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Mobiliser les États, dynamiser les PPP, sécuriser les parcours des diplômés… quelques propositions pour améliorer la compétitivité de l’EFTP et de la formation supérieure en Afrique (BearingPoint)

22 mai 2022
Mobiliser les États, dynamiser les PPP, sécuriser les parcours des diplômés… quelques propositions pour améliorer la compétitivité de l'EFTP et de la formation supérieure en Afrique (BearingPoint)
Dans ce volet 3/3 de leur série dédiée à l’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels (EFTP) en Afrique, les auteurs experts de BearingPoint indiquent les leviers d’action indispensables à en améliorer la compétitivité. Mais aussi fidéliser et impliquer les alumni, et juguler la « fuite des cerveaux »…

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Une contribution de
Jean-Michel HUET, associé BearingPoint,
Lennart PLOEN, manager BearingPoint,
Florence RIEUX, consultante BearingPoint

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Mobiliser pleinement les prérogatives propres aux Etats et aux acteurs publics africains - En premier lieu, se doter d’une stratégie nationale ambitieuse en matière d’EFTP et concevoir puis mettre en œuvre des politiques publiques dédiées incombe aux pouvoirs publics en Afrique :

- Lever des financements dédiés au secteur éducatif, en particulier à la formation professionnelle [(lire notre article : « Coding For Employment », l’ambitieux programme de la BAD pour former au codage 32 millions de jeunes Africains »).

- Définir et appliquer des normes réglementaires, en matière de certification des établissements, grâce à un cadre commun d’assurance de la qualité (définissant le processus d’enregistrement, d’agrément renouvelable et d’audit des prestataires de formation, mais aussi les normes d’élaboration des programmes), ainsi que les passerelles éducatives et les modalités des transferts de crédits, notamment pour favoriser la mobilité entre formation professionnelle et milieu universitaire.

Cela peut s’effectuer à l’échelle régionale : en 2020, un certain nombre d’États membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe (Southern African Development Community) ont atteint le stade avancé de l’alignement de leur cadre national de qualifications sur le cadre régional (1), afin de renforcer la mobilité des compétences dans la région. Une autre façon de garantir et de démontrer la qualité des formations peut être de demander une certification de l’Organisation Internationale de Normalisation (ISO)  ;

– Faciliter la coordination entre administrations, puisque l’EFTP constitue un domaine souvent à cheval entre plusieurs ministères, agences et échelons administratifs. Cela peut passer par un recensement des initiatives déjà existantes dans l’éducation au numérique et via le numérique, comme BearingPoint l’a fait en France pour la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), qui est un acteur majeur des politiques publiques nationales.

En partenariat avec la Banque des Territoires et le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, la CDC a en effet financé un projet visant à créer l’outil de visualisation de données « eCarto » au service des collectivités et des établissements scolaires locaux.

Concrètement, eCarto, conçu avec l’aide de BearingPoint, a fourni un état des lieux des initiatives d’enseignement du numérique ou via le numérique déjà existantes sur l’ensemble du territoire français, et de leurs résultats ;

– Dynamiser voire créer des institutions, notamment publiques, spécialisées dans la formation supérieure aux métiers du digital en Afrique.

BearingPoint a ainsi aidé l’Institut National des Postes et Télécommunications (INPT) du Maroc à mener un repositionnement stratégique en 2017, pour renforcer son attractivité (notamment en se focalisant sur l’employabilité et les partenariats internationaux), se réorienter vers des filières porteuses, optimiser ses ressources… Le plan d’action mis en œuvre à la suite du projet a contribué à l’accession de l’INPT à la première place du classement Webometrics Ranking of World Universities en 2020 ;

– Assurer un suivi étroit de l’efficience des projets réalisés et une mesure d’impact précise. Par exemple, le souci de l’efficacité de l’aide accordée par des donateurs (comme les agences de développement) peut amener, au lieu de donner des fonds directement à des prestataires de services de formation, à verser les sommes prévues à des entreprises, à des associations d’employeurs ou à des individus qui décideront ensuite du prestataire auquel ils feront appel, favorisant ainsi une responsabilisation des bénéficiaires locaux et une saine concurrence entre prestataires publics et privés (2).

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Faire converger les efforts
des acteurs publics et privés

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Les directions des établissements d’EFTP, que ces institutions soient publiques ou privées, peuvent aussi contribuer à la revitalisation du secteur, grâce au partage de ressources en ligne, à la diffusion des meilleures pratiques pédagogiques, à la signature de conventions de partenariat à l’intérieur du pays et à l’étranger, à la création de communautés d’alumni soudées et suivies régulièrement, à la tenue de colloques…

Quant au secteur privé, la mobilisation des entreprises est une condition sine qua non du succès de toute stratégie nationale d’EFTP, à la fois pour aider les acteurs publics à cibler les besoins du marché de l’emploi, pour définir les différents niveaux de maîtrise des compétences attendus des étudiants, et pour former des salariés via des programmes conçus au sein de l’entreprise ou par le passage de certifications reconnues.

En Afrique, cela vaut y compris et même avant tout pour le secteur informel, majoritaire, où la validation des acquis pourrait être réalisée a posteriori par des examens standardisés – plutôt qu’en tentant de mettre en place des procédures de formation spécifiques au sein de PME, ce qui serait une gageure.

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Sécuriser les parcours des diplômés
africains de l’EFTP et du supérieur

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La mise en œuvre des stratégies de digitalisation ou de revalorisation de l’EFTP et de la formation supérieure ne doit pas s’arrêter à la diplomation des élèves. Des enjeux importants d’après-formation doivent aussi être anticipés, comme le suivi des jeunes diplômés – qui est particulièrement facilité par le recours au digital.

Selon une étude récente du Consortium for Advanced Research Training in Africa, focalisée sur cinq pays (Ethiopie, Kenya, Ouganda, Nigeria et Malawi) (3), les universités africaines se privent d’une ressource inestimable en négligeant leurs anciens diplômés.

En effet, moins de la moitié des universités interrogées assurent le suivi de leurs alumni et seuls 27 % des anciens étudiants ont déclaré être suivis et contactés par leurs anciens établissements. Pourtant, près des deux tiers des anciens étudiants interrogés ont déclaré être prêts à être suivis après leur diplomation et affirmé qu’ils seraient disposés à aider leur alma mater de multiples façons (conseils dans la révision des programmes d’études, mesures d’insertion sur le marché du travail et d’impact social, collectes de fonds, dons personnels, mise en relation avec des entreprises, etc.).

Enfin, et bien que l’écrasante majorité des migrations africaines s’effectuent à l’intérieur du continent (4), la capacité à juguler la « fuite des cerveaux » est déterminante pour récolter pleinement les fruits des actions entreprises par les acteurs privés et publics africains au service d’un renforcement de l’EFTP et de l’enseignement supérieur.

Les préjudices des départs à l’étranger de jeunes diplômés africains sont multiples – pour l’État dans un premier temps, qui a généralement financé leurs études mais n’en retirera pas de bénéfices immédiats (fiscaux, par exemple) ou à plus long terme.

Dans le secteur de la santé, dont les services ne sont pas substituables, la fuite des cerveaux peut par exemple induire une dépendance des États africains vis-à-vis des ONG et des bailleurs de fonds pour l’apport de profils qualifiés et en nombre suffisant.

Les inconvénients touchent aussi l’entreprise, quand celle-ci a formé en interne le salarié. Or, retenir les diplômés africains ne peut s’envisager en limitant les mobilités étudiantes et professionnelles, qui contribuent au renforcement du capital humain et doivent au contraire être encouragées.

Résoudre le problème à la racine implique d’offrir aux étudiants de l’EFTP et du supérieur un enseignement d’excellence sans avoir à sortir du continent, puis de leur proposer de véritables opportunités professionnelles en Afrique, tout en laissant à ceux qui choisissent le départ une gamme adaptée de moyens de retour (on parle alors de repats), ou d’action sur le continent africain à partir des pays où ils auraient choisi d’émigrer.

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1 - Communiqué de presse de la Southern African Development Community,« SADC countries in advanced stage of aligning national qualifications frameworks to regional standards »,18 décembre 2020.

2 - Kenneth King, Robert Palmer, Principes de la planification de l’éducation - Planifier le développement des compétences techniques et professionnelles, UNESCO, Institut international de planification de l’éducation, 2015.

3 - Peter Ngure, « African universities are ignoring a rich, invaluable resource : their alumni », The Conversation, 7 mars 2018,

4 - Malgré son titre trompeur (Sub-Saharan African Migration : Patterns and Spillovers) susceptible d’évoquer l’imaginaire du débordement migratoire subsaharien, un rapport du FMI rappelait bien, dès 2016, que la migration en Afrique subsaharienne était « principalement un phénomène intra régional ».

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LES 3 ARTICLES DE LA SÉRIE

1 -Les solutions numériques, un moyen pour relever le défi de l’éducation et de la formation professionnelle en Afrique (BearingPoint - J.-M. Huet, L. Ploen, F. Rieux)

2 - « Coding For Employment », l’ambitieux programme de la BAD pour former au codage 32 millions de jeunes Africains (BearingPoint - J.-M. Huet, L. Ploen, F. Rieux)

3 - Mobilier les États, dynamiser les PPP, sécuriser les parcours des diplômés… quelques propositions pour améliorer la compétitivité de l’EFTP et de la formation supérieure en Afrique (BearingPoint - J.-M. Huet, L. Ploen, F. Rieux)

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CMAAP 2 / REPLAY - « Comment contribuer au développement de l’agriculture africaine ? », avec S. E. Mme Liliane MASSALA, Ambassadrice du Gabon, et S. E. André-Magnus EKOUMOU, Ambassadeur du Cameroun

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