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Pedro NOVO, Directeur exécutif Export à Bpifrance (2/3) : « L’articulation Europe-Afrique, c’est notre priorité, car elle est au cœur de nos enjeux de croissance ! »

9 décembre 2020
Pedro NOVO, Directeur exécutif Export à Bpifrance (2/3) : « L'articulation Europe-Afrique, c'est notre priorité, car elle est au cœur de nos enjeux de croissance ! »
Complétant la présentation des nombreux outils de financement mis à la disposition des entrepreneurs français et africains (voir volet 1/3), Pedro NOVO, Directeur de l’Export à Bpifrance, aborde ici la question stratégique de l’accompagnement des entrepreneurs, de France comme d’Afrique. Il éclaire aussi la mission déterminante des Team France Export.

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Entretien exclusif, par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica

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Dans la première partie de notre entretien, vous avez plaidé pour la mise en synergie des écosystèmes entrepreneuriaux français et africains. Mais selon certains indicateurs, notamment le baromètre Africaleads du CIAN, la France et ses entreprises ont plutôt une mauvaise image de marque aujourd’hui en Afrique. Comment changer les choses ?

Pedro NOVO – Au-delà des difficultés du moment, je crois que nous avons trois messages essentiels à délivrer à nos pairs entrepreneurs africains.
Le premier message : l’ambition nous est commune, l’ADN entrepreneurial nous rapproche. Une culture partagée, et une puissante diaspora engagée et déterminée notamment en Afrique francophone, est aussi une base pour créer ou consolider les conditions de réussites communes en management partagé.

Le deuxième : si les outils du financement ne sont pas parfaits, ils sont nombreux, nous les avons optimisés et fortifiés – c’est le point que nous avons exploré largement dans la première partie de notre entretien.

Le troisième message, c’est que nous avons dans les filières industrielles françaises d’excellence beaucoup de possibilités pour répondre aux attentes africaines et faire monter en puissance l’écosystème entrepreneurial du continent, notamment en assurant un accompagnement sur-mesure auprès des entrepreneurs.

Nous sommes en capacité de déployer une ingénierie d’appui à l’émergence ou au renforcement nécessaires de l’industrie financière africaine, ainsi qu’auprès des structures locales d’aide au développement. Par exemple, je pense ici aux banques publiques de certains États qui pourraient s’inspirer – et qui s’inspirent d’ailleurs, pour nombre d’entre eux –, de ce que nous avons fait chez Bpifrance depuis une dizaine d’années pour réunir les différents outils grâce auxquels l’entrepreneur trouve du conseil, du financement, des fonds propres, de la garantie et l’accès à un réseau social d’entrepreneurs.

Comment changer les choses ? L’ambition et la culture partagées, les outils du financement et l’accompagnement de l’entrepreneuriat que je viens d’évoquer sont les trois clés d’une réussite qui nous tend les bras, pour laquelle nous devons nous engager plus fort dans l’action, et cela d’autant plus que, quoi qu’en disent les sondages, nous sommes attendus sur le continent – c’est mon constat d’expérience.

Les entrepreneurs français ont aussi la réputation d’être trop souvent frileux vis-à-vis de l’Afrique… comment l’expliquer, et surtout comme faire évoluer cet état d’esprit ?

Pedro NOVO – Il est vrai que l’Afrique est trop rarement une priorité pour nos entreprises françaises. Pour certaines d’entre elles, il y a toujours de « bonnes raisons » de ne pas aller sur le continent africain : c’est trop risqué, il n’y a pas de visibilité, pas d’équipe, pas le temps, pas de bilan, etc. Très souvent aussi, l’export français s’est caractérisé par une démarche d’opportunité et peu pensée en stratégie – « j’y vais parce qu’un ami me propose un deal à tel endroit et donc je le suis » – avec un refus du déséquilibre avant, un risque couvert à 100 % et un paiement exigé à l’avance, par exemple.

Évidemment, ce type d’attitude n’est pas compatible avec une ambition de croissance pour son entreprise ! Il est temps à présent, dans la perspective du prochain déconfinement et probablement à la veille de très belles années de croissance qui nous attendent après la Covid, que nos entreprises expriment une volonté forte de croissance, portée par la construction d’un nouvel équilibre de la relation avec l’Afrique.

Pour nos entreprises, ce rapprochement pourrait notamment s’opérer par la relocalisation en Afrique d’une partie de leur production, jusqu’ici externalisée en Asie, par exemple ce que de nombreuses entreprises ont déjà fait notamment en Afrique du Nord. L’articulation Europe-Afrique, c’est notre priorité, je le dis clairement car elle est au cœur de nos enjeux de croissance.

En fait, ce à quoi nous nous attelons dans l’ensemble de notre démarche, c’est d’expliquer que les enjeux du développement africain et de l’investissement sur le continent sont tout à fait à la portée du bilan de nos entreprises. Nous avons aujourd’hui des dispositifs puissants en garantie, en assurance, en fonds propres, en dette pour neutraliser une large partie du risque des projets de nos entreprises sur le continent africain.

Cet ensemble de mécanismes leur apporte tellement de sécurité qu’il est presque plus risqué de « rester à la maison » que de se projeter vers l’Afrique, qui sera le continent-clé de ce siècle. Et à ce titre-là, l’Afrique ne se fait pas à moitié. On ne fait pas un peu d’Afrique, elle doit s’adresser pleinement avec discipline, patience et détermination, sinon il ne faut pas y aller. Il faut aimer l’Afrique et les Africains pour y déployer avec réussite son entreprise.

Vous me faites penser au plaidoyer que porte Elisabeth Guigou, avec Jean-Claude Juncker via la fondation La Verticale, qui promeut aussi le partage des chaînes de valeur entre les deux continents, la relocalisation régionalisée entre l’Europe et l’Afrique… Mais comment peut-on, concrètement, déployer des actions volontaristes pour cette co-construction ?

Pedro NOVO – D’abord en créant des événements comme Ambition Africa, comme BIG – Bpifrance Inno Génération – que nous avons organisé en octobre à l’Accor Arena Bercy, et où le président Uhuru Kenyatta, en participant à une intervention publique avec Emmanuel Macron, a témoigné de l’intérêt qu’un pays africain anglophone comme le Kenya porte à cette ambition que nous souhaitons partager avec le continent. Une ambition entrepreneuriale, de développement et d’industrialisation renforcée.

Un autre volet de notre action de plaidoyer est une sensibilisation renforcée de nos entreprises au travers de manifestations à structurer. Tout cela est extrêmement collectif : rendre l’Afrique accessible et déjà réelle, donner à voir et à entendre à nos entrepreneurs que certains de leurs pairs, déjà présents en Afrique, y ont réussi et en tirent une croissance vertueuse, inclusive, enrichissante pour l’entreprise.

Car on pourra s’évertuer à expliquer que l’Afrique est formidable si ce n’est pas un entrepreneur qui le dit à un autre entrepreneur, cela est beaucoup moins puissant. C’est pourquoi les témoignages d’expériences réussies constituent un élément majeur de développement de la confiance en soi pour nos candidats à l’export. Il s’agit de créer les conditions du « Pourquoi pas moi », c’est ce que j’appelle une opération de contamination de Confiance.

Ce travail de proximité sur le terrain c’est la mission qu’accomplit avec un formidable engagement la Team France Export. Elle a été créée à cet effet, pour aller dans tout le territoire révéler à nos entreprises le potentiel du continent africain, et en promettant deux éléments d’accompagnement : on va les aider à élaborer une stratégie, et à faire de l’Afrique durablement.

Si ce collectif TFE a été créé sous l’égide des Régions avec les CCI, Business France et Bpifrance tout en s’articulant avec les acteurs privés Medef international, Stratexio OSCI sans oublier l’exemplaire engagement des CCEF [Les conseillers du Commerce extérieur de la France, ndlr], c’est précisément pour faire de cette alliance historique, une porte d’entrée simplifiée, drivée, articulée mettant le monde et l’Afrique en particulier à la portée d’entreprises dans les territoires de nos régions.

Vous avez dit « durablement »… Dans le premier volet de notre entretien, vous avez aussi souligné l’importance de l’engagement de long terme…

Pedro NOVO – Oui, l’Afrique ne se fait pas à moitié. On ne papillonne pas sur le continent. Ça ne marche pas ! On y investit, on y crée une première filiale. On s’y déploie et on attend… parce qu’il faut être patient pendant plusieurs années pour en tirer profit durablement.

Si telle n’est pas la stratégie de l’entreprise, il vaut mieux ne pas mettre d’Afrique dans son GPS. En revanche, si l’entreprise souhaite prendre une nouvelle dimension, transformer sa gouvernance, renforcer sa marque employeur, son attractivité auprès de la jeunesse de France en capitalisant entre autres sur une diaspora engagée, enrichir sa marque en se projetant à l’international, il faut qu’elle puisse s’inscrire dans la durée et certes pas sur un simple contrat.

Comment va-t-elle écrire sa stratégie ? prioriser ses choix ? quelle destination, quel(s) pays, quels partenaires choisir ? La Team France Export aide l’entrepreneur à répondre à toutes ces questions, et à acquérir les moyens financiers pour lui permettre de tenir cette stratégie qui demande de la patience… Car la réussite sur le continent africain n’est pas un sprint, c’est un marathon. Mais il ne faut pas rater le départ et bien gérer sa course comme sa préparation amont

Vous avez évoqué le Team France Export, que Bpifrance a contribué à créer. Mais quel y est votre rôle, précisément ?

Pedro NOVO - La Team France Export est d’abord née d’une expérience que nous avons déployée depuis 2012 dans nos directions régionales en mariant la compétence du coaching et de l’accompagnement avec des équipes de Business France, et notre compétence du financement. Dans nos directions régionales, des chargés d’affaires internationaux de Business France coopèrent depuis maintenant huit ans avec des chargés d’affaires de Bpifrance. Ce que nous avons construit, c’est une nouvelle vision du développement de nos entreprises en mariant opérationnellement, à chaque fois, la stratégie – la boussole – et le carburant : les moyens financiers.

La Team France Export, c’est la concrétisation de cette démarche à l’échelle. Notre postulat fondateur, c’est que l’export, ou l’international, est accessible à tous, ce n’est pas la seule affaire des grands, il n’y a pas besoin d’être une ETI ou cotée au CAC 40 pour réussir sur le continent africain.

Et je n’accepte pas l’argumentation de ceux qui prétendent que l’Afrique est trop complexe, trop dangereuse pour des PME. C’est faux ! Alors oui, c’est difficile, mais pas plus que de réussir aux États-Unis ou au Japon croyez-moi. Le marché africain présente certes ses propres clés de lecture et il faut les comprendre, mais il regorge d’opportunités à portée de nos entreprises, si elles sont bien accompagnées pour éviter les pièges avec réalisme. C’est précisément la promesse de la Team France Export : quelle que soit la taille de l’entreprise, la TFE est là pour l’aider à élaborer sa stratégie, pour indiquer les étapes importantes, pour bien définir comment avancer… car un marathon, comme je vous disais, ne se prépare pas la veille pour le lendemain.

C’est un travail de musculation, de respiration et d’entraînement, de rigueur et discipline, de détermination. Et ce sont tous ces critères et ces curseurs que nous mettons en place avec la Team France Export, côté accompagnement, dans nos Accélérateurs [voir notre prochain article 3/3, ndlr], en formation des dirigeants, et dans les moyens financiers que nous mettons en œuvre pour tenir cet ensemble-là. En d’autres termes, nous voyons les entreprises en réalité augmentée et tentons de lever les freins à la croissance que nous détectons afin qu’elles puissent exprimer leur pleine puissance de génération de croissance.

Nous ne les avons pas évoqués dans notre première partie, mais l’assurance prospection, la garantie et le prêt croissance internationale que vous apportez aux projets des entreprises sont aussi trois facilités très sécurisantes…

Pedro NOVO – Il faut comprendre que pour une entreprise, se mettre en ordre de marche afin de se projeter à l’international génère des transformations que nous adressons à travers nos accélérateurs : digitale, managériale, de la gouvernance, et sur les paniers de ressources, soit les moyens financiers pour réussir la mise en œuvre de sa stratégie.

L’assurance prospection lui permet de patienter en attendant les résultats de tous ses efforts. Ainsi on pourra bénéficier d’une période de prospection de 2 à 3 ans, puis d’une période de franchise de 2 ans avant un remboursement, sur 3 à 4 ans en fonction du succès de la démarche mise en force.

Le Prêt Croissance International bénéficiant aussi d’un différé de remboursement de deux ans, par exemple, est un outil qui permet de financer le BFR (besoin en fonds de roulement) de votre déploiement africain. Vous investissez dans une JV ou opérez une croissance externe, vous acheter du stock, recruter des collaborateurs, injecter du cash en compte courant ou en capital dans la structure filiale créée, tout cela, vous pouvez le financer à partir de la France avec un prêt croissance international.

Nous prenons aussi en compte la question des fonds propres, qu’il convient souvent de renforcer pour se doter d’une capacité plus importante à prendre des positions sans avoir le poids d’une dette trop lourde à rembourser dès le départ.

J’en termine en évoquant la garantie des projets internationaux, qui permet de sécuriser l’ensemble de vos apports dans une co-entreprise ou dans une filiale sur le continent, cela à hauteur de 50 % et dans la limite de 1,5 million d’euros de risques, sur sept ans maximum. Vous échouez pour des raisons commerciales, le client vous abandonne, le projet ne trouve pas son marché ? Eh bien, si vous êtes contraints de liquider la filiale, vous récupérez 50 % de votre mise.

Vous l’aurez compris, une ingénierie financière personnalisée, voilà la valeur ajoutée de Bpifrance dans la Team France Export. C’est une approche sur mesure, patiente, aux côtés du chef d’entreprise, conjuguée à la construction d’une stratégie financière à la hauteur de l’ambition de l’entreprise.

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Prochain article de la série :

 Pedro NOVO, Directeur exécutif Export à Bpifrance (3/3) :
« Pour réussir en Afrique, nos entreprises doivent
devenir africaines, s’associer aux entrepreneurs locaux »

DÉJÀ PUBLIÉ :

Pedro NOVO, Directeur exécutif Export à Bpifrance (1/3) :
« Notre ligne d’horizon à dépasser, c’est la co-construction
du partenariat entre les entrepreneurs Africains et Français »

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