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Rémy Rioux, DG de l’AFD, devant les Académiciens ultramarins : « Paris pourrait devenir un laboratoire, une plateforme de solutions pour le développement durable »

11 juillet 2024
Rémy Rioux, DG de l'AFD, devant les Académiciens ultramarins : « Paris pourrait devenir un laboratoire, une plateforme de solutions pour le développement durable »
Rémy RIOUX, Directeur général de l’Agence française de développement (AFD) et Académicien Asom, lors de sa conférence du 20 juin 2024 à la salle des Séances de l’Académie des Sciences d’Outre-mer, à Paris. © AM/APP
Lui-même membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer (Asom, Paris), Rémy Rioux, DG de l’AFD, y a donné le 20 juin une conférence sur « Le rôle des Banques Publiques de Développement », en particulier de l’AFD, dont on relèvera l’engagement fort en faveur des ODD et son rôle pionnier et fédérateur afin de dynamiser une « Finance en commun » mondiale.

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par Alfred MIGNOT pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse

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C’est par un rapide rappel historique que le Directeur général du groupe Agence française de développement (AFD) a commencé son exposé devant l’honorable assistance de ses pairs, membres de l’Académie des Sciences d’Outre-mer (Asom).

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Le Groupe AFD
et la Caisse des Dépôts

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Créée en 1941 sous le nom de Caisse centrale de la France Libre, l’AFD est la banque publique internationale de la France, et la plus ancienne institution de ce type au monde, fondée trois ans avant la Banque mondiale elle-même. En 2022, elle est devenue un groupe rassemblant trois entités : l’Agence proprement dite, maison mère qui finance les acteurs non lucratifs du secteur public, (États, collectivités locales, entreprises publiques) et de la société civile ; Proparco, sa filiale dédiée au secteur privé des pays en développement ; et Expertise France, acteur interministériel de la coopération technique et d’expertise internationale. L’ensemble permet de disposer de tous les instruments utiles pour répondre aux demandes des pays partenaires de la France. Un peu comme si la Banque mondiale, la SFI et le PNUD/UNOPS – ou la KfW, la DEG et la GiZ en Allemagne – venaient à se rassembler dans un même groupe.

Depuis quelques années, sous l’impulsion initiale du Président François Hollande, le Groupe AFD s’est aussi beaucoup rapproché de la Caisse des Dépôts, une des plus grandes banques publiques du monde, là où s’est accumulée depuis 1816 l’expérience du développement de la France, afin de « rendre la Caisse des dépôts plus internationale et l’AFD plus nationale. Nous ne sommes pas allés jusqu’au bout d’un rapprochement institutionnel, mais le sens stratégique de ce mouvement demeure. D’ailleurs, au mois de mai dernier, nous avons renouvelé le pacte stratégique entre nos deux institutions », indique Rémy Rioux. Un partenariat mû par une mission commune : proposer des solutions de financement et d’accompagnement technique pour réaliser les transitions écologiques et sociales dans tous les territoires.

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L’engagement majeur
pour les ODD

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L’accord de Paris sur le climat, en 2015, s’est révélé un puissant stimulateur, faisant grimper les engagements annuels de l’AFD jusqu’à 14 milliards d’euros, pour se stabiliser à 13,5 Mds € en 2023, tandis que les décaissements ont également progressé – « c’est cela qui compte, c’est cela qui change la réalité et qui est la clé de notre performance, en soutenant actuellement plus de mille nouveaux projets par an » relève Rémy Rioux.

« Deux ans avant l’échéance, nous avons dépassé en 2023 l’objectif que nous nous étions fixés d’allouer un milliard d’euros de financement annuel pour la nature », indique le DG de l’AFD « avec la conviction que la préservation de la biodiversité et du climat sont les deux faces d’une même pièce. » La lutte contre le changement climatique est devenue l’un des axes majeurs des engagements de l’AFD, tout comme l’égalité entre les femmes et les hommes, avec la santé et l’éducation, l’eau et l’assainissement, etc. L’ensemble des 17 Objectifs de développement durable définis en 2015 par les Nations unies, en somme.

Une diversité d’enjeux mais aussi une diversité de partenaires, voici un autre grand marqueur de l’action du groupe AFD, puisque plus de la moitié de ses engagements se font désormais avec des acteurs non-gouvernementaux.

Cette diversification est aussi géographique : le département Orients, qui s’étend du Proche-Orient jusqu’à la mer de Chine, pèse maintenant 30 % de l’activité de l’agence ; en Amérique latine, où s’exprime une forte demande de France et d’Europe, et où l’AFD est devenue le premier bailleur bilatéral ; un département des Trois océans a été créé, rassemblant tous les territoires ultramarins français où, « historiquement, nous sommes un peu la Caisse des dépôts de l’outre-mer » dit Rémy Rioux, avec les États insulaires voisins. Revenant d’un voyage à Maurice, à La Réunion et à Madagascar, et se référant aux difficultés que rencontre Mayotte, le directeur général n’a pas caché son inquiétude quant à l’avenir de la région, estimant que « cela va être plus difficile encore, il faut s’en préoccuper maintenant et miser sur la coopération régionale » ; en Europe même, où l’action de l’AFD a été étendue à douze pays membres de la Communauté politique européenne mais non-membres de l’UE et, début juin, deux accords signés pour intervenir en Ukraine avec à la clé 450 millions d’euros de prêts et de dons avec des acteurs non gouvernementaux ; enfin, « l’Afrique reste notre priorité, avec près 40 % de l’activité du Groupe », précise son DG.

D’ailleurs, le gouvernement français a fixé lors du dernier Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) un cap clair : 50 % de ses ressources doivent aller aux pays les plus vulnérables.

« Avec près 40 % de l’activité du Groupe, l’Afrique reste notre priorité », précise Rémy Rioux. Photo © AM/APP

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« Une machine à faire
des amis à la France »

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« La maison AFD est solide » affirme encore Rémy Rioux, avançant notamment la reconnaissance internationale constante dont bénéficie l’agence, récemment distinguée par le prix de la Best Agency Fundraising pour les émissions obligataires vertes qu’elle émet, « 50% de nos émissions sont durables ».

« En agissant pour le développement, du côté des autres, nous sommes une machine à faire des amis à la France », poursuit Rémy Rioux qui cite notamment son récent voyage au Maroc « pour contribuer à renforcer et renouveler nos liens ».

Une part importante des opérations financées par l’AFD implique de l’expertise française. Trois quarts de projets soutenus impliquent un acteur français, et un marché international sur deux financé par l’AFD est gagné par une entreprise française, après mise en concurrence, tandis que beaucoup sont gagnés par des entreprises locales du pays concerné par le projet. Au final, 70% des Français se déclarent favorables à l’action de développement de leur pays, selon un récent sondage « Je pense que les gens ont compris qu’on était à la fois évidemment du côté de nos partenaires, mais que notre action va aussi dans l’intérêt de la France », commente Rémy Rioux.

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14 milliards d’euros,
une goutte d’eau…

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Reste que les 14 Md € de l’AFD représentent « une goutte d’eau au regard de ce qui est nécessaire pour financer partout le développement durable », et c’est pourquoi Rémy Rioux s’est impliqué depuis 2019 pour mobiliser l’ensemble des banques publiques européennes de développement finançant le secteur public – c’est la plateforme JEFIC – ainsi que les banques spécialisées dans le financement du secteur privé à l’étranger, comme Proparco et ses quinze pairs, sans oublier le réseau des praticiens présidé cette année par Expertise France avec les 25 agences de coopération technique existant en Europe. Autant de capacités orientées par les institutions européennes, la Commission, la BEI et la BERD.

L’AFD travaille également avec de nombreuses institutions internationales, à commencer par la Banque Mondiale, dont elle est devenue le premier partenaire au monde.

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Financer le développement durable :
un avant et un après 2015

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Selon le DG de l’AFD, « avant 2015, on voyait le monde en une seule dimension, celle de l’indice de développement humain. En 2015, on a ajouté une deuxième dimension à notre regard sur le monde, celle de l’environnement, mesurée par de la consommation de CO2 par habitant ». Dès lors, on réalise que si l’on se réfère aux objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat, « il y a 20 000 milliards de dollars par an d’investissements privés qu’il faut absolument réorienter et décarboner… » , dans un monde où la formation brute de capital fixe (FBCF) du Nord et du Sud ont en fait la même taille – autour de 13 milliers de milliards (trillions) de dollars d’investissements chaque année –. Dans ce cadre, la capacité d’investissement des banques publiques est de 2 500 milliards de dollars par an, soit 15 % du total.

« La question, argumente Rémy Rioux, c’est comment cette ressource si précieuse – l’investissement public – peut avoir un effet d’entraînement sur l’ensemble du système et contribuer à le décarboner et à l’orienter vers là où sont les injustices, là où sont les besoins les plus pressants. »

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Mobiliser toutes les banques
publiques du monde

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Pour affronter ce monde bouleversé par le changement climatique et les inégalités, l’idée de Rémy Rioux est de fédérer au sein du mouvement « Finance en Commun (FiCS) » les 533 banques publiques identifiées dans le monde « afin de financer ce que personne ne finance – les pays les plus pauvres et les plus impactés par le changement climatique – et de mobiliser plus de financements privés pour les biens communs ». Avec comme objectif d’aligner l’ensemble de la finance sur les Objectifs de développement durable, notamment en faisant évoluer le mandat des banques publiques pour leur conférer le droit d’utiliser une partie de la ressource publique pour inciter le système financier privé à faire des investissements verts et durables plutôt que des investissements bruns « qui nous tuent, qui sont en train de détruire notre environnement et nos sociétés ».

C’est précisément avec cette idée d’accélérer l’alignement avec l’Agenda 2030 que s’est tenu en novembre 2020 à Paris le premier sommet de « Finance en commun », sous le haut patronage du Président Emmanuel Macron et avec la participation du secrétaire général des Nations unies, António Guterres

Depuis, quatre sommets annuels se sont succédés, et si Rémy Rioux pense aujourd’hui que « 2024 sera encore une année de travail avant de prendre des décisions fondamentales », il espère des résultats en juillet 2025 en Espagne, pour le sommet du dixième anniversaire des accords de 2015 pour les ODD, le climat et le financement du développement.

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Le rôle particulier de Paris

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Rémy Rioux, qui fut l’un des négociateurs de l’Accord de 2015 sur le climat, croit à « un rôle particulier de Paris ». « Ma thèse est que l’on dispose à Paris d’un écosystème unique qui mêle à la fois de nombreux acteurs de la science du développement durable, avec toutes nos écoles – cette génération de chercheurs très brillants sur tous ces sujets – notre Académie des sciences de l’Outre-mer, l’OIF et l’Unesco dont le mandat est de faire la science et l’éducation pour le développement durable.

À cela s’ajoute un second écosystème, celui de la finance durable, avec là aussi l’une des grandes organisations de référence qu’est l’OCDE – temple de l’aide publique au développement, de la fiscalité et où la transformation du système financier peut être pensée – mais aussi avec des acteurs de finance privée durable
Nous avons l’une des places financières les plus engagées pour le climat et le développement durable, ainsi que la présence de la Banque mondiale et du FMI qui vient d’installer 300 personnes à Paris. Je n’oublie pas la Chambre de commerce internationale qui est une organisation d’envergure mondiale dans l’agenda du développement durable.

Trois Académiciens côte-à-côte, de gauche à droite : l’ancien ambassadeur de France Daniel Jouanneau ; Rémy Rioux, DG de l’AFD ; le professeur Dominique Barjot, Secrétaire perpétuel de l’Asom. Photo © AM/APP

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Et c’est à Paris, aussi, que s’est tenu en juin 2023, à l’initiative du Président Emmanuel Macron, le sommet Pour un nouveau Pacte financier mondial, [qui a rassemblé 120 délégations d’États et d’organisations internationales, dont 40 chefs d’État et de gouvernement, afin de répondre au double défi de l’élimination de la pauvreté et de la préservation de la planète, ndlr].

« Je crois que Paris pourrait devenir un laboratoire, une plateforme de solutions pour le développement durable, au service de la gouvernance internationale et pour un monde en commun. Si on arrive précisément à mêler la science et la finance qui sont les deux ingrédients dont on a besoin pour que ces innovations adviennent. (…) Nous avons commencé le travail avec toutes les organisations internationales présentes à Paris. Il faut maintenant aller chercher, inclure coordonner, structurer les acteurs parisiens » dans une même perspective.

Est-ce réaliste ? est-ce possible ? Rémy Rioux évoque ici son sentiment de « dissonance cognitive » tant il a parfois l’impression que les coopérations qu’il observe au quotidien ne sont pas ce qui ressort dans les informations. Si les tensions géopolitiques sont de plus en plus fortes dans le monde actuel, le DG de l’AFD rappelle que « toutes les institutions internationales sont nées pendant la guerre froide, ou à l’issue des guerres mondiales. Donc quand je lis le journal ou j’écoute la télévision, la radio, je ne peux me résoudre à croire qu’il n’y a que les tensions, la fracturation.
Au contraire, je suis même prêt à penser que, mécaniquement, quand il y a augmentation des tensions, de la fragmentation – ce qui est à l’évidence en train de se passer – les institutions de développement se regroupent et génèrent un surcroît de coopération. Peut-être sommes-nous en train d’entrer dans une ère de hautes eaux simultanées, à la fois de tensions géopolitiques et de coopération. Parce que ceux qui s’opposent à la fragmentation du monde cherchent à faire mieux, cherchent à faire plus, ensemble ! ».

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