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Ph. de Fontaine Vive, VP de la BEI : « L’Europe doit aborder l’émergence de façon bien plus positive »

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 15 juillet 2011 | src.LeJMED.fr
Ph. de Fontaine Vive, VP de la BEI : « L'Europe doit aborder l'émergence de façon bien plus positive »
Aix-en-Provence -

Orateur invité à la conférence dédiée aux pays émergents, samedi 9 juillet 2011, dans le cadre des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, organisées par le Cercle des Économistes, Philippe de Fontaine Vive, VP de la BEI et « patron » de la FEMIP s’est exprimé en particulier sur les relations économiques entre l’Union européenne et les pays voisins méditerranéens émergents, Égypte, Maroc et Tunisie. L’occasion de dresser un constat mitigé…

Photo ci-dessus : Philippe de Fontaine Vive, VP de la BEI et "patron" de la FEMIP, durant son intervention aux Rencontres économiques d’Aix en Provence 2011. © Alfred Mignot - juillet 2011


Une vue du public, durant la conférence dans l’amphi Bruno Etienne de l’IEP d’Aix-en-Provence © Alfred Mignot - juillet 2011

Depuis des années, à chaque fois qu’il en a l’occasion, Philippe de Fontaine Vive répète avec la conviction raisonnée du praticien de la finance internationale et euroméditeranéenne qu’il est – vice-Président de la BEI, mais aussi « patron » de la FEMIP, la Facilité euroméditerranéenne d’investissement et de partenariat – que « la Renaissance (économique) européenne passe par le Sud », soit notamment par les pays émergents du sud méditerranéen.

Mais, force est de constater, malheureusement, « cet apparent paradoxe : pour l’UE cette émergence n’est pas prioritaire, mais marginale », déclarait-t-il dès le début de son allocution devant l’aréopage d’éminents économistes participant aux Rencontres d’Aix-en-Provence.

Comment expliquer cela, alors que l’attractivité des pays émergents est une évidence, et qu’à ce titre il devrait se produire « un élan [européen] vers le grand large » ?


Trois raisons à la frilosité de l’Europe

Pour le VP de la BEI, trois raisons essentielles semblent expliquer la « frilosité européenne ». La première est une double question sociale, à la fois interne et extérieure à l’Europe, et « qui contraint très fortement les décideurs. »

Concernant la question sociale européenne, Philippe de Fontaine Vive considère qu’il « est clair qu’il est très difficile aujourd’hui pour un décideur de s’extraire du mouvement qui conteste le fait qu’on [l’UE] se porte plus loin. Et donc l’idée de solidarité, d’intervention à l’extérieur est en retrait dans les décisions publiques.

« La deuxième question sociale, qui fait peur, c’est le très heureux Printemps arabe, mais qui contribue à l’accroissement des incertitudes. Il suscite une réaction de peur, les responsables européens se demandant ce que nous avons manqué dans l’histoire récente de nos pays amis pour ne pas avoir vu ce qui agitait le tréfonds des sociétés arabes et qui a conduit à ce qui arrive actuellement.
Cette double question sociale, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne, explique cette frilosité. »

Deuxième explication, plus structurelle : la question financière. « Le monde a terriblement changé, estime Philippe de Fontaine Vive. Notamment pour les sources de l’épargne mondiale, avec désormais la Chine et autres pays émergents asiatiques qui financent le reste du monde.
« C’est un bouleversement pour les pays occidentaux qui étaient jusqu’ici les pourvoyeurs d’épargne et d’investissement. Aujourd’hui, en Europe, la production d’épargne à réinvestir au grand large est un modèle qui a disparu. »


La plus forte capacité d’investissement a basculé vers l’Asie

De fait, explique Philippe de Fontaine Vive, « Pour la BEI maintenant, il ne s’agit pas tant de prendre l’épargne européenne et d’aller l’investir en Asie, que de trouver en Asie l’argent pour essayer qu’il s’investisse en Europe. C’est un changement radical (1). Cela veut dire que nous sommes moins des gens qui allons financer des projets en Asie, au Brésil ou ailleurs, et plus des gens qui vendent des obligations européennes pour essayer de capter une part de l’épargne mondiale. »

Troisième explication, la situation économique actuelle. Philippe de Fontaine Vive poursuit : « Bien sûr nous regardons avec intérêt et peut-être parfois jalousie, les développements chinois, indien, brésilien, mais nous avons à nos portes le Maroc, l’Europe de l’Est, la Méditerranée, qui sont des zones de nouvelle compétitivité, pour des raisons différentes, mais qui sont totalement intégrées économiquement à l’UE et qui peuvent contribuer à sa redynamisation. Je pense à l’Est de l’Europe où il y a encore un énorme potentiel de rattrapage à exploiter, et à notre sud, à la Turquie et aux autres pays méditerranéens qui représentent vraisemblablement pour l’Europe le relais de croissance que l’Amérique latine fut pour les États-Unis.

« Mais, la dynamique européenne a besoin de retrouver confiance en elle-même pour refaire de l’émergence une évidence abordée de façon beaucoup plus positive qu’aujourd’hui. »

Aujourd’hui, en effet, même si l’on peut constater une relative mobilisation de l’Europe à la suite du Printemps arabe (la BEI, par exemple, a accru de 1 Md € sa ligne de financement aux pays de la région sur la période 2011 - 2013, pour un total de 5,8 Mds €), de nombreuses personnalités – et tout récemment Pierre Lellouche – soulignent que « la réponse de l’Europe n’est pas à la hauteur du rendez-vous historique avec la Méditerranée ».

Un constat qui paraît s’appliquer aussi à la BEI, dont les actionnaires – les 27 États membres de l’UE, représentés par leurs ministres des Finances – ont décidé à l’unanimité, lors de leur dernière assemblée générale, de n’engager que 10 % de leurs ressources au bénéfice du « grand large », et donc de consacrer l’essentiel (90 %) de leurs moyens de financement à la « grande Europe ».

Cette AG se tenait à la mi-mai 2011. Le Printemps arabe avait pourtant commencé depuis janvier. Mais, sur cette question comme sur bien d’autres, le « logiciel européen » a décidément du mal à opérer sa mise à jour…


© Alfred Mignot

◊ ◊ ◊


1 - La montée en puissance de l’Asie comme source de l’épargne mondiale est notamment apparente dans ses achats d’obligations BEI. Avant 1990, pratiquement aucune émission obligataire de la BEI n’était achetée en Asie. En 2010, 29 % des placements de la Banque ont trouvé preneur dans cette région, dont la forte demande continue au premier trimestre 2011. Les investisseurs asiatiques sont principalement les banques centrales.


- À télécharger :
la contribution de Philippe de Fontaine Vive sur les Pays émergents
(Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, Aix-en Provence, 9 juillet 2011).


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Sites de référence
 Les rencontres économiques d’Aix-en-Provence
 Site de la BEI, Banque européenne d’investissement
 Site de la FEMIP

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