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Soufyane Frimousse : « L’Africanité… c’est cette diversité, cette totalité, cette pluralité qui permettra de bâtir une Afrique au singulier ! »

17 février 2023
Soufyane Frimousse : « L'Africanité… c'est cette diversité, cette totalité, cette pluralité qui permettra de bâtir une Afrique au singulier ! »
Plus de 50 chefs d’État ou de gouvernement africains étaient à Washington pour le sommet international US-Africa Leaders Summit. Il y a été question de relations bilatérales et multilatérales notamment dans les domaines sécuritaires et économiques. Cette opération démontre encore une fois l’intérêt que portent les grandes puissances au continent africain.

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Une contribution de Soufyane FRIMOUSSE
Maître de conférences, HDR IAE de Corse
Chercheur associé Essec Business School et HEC Montréal

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Les enjeux d’un tel sommet sont nombreux et ont été largement commentés. Ce qui nous intéresse ici est de nous interroger sur l’absence d’un tel événement en Afrique même, entre États Africains mais ouvert au monde sur les défis liés au système éducatif et de formation, pierre angulaire de tout projet de transformation et de développement.

Un événement qui pourrait être un moment de stimulation, d’exploration, de provocation intellectuelle, d’invitation, d’orientation vers de nouvelles directions à prendre pour le continent africain.
Le Maroc peut être l’endroit qui permettrait de cimenter le continent d’un bout à l’autre. Un mouvement très large avec une idée nouvelle : l’africanité qui englobe toutes les sphères culturelles et contextuelles du continent. L’Africanité…c’est cette diversité, cette totalité, cette pluralité qui permettra de bâtir une Afrique au singulier !

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« L’africanité… c’est
une idée, un projet »

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Comme le rappelle le philosophe sénégalais Souleymane–Bachir Diagne, parler d’Afrique au singulier n’est pas une marque d’essentialisme, mais d’un désir d’Afrique. L’africanité… c’est une idée, un projet. C’est penser l’Afrique avec un nouveau narratif, un nouveau récit porté par des idées et des nouvelles valeurs. Dans le prolongement des pensées d’Aimé Césaire, je dirai que l’Africanité n’est pas une vision carcérale de l’identité qui peut engendrer ce que l’économiste Thomas Piketty a appelé « l’hystérie identitaire ». Le monde réclame l’émergence d’ensembles cohérents et… ouverts.

J’insiste sur « ouvert » car l’Europe et les États-Unis sont des acteurs incontournables en Afrique. Nous avons une histoire commune. Elle est ineffaçable. À nous de travailler pour avoir un futur en commun. Ne restons pas empêtré dans des mémoires stériles. L’avenir, il faut l’inventer. Pour ce faire, il nous faut sortir d’un rapport infantile et parfois hystérique avec les partenaires traditionnels. Nous n’avons pas le choix. Les grands défis sont communs, l’avenir ne pourra être que commun, notamment entre l’Europe et l’Afrique. Certes, la rhétorique de la mutualité et de l’interdépendance n’est pas nouvelle. Mais le contexte international a changé.

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L’émergence de nouvelles
alliances géopolitiques

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La proposition de forger de nouvelles alliances géopolitiques avec l’Union Africaine est un fait nouveau particulièrement frappant. C’est un moyen de naviguer dans les eaux tumultueuses d’un monde multipolaire. En forgeant un bloc entre continent européen et africain ; les deux entités seront mieux armées pour faire face à la Russie, à la Chine et bientôt à l’Inde. Idem pour les États-Unis.

D’ailleurs, ce n’est pas par hasard si le président américain Joe Biden s’apprête à défendre l’intégration de l’Union africaine au G20. Mais, pour rappel, l’UE reste le principal partenaire de l’Afrique en termes d’investissements, d’échanges commerciaux et d’aide au développement. Même si, ces dernières années, les représentations médiatiques peuvent donner l’impression du contraire, la Chine comme les États-Unis restent loin derrière l’Europe en matière de commerce et d’investissements en Afrique.

Rappelons également que l’Afrique et l’Europe forment, ensemble, le plus grand bloc électoral au sein des Nations Unies. L’alliance géopolitique de l’UE avec l’Afrique donnera l’image d’une puissance émergente entre l’Est et l’Ouest : un espace afro-médi-péen. Car continuer à parler d’Europe et d’Afrique…c’est façonner un avenir fait de cloisonnements dans le meilleur des cas, d’affrontements dans le pire.

Africanité et espace afro-médi-péen permettront de sortir du schéma de complémentarité inégalitaire dans lequel les relations afro-européennes demeurent figées. Cet axe vertical, entre deux continents a du sens pour quiconque sait lire une carte et observer l’évolution du monde. Ce sont de nouveaux logiciels qui permettront le passage en douceur d’une période historique à une autre et d’un paradigme de pensée au suivant.

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Alliances ouvertes et audacieuses
à partir des permanences africaines

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Dans L’État importé, Bertrand Badie a mis en évidence que ce n’est pas en copiant les pays occidentaux que l’Afrique s’en sortira. Il rejoint la grande pensée panafricaniste de Nkrumah, Lumumba ou Kenyatta. Ils expliquaient clairement que la voie de l’Afrique n’était pas dans l’imitation des États-nations occidentaux, mais dans la découverte et l’innovation. Cependant, se lancer dans une démarche de réinvention demande de bâtir des alliances ouvertes, inclusives et pragmatiques, au lieu de pérenniser et d’entretenir des blocs fermés.

Comme les Indiens, les Chinois ou les Iraniens, il est impératif de faire en sorte que les centres de savoir traditionnel redeviennent la colonne vertébrale de l’ouverture au reste du monde ! Le modèle de connaissance occidental ne doit pas être le seul centre de gravité de la pensée africaine ! Il est ici question d’hybridation, de fertilisation croisée, d’alliances généreuses et audacieuses. La contribution africaine, ce sont les permanences africaines…

Je ne préconise pas un retour au passé, mais un recours au passé. Un système éducatif et formatif africain ne veut pas dire enfermement dans des modes passéistes et obsolètes. Cela signifie plutôt un système basé sur un socle civilisationnel africain qu’il s’agit de raviver tout en sélectionnant les aspects qui renforcent et propulsent vers le futur. Les Africains se sont laissés prendre au piège de la technoscience au service de la croissance unidimensionnelle qui n’a aucun sens. Les formations doivent permettre l’émancipation… sinon il y a ressentiment !

Cette contribution africaine doit s’appuyer sur des vecteurs de diffusion (publications, informations et communications). Nous insistons. L’appareil scientifique et technologique « occidental » est à la fois indispensable et lacunaire lorsqu’il s’agit de faire « sens ». Il faut donc trouver un point d’équilibre où les savoirs extra-africains, confrontés à des terrains nouveaux, s’ouvrent à des dimensions épistémologiques et politiques inédites. Un style de pensée à l’interface de plusieurs mondes.

C’est ici que le Maroc a une carte à jouer car son positionnement géographique lui permet à la fois d’entretenir et de renforcer des relations avec l’UE en se déployant vers les autres pays africains (Afrique australe, anglophone...). C’est un carrefour entre plusieurs mondes.

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La VIIe Conférence mensuelle des Ambassadeurs Africains de Paris, organisée par notre site www.africapresse.paris, s’est tenue le 15 février 2023 à l’Hôtel de l’Industrie, place Saint-Germain-des-Prés (Paris VIe).

CLIQUEZ ICI ET VOYEZ LE REPLAY
DE NOTRE CMAAP 7 du 15 février 2023

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L’historique salle des Frères Lumière, à l’Hôtel de l’Industrie, siège de la SEIN à Paris VIe (4, place Saint-Germain-des-Prés), a accueilli la VIIe Conférence mensuelle des Ambassadeurs Africains de Paris (CMAAP 7), le 15 février 2023. © F. Reglain

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