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En direct du CMI à Marseille, un point d’étape sur « Médinas 2030 »

Ph. de Fontaine Vive : « La culture et le patrimoine urbain méditerranéens sont une priorité moderne »

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 10 décembre 2010 | src.LeJMED.fr
Ph. de Fontaine Vive : « La culture et le patrimoine urbain méditerranéens sont une priorité moderne »
Marseille -

Le Centre méditerranéen d’intégration (CMI) de la Villa Valmer, à Marseille, devient décidément un endroit très fréquenté : après avoir accueilli plusieurs manifestations durant la IVe Semaine économique de la Méditerranée (29 nov. - 4 déc. 2010), et notamment la conférence dédiée à la parution de l’étude du Femise pour la FEMIP – « Quelle sortie de crise pour les pays MED » – cette belle villa de style Renaissance, rehaussée encore par sa vue époustouflante sur la mer, accueillait jeudi 9 décembre 2010 une nouvelle conférence, dédiée cette fois à la présentation de l’initiative BEI-Femip, « Médinas 2030 » (1).

De gauche à droite, sur la photo ci-dessus : Anthony Bigio, spécialiste en charge du Développement durable à la Banque Mondiale ; le Professeur Mateu Turrro ; Philippe de Fontaine Vive, vice-Président de la BEI et « patron » de la FEMIP ; le Professeur Francesco Bandarin, Président du Comité scientifique de Médinas 2030, Sous- Directeur Général de l’Unesco en charge de la culture ; Mats Karlsson, Directeur du CMI ; Guy Fleuret, Économiste principal de la BEI, en charge du suivi de l’initiative "Médinas 2030". © leJmed.fr - décembre 2010


Président de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures, Conseiller de SM le Roi du Maroc Mohammed VI, André Azoulay (2e à gauche sur la photo) assistait à la conférence, après avoir participé le matin aux travaux du Comité scientifique de « Médinas 2030 », dont il est membre. © leJmed.fr - décembre 2010

Plus précisément, il s’agissait d’établir un point d’étape, à mi-chemin de cette initiative amorcée en 2008, et qui aboutira en 2012 (1). Après l’allocution de bienvenue de Mats Karlsson, Directeur du CMI, Philippe de Fontaine Vive, vice-Président de la BEI et « patron » de la FEMIP, rappela les motivations qui ont présidé à cette initiative :
« Notre démarche a deux raisons d’être. La première tient au fait que la Méditerranée est par essence un réseau de villes, de ports, de cités, de nombreuses cultures qui se sont mutuellement fertilisées et ont coexisté. C’est de cela qu’est née la Renaissance, en Europe. Ensuite – et vous me pardonnerez cette expression – la culture et le patrimoine sont aujourd’hui en Méditerranée sans doute parmi les plus beaux actifs sous-valorisés !

Les médinas sont bien sûr une composante importante de notre patrimoine méditerranéen. Mais, lorsque j’ai lancé cette initiative en faveur de leur réhabilitation, il y a deux ans à la Biennale architecturale de Venise, j’ai aussi voulu signifier que notre démarche ne relevait en rien d’une nostalgie passéiste, mais qu’elle se projetait dans l’avenir. Et c’est pour signifier cette mise en perspective d’un engagement de moyen-long terme que nous avons appelé cette initiative « Médinas 2030 ». Car la culture est une “priorité moderne“, si l’on peut dire, et notre objectif est que dans deux ans, lorsque nous ferons la conférence finale de Venise, avec un programme d’action précis, les politiques soient convaincus de cette “priorité moderne“ que sont la culture et le patrimoine méditerranéens. Et qu’ils s’engagent en leur faveur ».

Intervention de Mme Andrée Pasternak, Chargée de mission auprès du Délégué pour l’action extérieure des collectivités territoriales, au Minstère français des Affaires étrangères et européennes. © leJmed.fr - décembre 2010

Intervenant après Philippe de Fontaine Vive, le Professeur Francesco Bandarin, Président du Comité scientifique de Médinas 2030, Sous- Directeur Général de l’Unesco en charge de la culture – et Vénitien, de surcroît – releva que « culture et économie sont inclusives », elles ne s’excluent pas, l’une ne va pas sans l’autre (…) on ne peut pas vivre sans la culture (…) elle représente un investissement social pour le futur ». Évoquant la Convention Unesco sur la diversité culturelle (acquise de haute lutte, en 2005, malgré une campagne de pression effrénée des Étasuniens, dont les produits de « divertissement culturel » constituent le deuxième poste d’exportation, après les armes, ndlr), Francesco Bandarin insista sur l’égal respect dû à la culture de chaque pays. Et d’ajouter : « Si la culture était reconnue de même importance que l’économie, tout nous serait plus facile. Ou bien, il faudrait que le patrimoine entre dans la tête des gens comme c’est aujourd’hui le cas de l’environnement : un paramètre incontournable de notre vie ».

En Europe, dit encore en substance Francesco Bandarin, les villes historiques sont maintenant parvenues à une sorte d’équilibre entre la gestion du passé et celle de l’avenir. Et ces villes patrimoniales, que l’on perçoit encore souvent comme des « réserves », recèlent bien des ressources auxquelles puiser pour y trouver l’inspiration des réponses à apporter à notre questionnement de l’avenir.

En l’absence excusée du Professeur Marcello Balbo de l’Institut Universitaire d’Architecture de Venise, qui a dirigé la rédaction du livre « Médinas 2030 : Scénarios et Stratégies », paru à la mi-2010, le Professeur Mateu Turrro évoqua les acquis de cet ouvrage à la rédaction duquel il a participé : « L’initiative “Médinas” 2030 » s’avère d’autant plus pertinente qu’à la tendance déjà ancienne, au sud, à laisser se délabrer les centres historiques, s’est ajoutée ces dernières années l’arrivée importante de ruraux, ignorants des usages de la ville, et contribuant ainsi de fait au déclassement accru des anciens quartiers, où ils s’installent car les loyers y sont les moins chers ».

Une vue des panneaux de l’expo itinérante « Médinas 2030 », qui « voyage » dans tout le Bassin méditerranéen, et actuellement visible à la Villa Valmer de Marseille, siège du CMI. © leJmed.fr - décembre 2010

Aussi, le désir est venu très vite aux promoteurs de cette initiative d’abord engagée au Maroc – projet pilote en cours à Meknès – de l’élargir à d’autres pays sud-méditerranéens. À ce stade, à la mi-temps du programme d’étude, et avec la publication de l’ouvrage « Médinas 2030 » – dont on soulignera qu’il est aussi paru d’emblée en arabe, ce qui en fait la première étude en cette langue traitant de cette question –, certains principes et axes d’action s’imposent aux promoteurs : la mise en perspective d’une vision à long terme ; l’approche participative avec les habitants ; la favorisation de la mixité sociale ; le partenariat public-privé ; la recherche de l’appui des organisations internationales…

Anthony Bigio, spécialiste en charge du Développement durable à la Banque Mondiale, présenta une synthèse des enseignements issus de l’ouvrage « The Urban Rehabilitation of Medinas : The World Bank Experience in the Middle East and North Africa », la BM intervenant dans ce domaine depuis plus de trente ans.

La réhabilitation des médinas, dit Anthony Bigio, est une question qui cristallise souvent « une tension forte entre la tradition et la modernité, car, commenta-t-il, les sociétés qui se projettent vers l’avenir ont du mal à assumer le passé ». À cette difficulté s’ajoutent les problématiques foncières et juridiques, ainsi que le changement du rôle des médinas qui, pour être le cœur du patrimoine et de l’artisanat des villes anciennes, se trouvent désormais aussi à l’épicentre d’agglomérations dont la taille a parfois décuplé en quelques décennies.

Ainsi, une étude de la BM montre-t-elle que la satisfaction des besoins que suscitent les médinas varie désormais en fonction de leurs différents publics d’usagers : tandis que les résidents en attendent en priorité la prise en compte des services publics classiques – comme l’éducation et la santé – les touristes, de plus en plus nombreux, viennent y chercher la culture, la convivialité et le commerce d’artisanat.

Anthony Bigio signala aussi le risque de marginalisation accrue de certaines populations que peut entrainer une réhabilitation, car celle-ci engendre toujours « des gagnants et des perdants », raison pour laquelle, entre autres, une forte action des pouvoirs publics apparaît indispensable. Quant au financement, Anthony Bigio dressa un véritable catalogue à la Prévert de nombreux exemples déjà expérimentés, allant jusqu’à évoquer, pourquoi pas, la loterie.

Et l’expérience-pilote en cours de la médina de Meknès ? Guy Fleuret, Économiste principal de la BEI, en charge du suivi de l’initiative, précisa que l’opération se déroule en fait sur un quartier de la Médina – « nous avons opté pour la prudence et la modestie, il n’aurait pas été raisonnable d’impliquer d’emblée toute la médina » – et annonça que les résultats de l’étude en cours sont attendus pour la fin de l’année 2011.

Concluant cette rencontre, Philippe de Fontaine Vive regretta que les fortes intempéries de la semaine, en désorganisant les transports et en bloquant les aéroports, aient empêché certains participants de haut niveau de se rendre à la Villa Valmer, et particulièrement S.E. Ahmad Al-Adsani, Secrétaire Général Adjoint de l’Organisation des Villes Arabes (OVA)
des Villes arabes, avec lequel un protocole d’accord devait être signé jeudi, ainsi qu’avec l’Unesco.

Mais ce n’est que partie remise, « nous signerons lors d’une prochaine rencontre, en février, à Malaga » déclara Philippe de Fontaine Vive. Et le VP de la BEI d’ajouter, in fine, qu’il comptait aussi beaucoup sur l’engagement des autorités locales, car « pour réussir, il nous faudra aussi une coopération décentralisée forte ».

Rendez-vous est donc pris pour février, en attendant également en 2011 une nouvelle rencontre prévue à Marseille, avant le « sommet » de Venise, en 2012, où seront présentés les enseignements, les méthodologies et résultats de cette belle initiative.


Alfred Mignot
À Marseille, le 9 décembre 2010


(1) - À propos de l’initiative « Médinas 2030 »

L’initiative « Médinas 2030 » a été lancée par la BEI-Femip à la Biennale architecturale de Venise en octobre 2008 ; elle vise à renforcer les politiques publiques des pays partenaires méditerranéens en matière de réhabilitation des quartiers et centre ville anciens.
Les pays concernés sont ceux de la FEMIP, l’instrument de la BEI dédié à la mise en œuvre des objectifs du Partenariat Euro-méditerranéen : Algérie, Égypte, Gaza-Cisjordanie, Jordanie, Israël, Liban, Maroc, Syrie et Tunisie.

Concrètement, cette initiative agit aux côtés des pays partenaires pour faciliter la réhabilitation des médinas qui promeut des stratégies urbaines intégratives, condition d’un développement urbain durable et une coordination renforcée des bailleurs de fonds, compte tenu des besoins financiers et de l’insuffisance des ressources publiques.

Le Comité Scientifique de « Médinas 2030 » est présidé par le Sous Directeur Général de l’UNESCO en charge de la culture, le Pr. Bandarin. Instance directrice de « Médinas 2030 », le Comité a trois objets : valider la démarche scientifique du programme ; identifier (parmi une liste de 16 projets exemplaires dans 5 pays) les opérations de réhabilitation urbaine qui feront l’objet d’une assistance technique puis d’un financement par les bailleurs de fonds internationaux ; promouvoir la dimension culturelle de l’initiative.
Avancement et perspectives de « Médinas 2030 »

« Médinas 2030 » rassemble autour de la BEI plusieurs partenaires dont la Banque Mondiale, l’AfD (Agence française de développement), la Caisse des Dépôts et Consignations française, le PNUD, le programme « Euromed Heritage » de la Commission européenne, des réseaux de collectivités territoriales comme Medcités, l’OVA et l’AVEC (Association des villes européennes de culture) et plusieurs universités, dont la luav de Venise et l’Institut polytechnique de Barcelone. Depuis son lancement, l’initiative a délivré plusieurs réalisations concrètes :

• la conférence internationale de Marseille, en octobre 2009, a créé le consensus sur l’importance de la réhabilitation des centres anciens pour préserver l’attractivité économique des villes au sud et à l’est de la Méditerranée et démontré l’engagement des pays partenaires à renforcer leurs actions dans ce domaine ;

• la publication, mi-2010, du livre dirigé par le Pr. Marcello Balbo, de l’Université de Venise, a synthétisé les enseignements retenus des stratégies de réhabilitation urbaine patrimoniale déjà menées et tracé des scénarios d’amélioration ;

• une première étude, rendue au Comité Scientifique en décembre 2010, a permis d’identifier 16 sites exemplaires et leur potentiel de développement ; elle servira de base à l’identification de plusieurs projets pilotes dans les pays partenaires ; ces projets pourraient recevoir un soutien technique et financier par les bailleurs membres de l’Initiative « Médinas 2030 » ;

• une seconde étude, plus approfondie et opérationnelle, permettra d’identifier en 2011 les besoins et la faisabilité de montages financiers innovants. Complémentaires aux ressources publiques, ces produits financiers seront de nature à mobiliser le secteur privé autour d’utilités collectives (transports, assainissement) ou de besoins collectifs (logement). Cette étude s’appuiera sur le projet pilote de Meknès, conduit par Al Omrane et financé par la BEI ;

• la mise en place de l’assistance technique et des formations pour les projets pilotes retenus interviendra en 2011 et 2012 ; elle sera complétée par une conférence internationale à tenir fin 2011 avec le soutien de l’OVA dans un pays partenaire ;

• fin 2012, une nouvelle conférence à la Biennale architecturale de Venise clôturera l’Initiative « Médinas 2030 » en présentant les enseignement, les méthodologies et résultats de ce programme.

Depuis septembre 2009, « Médinas 2030 » est logée au sein du Centre de Marseille pour l’Intégration en Méditerranée (CMI) et constitue l’un des quatre programmes du pôle urbain du Centre.


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