À Emerging Valley / Sati SAÏ, CEO de Trankyl (Togo) : « Nous visons le marché des entreprises francophones en Afrique »
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Propos recueillis par notre envoyé spécial à Aix-en-Provence,
Bruno FANUCCHI
pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse
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APP – Vous faites partie de l’importante délégation togolaise présente à la VIIe édition d’Emerging Valley, voulez-vous nous dire quelques mots en guise de présentation ?
Sati SAÏ – Ingénieur en électronique de formation, j’ai travaillé pendant dix ans dans l’industrie automobile et, en 2021, j’ai décidé de créer ma startup pour pouvoir changer les choses dans le secteur des service dans mon pays, le Togo. Cette plateforme s’appelle tout simplement « Trankyl », selon l’expression togolaise – et même africaine – bien connue quand on vous demande : comment ça va ? Les jeunes vous répondent couramment : « Tranquille ».
APP - C’est donc une startup innovante et tout à fait originale ?
Sati SAÏ – C’est en quelque sorte la première application multi-services qui répond à tous vos besoins de la vie quotidienne en vous évitant de vous déplacer et en vous faisant bénéficier de nos services. Imaginez également qu’en tant qu’entrepreneur ou petite entreprise vous avez besoin de développeurs, de graphistes, de commerciaux sans avoir la possibilité de les embaucher en interne. Notre société, Trankyl, intervient alors comme intermédiaire rapide et efficace entre ceux qui recherchent ces prestations et ceux qui peuvent y répondre immédiatement en « free lance ».
APP - Vu votre catalogue de services extrêmement large proposé sur votre application, dites-nous… qu’est-ce que Trankyl ne fait pas ?
Sati SAÏ – C’est une bonne question et pour vous répondre de la même manière : nous ne faisons pas tout ce qui serait « services illégaux », bien entendu. Plus sérieusement, nous ne sommes pas encore entièrement dans le recrutement pour les grandes entreprises, mais c’est une filière vers laquelle nous voudrions évoluer dans les prochaines années. Il y a, en effet, au Togo beaucoup de diplômés qui ne trouvent pas d’emploi sur le marché. Et comme nous signons actuellement des partenariats avec de Grandes Écoles, Trankyl veut également se positionner sur ce marché pour leur trouver du travail et placer des cadres dans les entreprises.
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« 60 % de nos 4 000 prestataires
sont des femmes »
« 60 % de nos 4 000 prestataires
sont des femmes »
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APP - Votre startup emploie aujourd’hui combien de personnes ?
Sati SAÏ – Trankyl est une « marketplace », c’est-à-dire que nous mettons en relation des prestataires et des clients, qui ne sont pas employés chez nous. En interne, notre équipe se compose de neuf personnes. Mais la particularité de Trankyl, qui offre de nombreux services, c’est qu’elle permet aussi de faire travailler bien des femmes car, à ce jour, nous avons déjà enregistré plus de 4 000 prestataires, dont 60 % sont des femmes. Elles ne travaillent pas directement pour nous, mais sont toujours disponibles pour être contactées.
APP – Mais votre application, qui semble très pratique et utile, ne fonctionne pas qu’au Togo ?
Sati SAÏ – En effet. Cette application ne fonctionne pas qu’à Lomé et dans tout le Togo, mais déjà dans plusieurs pays de la sous-région comme le Côte d’Ivoire et le Bénin, et bien au-delà, au Cameroun, en Afrique centrale et même maintenant en Hongrie, où je vie depuis quatre ans en faisant souvent des aller-retour entre Budapest et Lomé, car Trankyl veut s’étendre et s’implanter aussi en Europe.
APP – Revenons aux nombreuses femmes que vous faites travailler au coup par coup...
Sati SAÏ – Bien sûr. Il y a une grande disponibilité de femmes qui veulent travailler, mais comme la plupart d’entre elles sont des mères au foyer, c’est souvent bien difficile pour elles de trouver du travail « à temps partiel », dont le système n’est pas encore vraiment installé au Togo. Notre plateforme leur permet de proposer leurs services à distance sur la base de leurs compétences et en fonction de leur disponibilité. Ces dames créent ainsi leur propre job, en quelque sorte.
APP – Vous souhaitez aussi freiner l’exode des jeunes Africains vers l’Europe…
Sati SAÏ – Oui. Trankyl intervient aussi sur un autre point qui, pour moi, représente un vrai et utile combat : celui d’offrir du travail à ces jeunes sur place. Car la diaspora crée des entreprises qui ont besoin de main-d’œuvre et de sourcer des développeurs ou des graphistes. Il y aussi de petites entreprises françaises qui ont besoin de main-d’œuvre moins chère pour se développer. L’Afrique veut donc se positionner comme lieu de « sourcing » des compétences à distance.
Aujourd’hui, c’est l’Inde, mais demain ce sera l’Afrique et il n’y aura plus de barrière linguistique pour les entreprises francophones. Si certaines entreprises ou organisations de la francophonie ont besoin de compétences ou de déléguer certaines parties de leurs activités, nous voulons nous positionner sur ce marché là... Et contribuer ainsi à freiner l’exode des jeunes Africains vers l’Europe puisqu’ils auront du travail chez eux, même s’il est en ligne.
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« J’ai rencontré ici de grands décideurs
et espère bien pouvoir revenir en 2024 »
« J’ai rencontré ici de grands décideurs
et espère bien pouvoir revenir en 2024 »
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APP - Comment vous est venue l’idée de concevoir et de lancer cette application originale ? Quel a été le déclic pour vous lancer dans cette aventure ?
Sati SAÏ – Je vais vous confier la genèse de l’affaire. J’ai travaillé un temps en France et j’ai de nombreux cousins et connaissances au pays qui me disaient alors parfois : « Sati, envoie-moi de l’argent ». Bon, on le fait une fois, deux fois... Mais l’on se rend compte rapidement que le problème est beaucoup plus profond que cela : c’est parce que ces jeunes n’ont pas de travail au Togo qu’ils vous demandent de l’argent. Au lieu de leur donner de l’argent, j’ai voulu leur trouver une solution pérenne qui va leur permettre de générer de l’argent. Avec cette application, j’ai donc créé un outil qui peut être pour eux une source de revenus.
Je me suis rendu compte également qu’il y a aussi beaucoup de gens qui recherchent en permanence des personnes pour les aider et pour sous-traiter leurs activités. Eux aussi sont à la recherche de gens de confiance. Et Trankyl intervient pour mettre en relation ces deux mondes-là. Nous sommes là pour assurer la garantie du service bien fait et la facturation du service informel que ces personnes ne peuvent pas donner.
APP – Cette journée passée à Emerging Valley vous a été profitable ?
Sati SAÏ – Beaucoup ! Trankyl faisait partie de la délégation togolaise venue à Aix-Marseille pour présenter l’écosystème togolais et les nouvelles startups disponibles dans le pays. Participant pour la première fois à Emerging Valley, ce fut pour moi une très belle opportunité de rencontrer tout d’abord d’autres startups dans ce grand rendez-vous de la tech africaine et de voir ainsi un peu ce qui se passe dans les autres pays. J’ai grandement apprécié de pouvoir rencontrer de potentiels investisseurs, puis d’envisager d’éventuels partenariats avec d’autres structure, par exemple une en Côte d’Ivoire qui recherche des femmes entrepreneurs.
Ce fut donc une expérience utile avec des échanges fructueux et j’espère bien pouvoir revenir pour la prochaine édition en 2024. D’autant plus que j’ai rencontré ici de grands décideurs et même de grandes « décideuses », si je peux me permettre, que je n’aurais sans doute jamais rencontrées par ailleurs, comme Isabelle Bébéar, la Directrice Europe et International de Bpifrance. Certaines d’entre elles pourraient avoir un effet clé sur l’avenir de Trankyl.
APP - Un dernier mot pour conclure notre entretien ?
Sati SAÏ – Avec le nom de Trankyl, j’ai voulu imprimer concrètement ce que je veux inspirer aux utilisateurs de notre plateforme, que ce soit côté clients ou prestataires. Leur faire comprendre que, pour qu’ils soient les uns et les autres réellement « tranquilles », il faut que nous leur fournissions en échange un service de qualité, condition première de leur tranquillité. Trankyl, en quelque sorte, est là pour leur simplifier la vie.
EN SAVOIR PLUS :
https://www.trankyl.me/}
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Voir ICI LE REPLAY
de notre XIe Conférence des Ambassadeurs Africains à Paris