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Les friches culturelles en Méditerranée,
lieux de création et de sociabilisation

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 4 juillet 2011 | src.LeJMED.fr
Les friches culturelles en Méditerranée, lieux de création et de sociabilisation
Paris -

Le Conseil culturel de l’UPM, que préside Renaud Muselier, consacrait son dernier « Mardi de Marigny » de la saison, le 28 juin 2011, aux lieux de création en Méditerranée. L’occasion de saisir le formidable potentiel de création artistique et de sociabilisation urbaine que représentent les friches culturelles, grâce aux intervenants qui témoignaient de leurs expériences d’Istanbul, de Marseille et de Casablanca…

Photo ci-dessus : Fabrice Lextrait, cofondateur de la Friche de la Belle de Mai et auteur du rapport « Les nouveaux territoires de l’art », lors de son intervention devant au CC UPM, retraçant l’historique de la friche de la Belle de Mai, à Marseille. © Alfred Mignot - juin 2011


De gauche à droite sur la photo : Aadel Essaadani, scénographe et directeur technique de la fabrique culturelle des Anciens Abattoirs de Casablanca ; Claudine Dussolier, responsable du développement des programmes de coopération en Méditerranée de ZINC (Friche de la Belle de Mai) ; Serhan Ada, Professeur à l’Université Bilgi d’Istanbul et fondateur de « Santralistanbul » ; Aurélia Frey, photographe ; Renaud Muselier, Président du Conseil culturel de l’Union pour la Méditerranée ; Fabrice Lextrait, cofondateur de la Friche de la Belle de Mai et auteur du rapport « Les nouveaux territoires de l’art » ; Meriem Amellal, journaliste à France 24, animatrice de la conférence. © Alfred Mignot - juin 2011

À Marseille, l’expérience de la réhabilitation de la friche industrielle de la Belle de Mai débute en 1992, lorsque Christian Poitevin, alors maire adjoint délégué à la culture, Philippe Foulquié et Alain Fourneau, respectivement directeur du Théâtre Massalia et du Théâtre des Bernardines, quittent une ancienne graineterie, qui accueillait leur association « Système Friche Théâtre » et investissent l’ancienne Manufacture des tabacs de la Belle de Mai, site immense – 45 000 mètres carrés – que la crise a déconnecté de son environnement…


À la Belle de Mai de Marseille, culture et brassage social

« Près de vingt ans plus tard, relève Fabrice Lextrait, cofondateur de la Friche de la Belle de Mai, l’objectif n’a pas changé : ré-ancrer ce morceau de ville dans la cité, favoriser une refertilisation de l’espace en encourageant un nouveau rapport entre le public et la culture, avec des lieux de création ouverts aux visiteurs… On est loin, ici, des grand-messes culturelles, c’est finalement un véritable laboratoire social urbain qui a émergé au fil des ans » relève encore Fabrice Lextrait, soulignant que les municipalités successives, et notamment Renaud Muselier, ont continué de soutenir cette expérience – la Friche a été rattachée au périmètre du nouveau quartier Euroméditerranée, dont Renaud Muselier fut président de l’établissement public, et la Ville de Marseille est devenue propriétaire des lieux – qui, au fil des ans, a généré l’intérêt des professionnels et de la population, s’imposant comme un lieu de culture – près de 70 structures y sont installées, et quelque 400 professionnels du spectacle et de la culture qui y travaillent… – et de brassage social.

« Alors, surtout, que les villes qui ont des friches ne les rasent pas ! s’exclame Fabrice Lextrait. Il faut les garder et les transformer… Mais, pour autant, il n’y a pas de recettes », il faut (ré)inventer, à la manière peut-être d’un jardinier qui procéderait par bouturages successifs… et à la seule condition, semble enseigner l’expérience, de garder la présence artistique ouverte comme agent fertilisant, facilitateur et « interactif » d’une réappropriation de l’espace urbain par la population, dont la présence contribue indirectement mais sûrement à une nouvelle écriture artistique.


Les enseignements de Santralistanbul

À l’autre extrémité de la Méditerranée, l’expérience de « Santralistanbul » que rapporte son fondateur, le professeur Serhan Ada, ressemble à une toute autre histoire, et cependant pas si différente. Ici aussi, le lieu réhabilité était un espace très présent dans la conscience collective stambouliote, puisque pendant un demi siècle la centrale thermique a alimenté la ville en électricité.

« Nous avons voulu créer un centre artistique contemporain pour toute la région, déclare Serhan Ada. Nous avons créé une résidence pour artistes, impliqué l’université Bilgi, préservé la mémoire du lieu avec le musée de l’énergie… Cela n’a pas toujours été facile, et aujourd’hui la résidence pour artistes n’existe plus… mais le lieu est bien inséré dans son quartier, le brassage social y est intense. Le site, qui s’étend sur 118 000 m2 non loin du cœur de la ville Taksim, près de la Corne d’Or, est considéré comme un exemple dans l’ensemble de la région, des Balkans au Caucase. »

De cette expérience, débutée en 1983, le Pr Serha Ada tire des enseignements : les friches culturelles doivent s’autofinancer, créer des emplois, car la crise entraîne une baisse inévitable des subventions ; les friches doivent s’intégrer dans leur quartier, car l’un des enjeux et objectifs est leur contribution à l’éducation de la jeunesse, à l’affirmation de l’esprit civique, et pour cela, leur action ne peut se concevoir autrement que sur le long terme.


À Casablanca, un collectif a investi les anciens Abattoirs

À Casablanca, la préoccupation du long terme est l’une des données prégnantes du travail engagé par l’équipe d’Aadel Essaadani, scénographe et directeur technique de la fabrique culturelle des anciens Abattoirs de la ville, bâtiments « Art déco avant l’Art déco », construits entre 1918 et 1922 :

« Nous sommes un collectif de quatorze associations, nous avons pris possession des friches. Nous sommes en fait des activistes squatteurs, simplement tolérés, mais nous avons posé un acte fondateur, avec notre Festival d’avril 2009 : nous y avons vu des ministres en bras de chemise côtoyer les familles ouvrières… ».

Une vue du public participant à la conférence. Au premier plan, au centre, on reconnaît notamment Mme le Dr Ijab Khoury, Présidente du CAMED (Cercle Amical pour la Méditerranée) et Adjointe au Maire du XVIe Arrondissement de Paris. © Alfred Mignot - juin 2011

Idem le 8 mai 2011, avec le Festival de l’Europe, organisé aussi par le Collectif…
« pour l’opinion publique, ces 5,5 hectares situés à 500 mètres de la grande gare de Casa, et que nous avons en quelque sorte arrachés aux promoteurs, sont bel et bien devenus un lieu de culture, ouvert, où les familles viennent se promener et y trouvent toujours une activité artistique en cours…

Nous avons aussi ouvert le lieu aux banlieusards et nous avons constaté que les différentes populations se côtoient sans violence… Mais, nous restons des squatteurs, notre relation avec les autorités n’est pas institutionnalisée, regrette Aadel Essaadani, alors que notre projet est évidemment de long terme : la réhabilitation du patrimoine, la culture, les Droits de l’Homme…
Pour pérenniser notre action, Il va nous falloir apprendre, avec nos élus, ce qu’est une délégation de service public. Si nous réussissons, nous serons les premiers, sur tout le continent africain… ».

Réussir… Claudine Dussolier, responsable du développement des programmes de coopération en Méditerranée de ZINC (Friche de la Belle de Mai), fait observer qu’il aura fallu vingt ans pour construire la Belle de Mai, et relève que la réussite n’est possible que « si le dialogue reste très actif entre tous les acteurs ».

Un point de vue qui est aussi celui de Renaud Muselier qui, en conclusion, déclare que le pouvoir politique municipal n’a d’autre ambition que de « faire vivre la ville », et d’autant plus que pour sa part il s’affirme convaincu qu’il ne saurait y avoir de développement économique sans développement culturel. Une conviction d’ailleurs régulièrement réaffirmée par le Président du Conseil culturel de l’UPM, qui est aussi le Délégué spécial pour Marseille Provence 2013, capitale européenne – et, de fait, euroméditerranéenne – de la culture. Une année capitale à laquelle la Friche de la Belle de Mai prendra assurément toute sa (grande) part.


[Alfred Mignot

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Sites de référence

 Site de la Friche Belle de Mai (Marseille)

 Site du Conseil Culturel de l’UPM

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