Retrouvez AfricaPresse.paris sur :
RSS

Outils

Samir Abdelkrim : « EMERGING Valley 2020 met à l’honneur la e-santé et les territoires résilients pour encourager le partage d’expérience sur l’axe Euro-Med-Afrique »

15 juillet 2020
Samir Abdelkrim : « EMERGING Valley 2020 met à l'honneur la e-santé et les territoires résilients pour encourager le partage d'expérience sur l'axe Euro-Med-Afrique »
Samir Abdelkrim, fondateur du Sommet Emerging Valley, partage ici son analyse de la situation difficile de la Tech africaine, en ces temps incertains provoqués par la pandémie de la Covid-19. Mais la crise a aussi mis en lumière la formidable capacité de résilience et de créativité d’un Continent au « destin numérique partagé » avec l’Europe.

.

Propos recueillis par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica

.

AfricaPresse.Paris – Le prochain Sommet EMERGNG Valley se tiendra les 7 et 8 décembre prochains à Aix-Marseille… Voulez-vous évoquer d’abord la genèse de votre initiative, qui a conduit à créer ce rendez-vous annuel devenu incontournable pour la Tech des Deux Rives ?

Samir Abdelkrim – Dès 2013 et pendant près de cinq ans, j’ai sillonné l’Afrique en chroniquant sur l’innovation et les écosystèmes numériques, à travers plus de vingt-cinq pays africains et grâce à #TECHAfrique, une initiative collaborative financée par le crowdfunding. De ce travail de terrain inédit, j’ai souhaité créer deux projets d’envergure. Le premier est mon ouvrage paru en 2018, le premier jamais écrit sur les startups africaines : “Startup Lions, Au Cœur de l’African Tech”, un livre-reportage sur les entreprises du digital en Afrique.

Mais en plus de cet ouvrage, j’ai souhaité créer un événement porteur de sens à Marseille – ma ville d’origine – en fondant EMERGING Valley. Cela afin de faire émerger des innovations croisées entre l’Afrique, la Méditerranée et l’Europe, et de transformer la façon dont l’Afrique est perçue en l’inscrivant dans un destin partagé avec la Méditerranée et l’Europe à travers le prisme de la Tech4Good. Marseille s’impose naturellement dans ce rôle de hub d’innovation entre les deux rives de la Méditerranée : de par son ADN si particulier et au travers de siècles d’Histoire et d’échanges, elle est LE carrefour de rencontre pour les entrepreneurs de nos deux continents.

Dans votre livre « Startup Lions, Au Cœur de l’African Tech », vous donnez de nombreux exemples du « leap frog » numérique qui a été opéré en Afrique. Pouvez-vous nous citer quelques cas de solutions digitales innovantes conçues en Afrique ? Quels usages et quels segments de marché ciblent-elles ? Quels sont les pays les plus avancés ?

Samir Abdelkrim – Ce « leap frog » a été permis par l’irruption fracassante d’Internet, et avec lui, dans le quotidien des Africains, l’accès libre de tous à la connaissance et au monde extérieur. Aujourd’hui, avec un premier recul sur les apports de la génération startup, on s’aperçoit que le terreau d’innovation commun est largement social, porté par des entrepreneurs engagés vers une économie inclusive et durable : Edutech, HealthTech, GreenTech… Les segments de marchés choisis par ces jeunes pousses généralisent l’accès à l’éducation, à la santé ou contribuent à trouver de nouveaux moyens de combattre le changement climatique.

Quatre pays sont leaders en la matière avec le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du Sud qui comptent le plus grand nombre de startups à succès et attirent ainsi les plus gros volumes de levées de fonds, depuis peu rejoints par l’Égypte, en pleine affirmation sur la Tech-scène africaine, selon les chiffres du rapport Partech Africa 2020.

Des secteurs se démarquent depuis maintenant quelques années, et celui de la Fintech, en tête, offre des solutions de paiements innovantes aux populations africaines pour toujours plus d’inclusion financière, sur un Continent qui enregistre pourtant les taux de bancarisation parmi les plus bas de la planète. On estime ainsi que 80 % des ménages sont exclus des circuits bancaires traditionnels dans la zone UEMOA, selon la Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest.

Pour vous citer quelques exemples, il y a tout d’abord la solution pionnière du kenyan Mpesa, qui permet à tout détenteur de téléphone mobile de payer ses factures, son litre de lait ou son trajet en bus sans compte bancaire, et aussi simplement qu’avec un sms. L’agriculture n’est pas en reste, avec de nombreuses startups engagées sur le conseil par sms aux agriculteurs, pour les conseiller sur le calendrier de semences en fonction de la météo, ou sur la quantité et la nature des intrants à utiliser, pour toujours plus de sécurité alimentaire et d’autonomie des petits producteurs. La santé – et on a pris conscience de l’importance cruciale des startups d’e-santé avec la pandémie de la Covid – recourt également à ce type de conseil par sms, avec notamment la startup camerounaise Gifted Moms, qui permet aux femmes enceintes de suivre les précautions validées par l’OMS, contribuant ainsi à réduire la mortalité infantile et maternelle.

Ambiance studieuse…

.

Comment Afrique et Europe peuvent-elles s’apporter mutuellement en termes d’innovation ? Quels sont leurs atouts, comment les écosystèmes de ces deux continents peuvent-ils être complémentaires ?

Samir Abdelkrim – Europe, Méditerranée et Afrique ont tout à gagner à associer leurs quelque 2 milliards de consommateurs : l’enjeu actuel, on le voit, est de promouvoir un modèle social divergeant, qui veille à la protection des citoyens face aux crises et à un destin numérique partagé, tourné vers le bien commun.

Cet objectif a d’ailleurs été clairement défini par l’Union européenne, qui s’engage activement au profit des startups africaines, méditerranéennes et européennes au travers de l’Africa-Europe Innovation Partnership, une initiative dont j’ai l’honneur d’être conseiller et membre du Board. La Commissaire européenne Mariya Gabriel nous a d’ailleurs fait le grand honneur d’inaugurer l’édition 2019 d’EMERGING Valley tandis que dans son premier discours de Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen confirmait déjà cet engagement par ces mots : « L’Europe de 2050 sera une puissance de premier plan dans le numérique. Elle restera l’économie qui réussit le mieux à assurer l’équilibre entre le marché et le social. »

Face aux modèles concurrents qui entraînent évasion fiscale pour les GAFA, précarité avec la généralisation de la GIG Economy, ou exploitation des données de milliards de citoyens à travers le monde, les enjeux politiques sont gigantesques. Nous devons avancer en coalition, et l’Afrique peut être le futur partenaire fort pour l’Europe.

… et conviviale à EMERGING Valley 2019. © DR

.

Les grandes difficultés économiques provoquées par la pandémie de la Covid-19 ne risquent-elles pas de stopper net l’élan de la Tech africaine amorcé ces dernières années ?

Samir Abdelkrim – À la veille de la pandémie, le constat était effectivement celui d’une accélération fulgurante du dynamisme et de l’intérêt suscité par la Tech africaine qui était en passe de devenir un terrain prisé des investisseurs, qu’ils soient Venture Capitalists ou Corporate. Les startups du Continent avaient levé le montant record de 2 milliards $ en 2019, pulvérisant déjà le record historique à 1,16 milliard de 2018.

Puis naturellement tout cela s’est fracassé sur l’écueil de la Covid-19, qui est venue totalement rebattre les cartes en termes de priorités économiques et sociales : à n’en pas douter, les investissements vont manquer pour les jeunes pousses africaines dans les prochaines années, et ce alors même que nous n’avons pas encore de recul suffisant sur cette crise pour en analyser toutes les conséquences.

L’économie internationale et les échanges, dont l’Afrique est si dépendante, sont en train de s’affaiblir considérablement et la société civile africaine est très fortement impactée par cette pandémie, avec un impact sanitaire et social très fort. Il est toujours très difficile de mettre en place des confinements dans ces sociétés où le travail informel est à la base de l’économie : il y a moins d’argent dans le système et on peut s’attendre à ce que beaucoup de gens perdent leur travail. L’impact est donc réel, et les écosystèmes Tech ne sont pas isolés du reste de l’économie, bien au contraire : leurs startups dépendent souvent des carnets de commande des PME, qui sont en première ligne face au risque de casse sociale.

Concernant la Tech plus spécifiquement, il y a également un aspect macro-économique très important qui conditionne l’appétit des différents investisseurs, et qui risque de très fortement affaiblir la capacité à lever des fonds des startups africaines. On observe déjà le report de certaines IPO, comme celle de la Fintech nigériane Interswitch, et, selon le Fonds Greentec, les fonds levés par les startups africaines en 2020 devraient chuter à 1,2 ou 1,8 milliard $.

Justement, comment a réagi le monde des startup africaines, des incubateurs et des investisseurs, face à la Covid ?

Samir Abdelkrim – C’est le côté extrêmement positif de la crise : une nouvelle confirmation des incroyables capacités de résilience et de créativité de la Tech africaine, qui a démontré un réel pouvoir transformatif sur les sociétés. Avec l’apparition des premiers cas de la Covid-19 sur le continent, on a ainsi assisté à un formidable élan de mobilisation des communautés Tech et en premier lieu des “Makers“, qui sont venus en aide au pied levé aux personnels soignants et autre combattants du front sanitaire pour les équiper en gel, masques et respirateurs fabriqués dans leur FabLab et autres PrintFarm. Les premiers bénéficiaires en sont les gouvernements et les services de santé.

Au-delà des Makers, une multitude d’applications mobiles sont également venues en aide aux diverses problématiques sanitaires et logistiques apparues avec la crise. Plusieurs startups africaines se sont mises à recenser les lits d’hôpital disponibles pour accueillir les patients Covid positif, ainsi que les équipements spécifiques Covid disponibles dans les centres de santé. Les applications d’e-santé n’ont pas été en reste, qui ont été très nombreuses à développer des modules spécial Covid-19 pour rassurer, informer et protéger leurs usagers.

Ce qui va évoluer dans les prochaines années, c’est bien ce nouvel impératif de résilience. La pandémie internationale et ses effets économiques et sociaux en cascade ont démontré que nos sociétés doivent impérativement se responsabiliser face aux enjeux environnementaux et d’inclusion sociale. Nous devons développer rapidement des capacités de résistance et d’innovation sociétale, et pour cela, nous avons plus que jamais besoin d’entrepreneurs sociaux novateurs. Et c’est bien penser le « Monde d’après » qui va animer les nouvelles générations d’entrepreneurs sur le Continent, tout comme celles qui ont été frappées de plein fouet par la crise.

Pour en venir plus précisément à la prochaine édition d’EMERGING Valley, les 7 et 8 décembre, pouvez-vous en décrire les grandes lignes : quelles seront vos priorités, et quels seront les temps forts du programme ?

Samir Abdelkrim – Nous cherchons toujours à coller au plus près des enjeux d’actualité et surtout des préoccupations des entrepreneurs africains. C’est pourquoi en 2020, EMERGING Valley « entre en résilience » et choisit de mettre à l’honneur la résistance des écosystèmes Tech face à la Covid, avec des thématiques fortes telles que la e-santé et les territoires résilients, pour encourager le partage d’expérience et l’inspiration sur l’axe Euro-Med-Afrique.

Une autre thématique à l’honneur sur le sommet est la biodiversité 2.0, conçue comme un tremplin pour la co-création et le plaidoyer en amont du One Planet Summit et du Congrès Mondial de la Nature, qui se tiendra à Marseille 30 jours à peine après EMERGING Valley !

Enfin, nous sommes labellisés Saison Africa2020 : la Saison des cultures africaines, dont EMERGING Valley constitue l’événement inaugural sur la dimension startup, tech et innovation, pour une plongée futuriste au cœur des industries culturelles et créatives africaines.

Autre temps fort pour cette Édition 2020, j’ai le plaisir de vous informer qu’à partir de cette année, EMERGING Valley devient officiellement co-producteur du Social & Inclusive Business Camp ! Un programme d’accélération de startups à forte valeur ajoutée sociale et humaine piloté par l’Agence française de Développement. Cette année, ces 60 scale-up africaines seront accélérées sur les thèmes « Résilience & e-Santé », en partenariat avec un Consortium d’experts du secteur emmené par le prestigieux fonds d’impact, Investisseurs & Partenaires fondé par Jean-Michel Severino. Vous les retrouverez sur le Sommet aux côtés de leurs mentors : un puissant réseau d’Alumnis de 200 leaders à impact en Afrique, aux côtés des success stories du Continent.

Nous concevons EMERGING Valley 2020 comme l’ultime rendez-vous Tech et business d’une année extrêmement particulière et difficile pour nos entrepreneurs. Le sommet ne manquera pas d’être cette année, plus que jamais, le pré-accélérateur de la Tech 4 Good : à la croisée des continents pour toujours plus de coopération, de partenariats et de business entre startups, investisseurs, grands comptes et institutionnels.

Qu’a permis concrètement d’impulser ce rendez-vous annuel depuis la première édition ? Quelle typologie d’acteurs ciblez-vous avec ce sommet ?

Samir Abdelkrim – EMERGING Valley a été fondé en 2017 autour d’une double ambition : créer des ponts entre les différents écosystèmes d’innovation africains et européens, et faire du territoire Aix-Marseille le carrefour naturel de la Tech émergente et des entrepreneurs des deux rives de la Méditerranée.

Chaque année depuis maintenant qutre ans, EMERGING Valley bénéficie ainsi de parrainages décisifs, démontrant l’engagement et l’adhésion croissante des plus haut niveaux de décision pour l’essor de la Tech africaine, avec le haut-patronage du Président de la République Emmanuel Macron dès 2018, suivis de partenariats avec la Commission Européenne et l’Agence française de Développement en 2019.

De nombreux acteurs du financement, de l’accompagnement et de l’entrepreneuriat en Afrique font également le choix d’EMERGING Valley pour leurs annonces en matière d’innovation et pour développer des coopérations, parmi lesquels Teranga Capital, Afric’Innov, Digital Africa, le CcHub, Andela, Greentech Capital ou encore la GIZ et l’AFD.

Notre Sommet est ainsi devenu le rendez-vous annuel des acteurs les plus influents de l’industrie : ministres, startups, investisseurs, corporates, sociétés civiles, personnalités publiques et grands bailleurs internationaux... Plus de trois cents startups à impact, 20 délégations pays, 100 investisseurs engagés et 100 Tech hubs de référence sont ainsi venus depuis 2017 à EMERGING Valley pour devenir des acteurs identifiés de la Tech 4 Good, s’inspirer des entrepreneurs à impact et développer leur business sur l’axe Afrique-Europe. Nous comptons bien réitérer cette performance, de manière toujours plus ambitieuse, en 2020 !

……

LIEN UTILE

Site EMERGING Valley 2020 :
https://www.emergingvalley.co/

◊ ◊ ◊

SUR LE MÊME SUJET :

– Samir Abdelkrim (Emerging Valley) : « Il doit émerger une communauté de destin numérique entre l’Europe et l’Afrique » 23 juin 2020

– EMERGING VALLEY #EV2019
(Dossier, 6 articles, 5 décembre 2019)

– « Startup Lions », le livre-odyssée de Samir Abdelkrim, un témoignage fort du foisonnement de la tech africaine 8 juin 2018

– Se procurer le livre « Startup Lions - Au cœur de l’African Tech » : http://www.startuplions.com/

◊ ◊ ◊

.

>>> CLIQUEZ ICI et INSCRIVEZ-VOUS
pour recevoir gratuitement notre INFOLETTRE


◊ ◊ ◊

.

DÉCONFINEMENT EN FRANCE : RESTEZ VIGILANTS !
(Site d’information du gouvernement)

.

◊ ◊ ◊
Articles récents recommandés