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Papa N’DIAYE (FMI) : « Bon nombre de pays africains doivent opérer l’ajustement budgétaire nécessaire pour réduire leur vulnérabilité liée à la dette publique »

11 novembre 2019
Papa N'DIAYE (FMI) : « Bon nombre de pays africains doivent opérer l'ajustement budgétaire nécessaire pour réduire leur vulnérabilité liée à la dette publique »
Convié mercredi 6 novembre au siège parisien de l’AFD par Rima le Coguic, directrice Afrique de l’agence, pour y présenter le rapport du FMI paru en octobre sur les « Perspectives économiques en Afrique subsaharienne », Papa N’Diaye, chef de division du département Afrique du FMI, s’est prêté d’autant plus volontiers à l’exercice qu’il a lui-même dirigé les travaux de rédaction de ce rapport – finalement assez sombre, malgré l’optimisme affiché…

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Un article d’Alfred Mignot, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica

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Ainsi, après que Rima Le Coguic a souligné dans son propos liminaire l’importance de ce travail, tant pour la connaissance de la situation que pour les éléments prospectifs révélés, Papa N’Diaye a-t-il dressé un plan d’ensemble de la situation économique.

« Sur la base des politiques actuelles, a-t-il déclaré, la croissance en Afrique subsaharienne devrait rester de 3,2 % en 2019 et monter à 3,6 % en 2020. Ces taux sont inférieurs aux prévisions antérieures, pour les deux tiers des pays de la région. »

Les pays pauvres d’Afrique feront mieux que les riches

En fait, les moyennes annoncées dans le Rapport (téléchargeable ICI) cachent comme souvent une forte différence entre groupes de pays, que détaille le chapitre I du rapport. D’un côté, les 21 pays riches en ressources naturelles devraient voir leur croissance culminer à 2,5 %, soit en dessous de la moyenne mondiale, tandis que l’Afrique du Sud et le Nigeria, les deux principales économies du Continent, devraient même enregistrer une croissance négative. Mais d’un autre côté, dans les 24 pays pauvres en ressources naturelles (500 millions d’habitants), la croissance devrait demeurer vigoureuse, avoisinant en moyenne 6 %.

Or, ce taux de 6 % est précisément celui à partir duquel le chômage peut commencer à être résorbé, en tout cas en Afrique du Nord, selon un consensus partagé depuis bien des années par de nombreux économistes. Mais en Afrique subsaharienne la pression démographique est si forte – 20 millions de nouveaux entrants sur le marché du travail par an, alors qu’on ne crée que 10 millions d’emplois actuellement – que même 6 % de croissance pourraient ne pas suffire, relève AfricaPresse.Paris lors de la séquence des questions-réponses… Et c’est donc avec 6 % à 8 % de croissance que « cela pourrait à peu près aller », concède Papa N’Diaye.
Un objectif qui à ce jour semble difficile à tenir, d’autant plus que les tensions commerciales internationales actuelles ont pour effet que « la croissance des exportations a déjà ralenti notablement dans la région », observe Papa N’Diaye.

Le mantra des réformes

Dédié à la thématique « Concurrence, compétitivité et croissance en Afrique subsaharienne », le chapitre II du rapport prône bien sûr une stratégie de réforme globale des plus classiques, qui devrait prévoir des réformes, des réformes et encore des réformes, telles qu’énoncées dans le rapport : « des mesures visant à réduire les obstacles structurels et réglementaires ; un cadre d’action efficace pour la politique de la concurrence, accompagnée d’une autorité de la concurrence indépendante et dotée de ressources suffisantes ; des politiques du commerce et de l’investissement qui encouragent la concurrence étrangère ; et des politiques d’accompagnement sur le plan des finances publiques et de la passation des marchés publics », etc.

Cette dette « enterrée » qui augmente…

La dette publique des États africains, qui s’est à nouveau considérablement accrue ces dernières années, s’avère d’autant plus préoccupante qu’une bonne partie en est cachée, « enterrée », selon l’expression en usage, sans que l’on sache bien sûr quelle est son importance exacte… Mais le chapitre III du Rapport note que « les arriérés intérieurs sont omniprésents dans bon nombre de pays, ce qui s’explique par la mauvaise gestion des finances publiques ».
De plus, après le choc de 2014 sur les prix des produits de base (notamment le pétrole et d’autres matières premières), « les arriérés ont augmenté ces dernières années, avoisinant 3,3 % du PIB en 2018 ».

Face à cela, le chef de division du département Afrique du FMI s’efforce néanmoins de rester positif, relevant que l’on observe maintenant « une stabilisation de la dette [officielle], c’est positif !… »
Mais il n’omet pas de remarquer aussitôt que les taux en sont plus élevés, soulignant aussi que « bon nombre de pays africains doivent opérer à court terme l’ajustement budgétaire nécessaire pour réduire leur vulnérabilité liée à la dette publique ». D’où l’importance que les plans d’assainissement effectivement prévus par la plupart des gouvernements soient effectivement mis en œuvre.

ZLECA, F CFA et ECO, risques de conflit…

Interrogé sur divers sujets d’actualité, Papa N’Diaye a convenu que la ratification rapide de la Zleca a été « une bonne surprise ». Elle devrait se révéler « un accélérateur » de la croissance et de l’attrait des IDE en Afrique, estimant toutefois qu’il faudra vraisemblablement autour de « dix ans pour faire tomber les barrières, tarifaires et non-tarifaires » et pour pallier les carences logistiques (routes, notamment) dont pâtit le Continent.

Reste aussi que les IDE dédiés aux infrastructures se distinguent par des taux de rendement demeurant très longtemps très faibles, alors même que les fonds de pension et assureurs recherchent des rendements plus élevés et plus rapides.
C’est dire l’évidence de la nécessité de créer des véhicules d’investissement adaptés, aptes à « porter les projets au niveau régional, parce que les États restent pour l’instant jaloux de leurs prérogatives », observe Rima Le Coguic qui, dans son propos liminaire, avait par ailleurs estimé que « dans un contexte mondial en ralentissement, c’est déjà un fait positif pour l’Afrique que d’avoir un résultat stabilisé de croissance économique ».

Sur la question du passage annoncé du franc CFA à la monnaie commune ECO, en projet pour les pays UEMOA, Papa N’Diaye observe sobrement qu’il s’agit d’une « décision souveraine », à laquelle il convient de « bien se préparer ».

Enfin, le chef de division du département Afrique du FMI a annoncé la mise en chantier de deux études : l’une, pour évaluer les effets économiques des chocs climatiques en Afrique, sera livrée dans le prochain rapport, en avril 2020 ; l’autre, sur les conséquences économiques des risques de conflits armés, sachant que d’ores et déjà « dans la région du Sahel les dépenses militaires représentent 4 % du PIB et captent 20 % des recettes fiscales ». Au détriment bien évidemment du financement des ODD.

Une vue des participants à la conférence. © AM/AP.P

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