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Pr A. MEBTOUL : La PM Élisabeth BORNE à Alger pour dynamiser la coopération France-Algérie, « en priorité sur les secteurs d’avenir »

8 octobre 2022
Pr A. MEBTOUL : La PM Élisabeth BORNE à Alger pour dynamiser la coopération France-Algérie, « en priorité sur les secteurs d'avenir »
La Première ministre française accompagnée de 16 ministres effectuera une visite en Algérie les 09 et 10 octobre 2022 pour co-présider avec son homologue algérien la Ve session du comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN), une réunion qui rassemble les gouvernements algérien et français. Une première depuis 2017.

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Un contribution du Professeur Abderrahmane MEBTOUL
Docteur en sciences économiques, Expert international (Oran, Algérie)
pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse

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Cela rentre dans le prolongement de la signature de la Déclaration d’Alger, signée par le président algérien et le président français, le 27 août 2022, pour un partenariat renouvelé.

Cette visite selon nos informations abordera surtout la coopération économique et le volet socioculturel, puisque le dossier mémorial auquel tient l’Algérie est étudié à un niveau plus élevé entre les dirigeants des deux pays .
L’Algérie et la France ont décidé de créer une commission conjointe d’historiens français et algériens « chargée de travailler sur l’ensemble de leurs archives de la période coloniale et de la guerre d’indépendance sur une base scientifique qui verra l’ouverture et la restitution des archives, des biens et des restes mortuaires des résistants algériens, ainsi que celles des essais nucléaires et des disparus, dans le respect de toutes les mémoires.

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Forte dégradation du solde commercial
de la France avec l’Algérie

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1 - Les échanges entre l’Algérie et la France sont en nette diminution et donc loin des potentialités. En 2020, la France était le 2e client de l’Algérie (13 % du total), derrière l’Italie (15 %) et devant l’Espagne (10 %), tandis que la Chine était le 1er fournisseur de l’Algérie (avec une part de marché de 17 %), suivie par la France (10 %) et l’Italie (7 %).
Pour le premier trimestre 2022, selon le trésor français dans sa note numéro 108 de mai-juin 2022, les échanges commerciaux algéro-français ont progressé de 17 %, à 2,1 milliards d’euros.

Cette hausse s’explique largement par l’augmentation, en valeur, des achats français d’Algérie, portant sur 1,3 milliard d’euros, soit une hausse de 62 % par rapport au premier trimestre 2021. Selon les mêmes données, les importations françaises de biens algériens restent composées à 88 % d’hydrocarbures. La tendance résulte donc d’une hausse de 87 % (à 986 millions d’euros) des importations françaises d’hydrocarbures algériens, principalement portée par l’effet prix.

Au premier trimestre 2022, les ventes en France de pétrole algérien progressent ainsi de 46 %, s’élevant à 507 millions d’euros, et celles de gaz naturel augmentent de 168 %, à 482 millions d’euros.
Les exportations françaises vers l’Algérie, pour leur part, ont reculé de 19 % durant le premier trimestre 2022, par rapport au premier trimestre 2021, et atteignent 807 millions d’euros.

Les principaux postes d’exportations françaises vers l’Algérie sont en recul. C’est en particulier le cas des produits agricoles (- 58 % à 87 millions d’euros), équipements mécaniques (- 26 % à 174 millions d’euros) et des matériels de transport (- 9 % à 170 millions d’euros), mais deux postes d’exportations se sont maintenus ou ont progressé durant le premier trimestre 2022 : les ventes d’autres produits chimiques (+ 64 %, à 45 millions d’euros) et de matières plastiques (+ 29 % à 31 millions d’euros).

Selon ce rapport, ce déséquilibre des échanges au premier trimestre 2022 se traduit par une dégradation du solde commercial de la France avec l’Algérie, qui passe d’un excédent de 156 millions d’euros au premier trimestre 2021, à un déficit de 519 millions d’euros au T1 2022.

2 - L’ on ne doit jamais oublier que dans la pratique des affaires, il n’y a pas de fraternité ni de sentiments. L’Algérie doit privilégier uniquement ses intérêts, comme c’est le cas de la France ou d’autres pays, car les opérateurs – qu’ils soient arabes, algériens, chinois, russes, français ou américains… – sont mûs par la logique du gain, et iront là où les contraintes sociopolitiques et socio-économiques sont mineures, leur objectif étant de réaliser le profit maximum.

L’attractivité du marché algérien découle des avantages comparatifs suivants : la proximité géographique des marchés potentiels d’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient ; la taille du marché intérieur étant estimée à plus de 45 millions de consommateurs ; des richesses naturelles importantes ; des ressources humaines ; un endettement extérieur inférieur à 6 milliards de dollars ; des réserves de change – de 44 milliards de dollars à la fin de 2021,et qui devrait dépasser largement les 50 milliards de dollars à la fin de 2022.

N’oublions pas le nombre de résidents d’origine algérienne dans le monde, recélant d’importantes potentialités intellectuelles, économiques et financières. La promotion des relations entre l’Algérie et sa communauté émigrée doit mobiliser à divers stades d’intervention l’initiative de l’ensemble des parties concernées, à savoir le gouvernement, les missions diplomatiques, les universités, les entrepreneurs et la société civile (1).

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Le suivi de la déclaration d’Alger :
priorité aux secteurs d’avenir

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3. Lors de la déclaration d’Alger, la France et l’Algérie ont convenu de renforcer leur coopération en « priorité sur les secteurs d’avenir » : le numérique, les métaux rares, la santé, l’agriculture et le tourisme.

Concernant l’énergie, il s’agira de développer la coopération dans le domaine des hydrocarbures traditionnels, Sonatrach approvisionnant la France, et dans ce cadre, lancer un programme de recherche d’innovation technologique sur la récupération et le traitement du gaz de torchage traditionnels, dans les dérivés où l’Algérie présente d’importants avantages comparatifs, comme les engrais et la pétrochimie.

L’Algérie ambitionnant de construire des mini-centrales nucléaires à des fins pacifiques, comme cela a été souligné récemment par le gouvernement, et projetant un vaste programme de développement des énergies renouvelables pour assurer horizon 2030, environ 40 % de la consommation intérieure et des interconnexions pour exporter vers l’Europe, ainsi que l’exploitation de l’hydrogène, énergie du futur, des possibilités de coopération peuvent être envisagés.

Dans le domaine médical, il s’agira également d’intensifier le développement de la recherche dans bon nombre de secteurs, comme la coopération entre l’Institut Pasteur de France et l’Institut Pasteur d’Algérie pour favoriser les mobilités de chercheurs et mettre en œuvre des programmes de recherche conjoints.

Comme cela a été prévu dans la déclaration d’Alger, devrait aussi être abordé le volet des visas (la libre circulation des personnes) afin de favoriser notamment la mise en œuvre d’affaires tenant certes des contraintes de l’immigration illégale, ainsi que la protection de notre émigration et un nouveau pacte pour la jeunesse, portant sur l’ensemble de ses dimensions et se traduisant par la mise en œuvre de projets concrets, dont la « création d’un incubateur de startups en Algérie et « l’appui à des projets d’investissement », initiés notamment par les PME, à travers le Fonds qui a été décidé lors de la visite du président français, de 100 millions d’euros pour les entrepreneurs issus de la diaspora maghrébine

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Le rôle de l’Algérie dans
la question sécuritaire

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4 - L’on ne doit pas, pour consolider les relations économiques, s’occulter le devoir de mémoire et le facteur sécuritaire, à propos duquel plusieurs rapports publiés entre 2018 et 2022, les autorités tant américaines que européennes, russes et chinoises, ont tenu à souligner qu’avec les tensions observées dans la région, l’Algérie contribue à la stabilisation de son voisinage immédiat, notamment au Sahel, et demeure un acteur clé au niveau de la région méditerranéenne et africaine.

L’instabilité de la région a un effet négatif sur toute l’Europe – dont la France – et renvoie d’ailleurs à l’urgence d’une nouvelle architecture des relations internationales fondée sur le co-développement. C’est dans ce cadre qu’ont eu lieu la rencontre entre les différents services de sécurité algériens et français, rencontre présidée par les deux chefs d’État, ainsi que la rencontre au ministère de la Défense nationale entre le chef d’état-major de l’ANP et le ministre français de la Défense, en présence de différents responsables. Des rencontres médiatisées dans la plus totale transparence où, selon l’agence de presse algérienne APS, reprenant une note du MDN, « cette visite constitue une étape charnière du processus de compréhension mutuelle entre les deux parties, insufflée par la volonté politique des Présidents des deux pays ».

Comme l’Algérie est un acteur stratégique pour l’Europe dans son approvisionnement énergétique (11 %), et peut doubler ses capacités à l’horizon 2025-2027 sous réserve à la fois d’un afflux important des IDE et d’un changement du modèle de consommation énergétique en Algérie, du fait de la forte consommation intérieure renvoyant au développement des énergies renouvelables et d’ une nouvelle politique des subventions de l’énergie.

Espérons donc que cette visite permettra de promouvoir la sécurité et le développement pour faire du bassin méditerranéen un lac de paix et de prospérité, cette mer qui, depuis trois mille ans, a vu la naissance de grandes civilisations, religions, cultures et traditions. Aujourd’hui, le monde subit une profonde reconfiguration géostratégique avec les derniers événements couplés au réchauffement climatique où rien ne sera plus jamais comme avant.

Comme je l’ai fortement souligné lors du sommet de la société civile, qui est au centre de la coopération euro-méditerranéenne et euro-africaine, tenu à Marseille le 24 juin 2019 – où j’ai présidé la délégation algérienne et donné une conférence sur les enjeux géostratégiques en Méditerranée en présence du président Emmanuel Macron, en tant que président de la commission transition énergétique des 5+5+Allemagne, qui a réuni les ministres des Affaires étrangères, dont l’Algérie, le FMI, la Banque mondiale et les représentants de la Commission européenne –, il s’agit de préparer l’avenir par le respect mutuel afin de contribuer à la stabilité régionale et au codéveloppement.

C’est que l’ère des confrontations n’a eu cours que parce que les extrémismes ont prévalu dans un environnement fait de suspicion et d’exclusion. Connaître l’autre, c’est aller vers lui, c’est le comprendre, mieux le connaître et non lui imposer un schéma social contraire à ses valeurs.

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1 - Voir Pr A. Mebtoul, dans le prolongement de sa conférence devant le parlement européen à Bruxelles, « Les axes de la coopération Europe/Maghreb », IFRI, décembre 2011, et conférence sur ce même thème en juin 2021, à l’invitation de la commission européenne, à Alger.

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CMAAP 6, le 9 novembre : « AFRIQUE-EUROPE : quelles avancées vers une coopération économique plus forte ? » INSCRIPTIONS OUVERTES

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Voyez ici le REPLAY de notre CMAAP 5, du 6 octobre 2022 :

« LA FRANCOPHONIE ÉCONOMIQUE
PEUT-ELLE SE RELANCER EN AFRIQUE ? »

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