre-Deux, car il est situé à mi-distance entre les deux ponts de la capitale qui enjambent le fleuve.

L’emplacement n’a pas été choisi au hasard. C’était autrefois le Canoë club de la capitale malienne... très fréquenté par les expatriés. Ce Canoë club existe toujours, au bord du fleuve, et le restaurant est en son sein. Un lieu magnifique au soleil couchant.

APP – Vous vous êtes alors lancé dans la cuisine bio avec les produits de votre jardin ?

Souleymane COULIBALY - Pour ce nouveau projet, il me fallait innover et avoir un thème : j’ai choisi le bio. Comme j’ai 10 hectares de terre à Koulikoro, j’en ai réservé une partie pour faire un potager bio « hors sol » et y cultiver mes fruits et légumes. Les légumes servis chez moi proviennent en général de mon jardin et j’essaie de les cultiver en bio. Mais si je suis en rupture, je les achète au marché. C’est pourquoi je ne dis pas que tout est bio chez moi car ce serait faux ! L’ananas, qui paraît-il ne peut pas pousser au Mali, moi je le cultive dans mon « jardin extraordinaire ».

J’ai aussi acheté cinq vaches et deux bœufs, trois moutons, au début juste pour avoir du fumier bio. Mais aujourd’hui, j’ai 70 têtes. Ces bêtes que j’élève font aussi le succès de mon restaurant. Les bouchers auxquels je vends la viande me gardent les meilleures morceaux pour ma clientèle. Et je les sers avec des herbes de Provence (thym, coriandre, aneth), mélangées déjà à leur nourriture, ce qui donne ce parfum à leur viande.

APP – N’avez-vous pas aussi une belle cave fort réputée ?

Souleymane COULIBALY - C’est exact, car j’importe du vin de France et uniquement de France. Avec un blanc sec « Entre deux mers », qui coïncide bien avec le nom de mon établissement, du Chablis et du Sancerre et de délicieux vins d’Alsace comme le Gewurztraminer. En rouge, j’ai bien sûr tout ce qui est Margaux ou St Emilion et beaucoup d’autres bonnes bouteilles.

Tous ces grands crus sont fort appréciés. Pour moi, le vin est aussi une passion. Je suis d’ailleurs Compagnon du Beaujolais, Chancelier de la chaîne des rôtisseurs et maître fromager, à chaque fois intronisé en France. En deux mots, je suis un bon vivant !

J’ai appris petit à petit à connaître les composantes, les règles et les bonnes recettes de la gastronomie française. J’ai donc acquis une expérience de bouche et pris un avantage sur les autres qui sont rentrés dans la restauration par hasard pour « faire du pognon ». Moi, je fais ce métier par goût et passion car j’aime bien manger, voilà le secret de ma réussite.

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« Le capitaine fumé
est une de mes spécialités »

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APP – Quelles sont vos principales spécialités ?

Souleymane COULIBALY - C’est l’épaule d’agneau rôtie, les carrés d’agneau ou le vrai veau que j’importe de Métro à Paris. Et qui arrive dans la journée à Bamako, où je contrôle la chaîne du froid de A à Z : 5 h à Rungis, 7 h à Roissy, 10 h embarquement, 15 h à Bamako. Autant de spécialités très prisées qui marchent bien et me permettent de faire ici la différence.

APP – Vous êtes aussi traiteur...

Souleymane COULIBALY – C’est une activité que j’ai beaucoup développée et, là encore, j’ai fait la différence avec les ailerons de poulet, au lieu de me limiter à faire des canapés comme tout le monde. Sans parler des desserts que nous servons ici, comme la tarte fine aux pommes avec sa glace arrosée au Grand Marnier.

APP – Vous venez également de reprendre l’exploitation du Patio, au sein de l’Institut français de Bamako. Dans quel but ?

Souleymane COULIBALY – C’est en effet le nouveau projet sur lequel je suis en train de travailler et je pense que pour la prochaine Saint Valentin, la fête des amoureux, le 14 février, tout sera prêt pour fêter l’événement dignement au Patio. On a créé la pizza au saumon fumé et la pizza au capitaine fumé. Cela cartonne et on envisagera bientôt un service de livraison à domicile. Et l’on y sert aussi le capitaine fumé, l’une de mes spécialités très appréciées...

APP – Vos affaires marchent donc très bien ?

Souleymane COULIBALY - Cela repart, mais les affaires dépendent toujours de l’atmosphère qui règne dans le pays, notamment de la sécurité. Je suis Malien et je ne peux que souhaiter la paix pour mon pays. C’est pourquoi j’invite les Maliens à se réconcilier, à se ressouder et à comprendre qu’une réaction épidermique ne résoudra pas la crise.
Il faut voir plus loin, et imaginer le Mali que nous voulons léguer dans dix ans à nos enfants, ce qui nous aidera à trouver les bonnes solutions aux problèmes d’aujourd’hui. Toutes nos mauvaises décisions seront en revanche retenues contre nous.

Peut-on dire, pour conclure cet entretien, que l’Entre-Deux est dans le Top 5 des restaurants de Bamako ?

Souleymane COULIBALY - C’est à vous d’apprécier !

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EN SAVOIR PLUS :
L’Entre-Deux Tél : (+223) 94 94 05 05
canoeclub223@gmail.com

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