Pr Mehdi Lahlou : le Maroc entre semi-réformes et vraie-fausse victoire des islamistes
Ces derniers mois, de nombreux médias français ont volontiers célébré « l’exception marocaine », car contrairement aux pays des Printemps arabes « révolutionnaires », le Royaume chérifien paraît avoir trouvé le chemin de réformes censées lui éviter l’insurrection sociale… Une optique que ne partage pas l’économiste Mehdi Lahlou, qui invite aussi à relativiser la « victoire » des islamistes aux élections législatives.
Photo ci-dessus : Le Professeur Mehdi Lahlou lors de son intervention à la conférence IPEMED-ADI, Paris, le 2 décembre 2011. © Alfred Mignot - décembre 2011
Professeur à l’Institut national de statistique et d’économie appliquée (INSEA), membre du conseil national Parti socialiste unifié (PSU) marocain, Mehdi Lahlou, était l’un des conférenciers invités de l’Institut de Prospective Economique du Monde Méditerranéen (IPEMED) et de l’Académie Diplomatique Internationale (ADI), vendredi 2 décembre 2011.
« La victoire du PJD est très relative », affirme Mehdi Lahlou. En effet, explique le professeur, si le Parti islamiste de la Justice et du Développement est arrivé en tête aux élections législatives du 25 novembre 2011, remportant 107 sièges sur 395 (contre 47 sur 325, dans la précédente législature) le taux de participation n’a atteint que 45,4 % des 12,5 millions d’inscrits [mais tout de même en progression sur les législatives 2007, où le taux fut de 37 %, ndlr], le nombre de bulletins nuls s’est élevé à 20 %, et le PJD n’a en fait recueilli que 1,4 million de voix.
Un tel résultat, estime le Pr Mehdi Lahlou, ne confère « pas une légitimité politique suffisante pour gouverner le pays avec des coudées franches. D’ailleurs, relève-t-il, on remet en place l’ancienne équipe, avec l’Istiqlal, très proche du PJD – qui n’a pas le personnel politique et économique pour diriger le pays – les socialistes “monarchistes” et les communistes… On a changé sans changer ! » s’exclame Mehdi Lahlou, qui exprime son inquiétude, car « la société arabe bouge, et plus on recule le moment du changement, plus on prend de risques ».
C’est une raison pour laquelle, souligne le Pr Mehdi Lahlou, « nos amis européens ne doivent pas se précipiter pour saluer “le changement” du Maroc ». Seconde raison, selon le professeur : la réforme constitutionnelle, actée le 1er juillet 2011 par un référendum-plébiscite avec 98 % de « oui », ne présente pas que des avancées vers une monarchie parlementaire (où le roi règne mais ne gouverne pas, selon la formule classique), puisque « le Roi préside toujours le Conseil des ministres, l’Autorité de la justice et le Conseil de Sécurité… Nous sommes en train de faire du sur-place » regrette encore le Pr Mehdi Lahlou.