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Mossadeck BALLY, Président du Patronat malien, à Paris face à la diaspora : « Au lieu d’exporter nos matières premières et importer de la pauvreté, nous devons transformer nos richesses chez nous »

25 octobre 2022
Mossadeck BALLY, Président du Patronat malien, à Paris face à la diaspora : « Au lieu d'exporter nos matières premières et importer de la pauvreté, nous devons transformer nos richesses chez nous »
Nouveau Président du patronat malien, l’homme qui a bâti le premier groupe hôtelier panafricain de l’Ouest a pris un réel plaisir à partager son témoignage d’entrepreneur, mais aussi son analyse sur les handicaps de l’économie africaine, avec la jeunesse de la diaspora malienne de France, désireuse d’entreprendre pour l’avenir du Mali et de l’Afrique.

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par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@alfredmignot | @africa_presse

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Adressant son propos de clôture à l’assistance nombreuse, présente depuis le matin du samedi 22 octobre à l’Hôtel de l’Industrie, au cœur du Quartier latin à Paris, pour assister au grand rendez-vous DIASPOR’ACT, Mossadeck BALLY a dit son plaisir de partager ce moment avec cette « nouvelle génération, souvent née ici », de la diaspora malienne.

Pour le Président du Groupe Azalaï Hôtels, récemment élu Président du Conseil National du patronat du Mali (CNPM), le questionnement des jeunes candidats entrepreneurs et au retour sur la justesse de leur choix est proche de celui qu’il vécut lui-même, lorsqu’il décida de rentrer au pays, après des études spécialisées dans la finance aux États-Unis, à San Francisco.

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« Des sacrifices et des choix ! »

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« Quand je suis rentré, effectivement, je voulais renverser la table. Je voulais moderniser la société familiale dans laquelle je travaillais… » témoigne Mossadeck BALLY.
Pas si simple… Mais après six mois d’interrogations, il décide de rester définitivement au pays et crée son entreprise, devenue au fil des ans le premier groupe hôtelier panafricain en Afrique de l’Ouest…

« Mais cela demande des sacrifices ! Et des choix ! ajoute-t-il aussitôt. Le premier choix, c’est oui, il faut être agile. Et oui, on peut être amené à faire des compromis – mais jamais des compromissions. »
Les sacrifices ? Ne pas céder à la pression sociale ou familiale, refuser par exemple d’aller à une fête de mariage si l’on a un travail à terminer, refuser aussi de recevoir la famille au bureau : « Il faut savoir ce que vous voulez. Vous avez un projet, vous avez une entreprise, vous avez une vision. À un moment donné, il faut prendre le risque de ne pas plaire socialement », souligne-t-il.

Ici au premier plan, le président Mossadeck BALLY était présent durant toute la journée pour écouter les intervenants de la rencontre DIASPOR’ACT, à l’Hôtel de l’Industrie de Paris, samedi 22 octobre 2022. © AM/APP

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« Je vous écoute depuis ce matin, reprend Mossadeck BALLY, et la deuxième réflexion que je veux partager avec vous, c’est que vous ne pouvez pas prendre Paris et l’emmener à Bamako. Ni prendre Genève et l’amener à San Francisco, c’est impossible ! Il faut savoir que si vous faites le pari de retourner, de vous lancer sur un projet, c’est une nouvelle vie que vous démarrez. Avec une autre façon de vous comporter, selon de nouveaux codes ».

Évoquant ensuite plus concrètement l’élaboration d’un projet entrepreneurial de retour, la Président du Patronat malien a beaucoup insisté sur la préparation amont du projet, la pertinence du plan d’affaires, la recherche de partenaires sur place…

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Or, bétail et coton exportés tels quels :
trois exemples de ce qu’il ne faut plus faire

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Aussi, il a évoqué l’importance de l’engagement collectif : « Je reste convaincu et persuadé que nos pays d’Afrique ne peuvent se développer que si nous tous, nous investissons dans les secteurs productifs, parce que nous avons besoin de créer des emplois. C’est pour cela que j’encourage beaucoup la diaspora à investir dans les secteurs productifs »… et plus globalement à transformer sur place les matières premières, ce qui permettrait au pays de capitaliser sur la valeur ajoutée, explique Mossadeck BALLY :

« Le Mali, par exemple, exporte essentiellement trois produits qui ne sont pas transformés. Le premier, c’est l’or. Il n’y a pas de raffinerie d’or au Mali. Et tenez vous bien, le gouvernement ne sait même pas la quantité d’or produite et exportée…

Le deuxième exemple, c’est le bétail. Nous avons le deuxième cheptel en Afrique de l’Ouest, après le Nigeria, et nous continuons à exporter du bétail sur pied. On prend des camions et on y met du bétail que l’on va vendre en Côte d’Ivoire, au Ghana. Avant qu’il arrive, le bétail a perdu 30 % à 40 % de son poids… Le Mali devrait disposer aujourd’hui de 100 à 150 abattoirs modernes et pas une seule tête de bétail ne devrait être exportée, mais des carcasses de viande, et donc on donnerait ainsi des emplois aux artisans maliens.

Le troisième produit, c’est le coton, exporté à 98 % ! Je porte peut-être un costume fait avec du coton malien, mais le costume n’est pas fait au Mali. Donc nous vendons du coton à très faible valeur, et la valeur ajoutée va ailleurs… »

La fin de l’intervention du Président Mossadeck BALLY a clôturé cette journée dédiée à la diaspora malienne et africaine, parrainée par la banque publique d’investissement Bpifrance. © Capture vido.

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La plupart des pays d’Afrique se trouvent d’ailleurs dans cette même situation, relève Mossadeck Bailly, citant d’autres exemples : la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, ne récupère que 6 milliards sur un marché global de 400 milliards de dollars ; la Guinée Conakry, premier producteur mondial de bauxite, la vend à 30 $ la tonne. Mais une tonne d’alumine se vend à 400 $, et une tonne d’aluminium se vend à 3 000 $ !

Ainsi, les industriels d’ailleurs « viennent prendre la matière première à 30 $ la tonne, puis nous vendent des fenêtres en aluminium à 3 000 $ la tonne. Voilà le dilemme de l’Afrique ! C’est un continent riche, richement doté par Dieu, mais qui reste pauvre parce qu’il n’exploite pas cette richesse. Ce sont les autres qui viennent l’enlever, l’exploiter et la lui revendre transformée.

La bataille que nous devons mener, c’est en Afrique, au Mali, sur tout le continent, est de transformer localement nos matières premières, au lieu d’exporter nos richesses et d’importer de la pauvreté. Parce que la pauvreté, c’est quoi ? Ce sont des jeunes qui n’ont pas de travail. La pauvreté, c’est quoi ? C’est un secteur économique informel qui n’est pas connu du fisc et donc qui n’est pas taxé. Donc l’État ne trouve pas les ressources budgétaires pour faire les routes, les hôpitaux et tout ce qu’il faudrait… Donc vous, de la diaspora, vous avez un rôle à jouer pour l’avenir de l’Afrique ! »

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CMAAP 6, le 9 novembre : « AFRIQUE-EUROPE : quelles avancées vers une coopération économique plus forte ? » INSCRIPTIONS OUVERTES

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Voyez ici le REPLAY de notre CMAAP 5, du 6 octobre 2022 :

« LA FRANCOPHONIE ÉCONOMIQUE
PEUT-ELLE SE RELANCER EN AFRIQUE ? »

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