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Soufyane Frimousse / « Le Maroc et la France vers une puissance afro-européenne de "coopétition" »

11 novembre 2024
 Soufyane Frimousse / « Le Maroc et la France vers une puissance afro-européenne de "coopétition" »
Soufyane Frimousse, universitaire et Président-fondateur de l’Institut d l’Africanité. Photo © DR.
À l’occasion de la visite d’Etat de la présidence de la République française, Sa Majesté Mohammed VI, roi du Maroc, et Emmanuel Macron, ont décidé d’écrire un nouveau chapitre de la longue histoire entre les deux pays, en hissant leur relation a u niveau d’un « partenariat d’exception renforcé ». Une ambition partagée qui dépasse les seuls enjeux bilatéraux.

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Une contribution de Soufyane FRIMOUSSE
Enseignant-chercheur, IAE de Corse.

Chercheur associé Essec Business School Paris
Président-fondateur de l’Institut de l’Africanité

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La volonté partagée de bâtir sur les acquis et les complémentarités des deux pays s’est clairement exprimée lors de la rencontre entrepreneuriale Maroc-France, durant laquelle des accords économiques ont été signés entre des institutions et des entreprises marocaines et françaises des secteurs public et privé.

La valeur cumulée de ces accords pourrait atteindre dix milliards d’euros. L’un des projets phares est l’extension du réseau ferroviaire marocain. Ainsi, Alstom et Egis participeront à la réalisation du deuxième tronçon de la ligne à grande vitesse reliant Tanger à Marrakech. Alstom fournira également des rames de TGV pour l’office national des chemins de fer (ONCF). Le groupe participe également à la maintenance des trains à travers la joint-venture Maloco qu’elle forme avec l’ONCF.

L’industrie aéronautique est aussi à l’honneur avec la signature d’un protocole entre le Maroc et Safran, prévoyant l’implantation d’un site de maintenance et de réparation de moteurs d’avions à Casablanca. Le secteur énergétique n’est pas en reste avec la conclusion d’un partenariat sur l’hydrogène vert entre le gouvernement marocain, Total Energies et Total Eren.

La coopération bilatérale concerne également l’extension des partenariats portuaires entre la CMA-CGM et le complexe Tanger Med avec le développement d’un terminal à conteneurs à Nador West Med. MGH Energy et Petrom ont signé un accord pour produire 500 000 tonnes de carburants décarbonés par an via le projet Janassim dans les transports maritime et aérien. L’OCP et Engie vont créer une coentreprise qui permettra de décarboner les activités de l’industriel marocain. Veolia a annoncé la construction et l’exploitation d’une usine de dessalement d’eau de mer, la plus grande de ce type en Afrique. Située près de Rabat, elle couvrira les besoins en eau de près de 9 millions d’habitants.

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Le Parlement marocain écoutant le discours du Président Emmanuel Macron. © Capture vidéo Élysée.

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L’ambition des deux parties ne se limite pas à des enjeux bilatéraux. La rencontre a permis d’envisager des investissements conjoints en Afrique, rendus possibles grâce à la stabilité et à la situation géostratégique du Maroc. Celui-ci se positionne naturellement comme une porte d’entrée pour les entreprises françaises désireuses de se développer dans une logique de coopétition c’est-à-dire de coopération et compétition. La création et la consolidation des passerelles économiques entre les deux bords de la Méditerranée permettront de relever les défis du continent africain, notamment en matière d’infrastructures et de développement durable.

La Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (zLECA) pourrait constituer un levier d’industrialisation et de diversification économique. Il s’agit d’utiliser des savoir-faire et des expertises franco-marocaines au service du continent. Idem pour l’automobile où le Maroc s’est imposé comme un acteur clé du secteur avec Renault et Stellantis. La filière automobile est le premier exportateur du Royaume avec un taux d’intégration de 64 %. Grâce aux deux constructeurs français, le Maroc est devenu un pôle de référence pour l’industrie automobile mondiale.

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Les défis de la formation
des jeunesses africaines

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Les accords signés et les perspectives envisagées ancrent solidement le partenariat renouvelé entre les deux pays. Cependant, pour se projeter efficacement et de manière irréversible vers cette nouvelle ère, les deux pays doivent s’atteler aux défis de la formation des jeunesses africaines. C’est la condition sine qua none. Se limiter à des perspectives orientées business en minorant les dimensions formation et développement des compétences humaines serait une erreur.

En effet, rappelons que le taux de chômage au Maroc continue de croître. Il a atteint 13,6 % selon les dernières statistiques du HCP, soit plus de 1,6 million de chômeurs au niveau national. Et c’est encore parmi les jeunes et les femmes qu’il est le plus élevé. L’économie nationale éprouve des difficultés à créer suffisamment d’emplois pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail ou pour réintégrer ceux qui ont perdu leur poste. Rappelons également que la jeunesse marocaine et africaine de manière générale se tourne désormais vers le monde anglo-saxon, au détriment de la langue française.

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Co-construire
les expertises de demain

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Le programme « Fait avec l’Afrique », porté par l’Institut de l’Africanité, souhaite répondre aux défis du développement et de la consolidation des compétences. Ce programme s’insèrera dans une dynamique gagnant-gagnant de co-création, co-localisation et de co-industrialisation pour des projets d’investissements communs en Afrique dans des secteurs stratégiques. D’ailleurs, le président français a affirmé que la France et le Maroc s’engagent désormais vers un « Fait avec le Maroc » et un « Fait et conçu avec le Maroc ».

Le développement et le renforcement des compétences des jeunesses africaines est essentiel. Ce sont ces expertises co-construites qui alimenteront la chaîne de valeur commune au Maroc et à la France. Les dispositifs de mobilité et de formation innovants « Fait avec l’Afrique » et « pépinière doctorale » sont déterminants et marqueurs de ce partenariat renforcé.

Porté avec constance par l’Institut de l’Africanité, des grands laboratoires de recherche et des institutions au niveau national, ces programmes proposent des contrats de mobilités apprenantes au Maroc et en France. En immersion dans des écosystèmes d’excellence et de pratiques, ces dispositifs répondent aux besoins de pragmatisme et de compétences agiles nécessaires aux organisations à l’ère de la complexité.

Ce type de dispositif est d’ailleurs encouragé par le gouvernement marocain qui prévoit de porter le nombre de bénéficiaires de la formation professionnelle par alternance à 100 000 par an, contre 25 000 actuellement. Des bourses de mobilités sont également octroyées. Toutefois, force est de constater que l’engagement des acteurs clés des filières aéronautique, automobile, ferroviaire et énergétique demeure encore faible.

Or, la production et la création de savoirs et d’expertises partagées est le seul véritable moteur qui propulsera et pérennisera ce partenariat d’exception renforcé. Les deux parties ont tout intérêt à s’appuyer et à se nourrir des liens humains tissés entre les deux communautés.

Rappelons que le Maroc est la terre d’accueil de la plus grande communauté française en Afrique. Elle compte près de 80 000 ressortissants, dont 40 % ont moins de 25 ans. Plus de 1 000 entreprises françaises opèrent dans le Royaume. Elles emploient plus de 80 000 personnes. La France est le premier investisseur étranger au Maroc malgré la concurrence accrue.

La jeunesse marocaine représente la première communauté estudiantine étrangère en France avec 45 000 inscrits en 2023. Satisfaire la dimension business est étroitement lié aux cadres culturels et académiques que les deux amis retrouvés bâtiront. Il s’agit d’inscrire la jeunesse dans cette relation Maroc-France et d’en faire un acteur majeur de sa pérennisation.

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Agenda Paris, mardi 26/11/24 - Huit Ambassadeurs participeront à la XVe CAAP, dédiée aux réseaux ferrés en Afrique. INSCRIPTIONS OUVERTES.

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