Quelques paradigmes obsolètes du regard porté sur le monde arabe, selon le Pr Bichara Khader
Professeur à l’Université catholique de Louvain, Bichara Khader figurait parmi les intervenants de la journée de conférences dédiées à l’UPM par les Facultés Saint-Louis de Bruxelles, en coopération avec l’IPEMED, mardi 29 mars 2011. Pour le professeur, le changement des paradigmes relatifs au partenariat euromed, et au regard porté sur les pays arabes, pour être récent, n’en est pas moins flagrant…
Photo ci-dessus : Le Professeur Bichara Khader lors de la conférence dédiée à l’UPM aux Facultés Saint-Louis de Bruxelles, le 29 mars 2011. © LeJMED.fr - mars 2011
À ce jour, observe Bichara Khader en commençant son propos, on remarque très peu de textes dans la presse arabe sur l’impact des événements en cours sur les relations euroméditerranéennes. En revanche, il est clair que si « la diplomatie préfère l’ordre au mouvement », elle s’est trouvée fortement interpellée par les événements nés avec le soulèvement tunisien, et ceux qui l’ont suivi.
D’autre part, « Beaucoup d’observateurs pensaient que le monde arabe était rétif au changement. La jeunesse a démontré que cette thèse culturaliste sur le monde arabe est inappropriée. Le postulat de “l’exception arabe” a fait long feu », commente le Professeur.
Effet d’optique qui s’est également avéré faux, et que les révoltes ont mis à jour : la fameuse croissance de 5 à 7 % dont tel ou tel régime se gargarisait, et qui n’était que « de la mousse » : elle se faisait sans réel bénéfice pour les populations, était non inclusive, non redistribuée, ni régionalement ni socialement. « Nous avions affaire à un capitalisme familial et clanique de prédation, comme le démontrent les milliards amassés par Ben Ali, Moubarak et leurs affidés ».
Amplifiés par les chaînes satellitaires qui donnent la parole aux rebelles, les changements sémantiques sont un autre paramètre à prendre en considération pour mesurer les changements rapides des psychés collectives, estime Bichara Khader. Ainsi, par exemple, l’ancien intouchable-inamovible « homme sage » Moubarak est très vite devenu un ex-dictateur honni et assigné à résidence. « On appelle désormais un chat un chat », souligne le Pr Bichara Khader.
Et cette liberté de langage (de pensée ?) reconquise par certains peuples arabes – certains parlent déjà de Renaissance arabe – est aussi un paramètre que l’Europe devra prendre en considération dans l’aggiornamento des ses relations euromed.
Enfin, rebondissant sur l’intervention de Jean-Louis Guigou, Délégué général de l’IPEMED, le Pr Bichara Khader a considéré que « ce que réclame la jeunesse arabe maintenant, c’est une éducation de qualité, le développement rural, la sécurité alimentaire, et des entreprises créatrices d’emplois… normalement rémunérés ! »
© Alfred Mignot
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- Le site de l’IPEMED