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Patrick Barraquand, SG de la mission interministérielle UPM :

« Le temps est venu pour l’UPM, je crois, de libérer l’initiative du Secrétariat général de Barcelone »

« Le temps est venu pour l'UPM, je crois, de libérer l'initiative du Secrétariat général de Barcelone »
Paris -

Nommé par Henri Guaino, chef de la Mission interministérielle de l’Union pour la Méditerranée (UPM) de l’Élysée, Patrick Barraquand en est depuis le 1er février 2011 le nouveau Secrétaire général. Trois mois après son installation, il nous accorde ici en exclusivité une longue entrevue, mettant en exergue à la fois le bilan d’étape et les perspectives d’avenir de l’UPM.

Photo ci-dessus : Patrick Barraquand, le nouveau Secrétaire général de la mission interministérielle Union pour la Méditerranée © LeJMED.fr - avril 2011


Un entretien exclusif pour LeJMED.fr
réalisé par Alfred Mignot


Le SG Patrick Barraquand dans son bureau, devant une table décorée par la carte de la Méditerranée… © LeJMED.fr - avril 2011

LeJMED.fr – Monsieur le Secrétaire général, avant de s’engager dans la revue de détail de l’UPM, voulez-vous nous dire ce qui, selon vous, fonde l’esprit de cette Union pour la Méditerranée ?

Patrick Barraquand – C’est une ambition forte et une méthode simple : Il s’agit de partager un avenir et un dialogue politique entre pays riverains de la Méditerranée – et en particulier de contribuer à l’objectif géostratégique de règlement des conflits internationaux – en s’appuyant sur la coopération économique, industrielle, financière, mais aussi culturelle et scientifique. L’un des constats fondateurs de l’UPM est que si l’on considère les régions contigües dans le monde, les deux rives de la Méditerranée présentent le différentiel de développement le plus élevé, de l’ordre de 1 à 6, voire 1 à 8, selon les économistes. On comprend bien qu’on ne peut laisser perdurer une situation aussi insupportablement contrastée…


LeJMED.fr – Oui, on comprend bien… Mais pourquoi, selon vous, l’UPM a-t-elle donc une si « mauvaise presse », au-delà des difficultés politiques connues de tous, et tout à fait compréhensibles ?

Patrick Barraquand – De nombreux observateurs « tirent » en effet sur cette initiative que son ambition et son ampleur rendent nécessairement difficile, et de long terme. C’est pourquoi on ne devrait pas l’évaluer avec la même mesure que des entreprises plus ordinaires. J’ajouterai qu’au lancement de cette initiative en 2008 au Sommet de Paris, cette ampleur et cette difficulté étaient connues et assumées, même si bien sûr certains blocages politiques ne pouvaient être totalement anticipés…

Alors oui, tout n’a pas été accompli, mais les réalisations concrètes sont bien là : la coprésidence franco-égyptienne et l’ensemble des pays ont réussi, par exemple, à définir une politique de l’eau – et nous espérons bien arriver à l’officialiser sous peu à Barcelone – en réunissant les Directeurs généraux des administrations centrales. De même, et malgré les blocages politiques, on peut se féliciter des importantes avancées du projet du Plan solaire méditerranéen – en fait, plus largement, un plan d’énergies renouvelables pour l’ensemble de la Méditerranée. Et nous sommes en train de faire aboutir quelque chose qui me paraît essentiel, c’est l’OMJ, l’Office Méditerranéen de la Jeunesse.

Cet OMJ, que certains appellent déjà « l’Erasmus méditerranéen » est à la fois un instrument véritablement essentiel pour la mobilité et les échanges de la jeunesse universitaire, et plus que cela encore car il inclut un parcours de premières années d’expérience professionnelle, aussi important en fait qu’une bonne formation… Un jeune ingénieur du sud, issu de Centrale, et qui retournerait aussitôt dans son pays où l’environnement industriel est encore insuffisant, et où le niveau technique n’est pas encore aligné sur les standards internationaux, ne pourrait apporter vraiment de solutions… L’OMJ offrira, pour plusieurs types de formations, la possibilité de restituer au pays d’origine des jeunes dont la formation académique sera consolidée par une vraie expérience professionnelle


LeJMED.fr – Aussitôt nommé, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, a rendu hommage à l’intuition fondatrice de l’UPM, et a confirmé sa volonté de la refonder… Comment la Mission est-elle impliquée dans cette perspective ?

Patrick Barraquand – Auprès de notre Mission, l’Ambassadeur Serge Telle, en charge de l’UPM, dépend directement du Quai d’Orsay. Il fait une partie considérable de ce travail de liaison, et nous avons par ailleurs de nombreuses occasions de coordonner entre elles les institutions françaises, notre Mission étant par définition interministérielle. Ce rôle de coordination est souvent essentiel.

Sur ce projet de l’OMJ, par exemple, j’y reviens car il est exemplaire, le ministère leader est le MAEE, mais d’autres ministères sont aussi directement concernés : le ministère de l’Intérieur, pour les visas et l’aspect de circulation des personnes – et l’on peut noter que c’est le ministre Éric Besson, alors notamment en charge du Développement solidaire, et son équipe, aujourd’hui au ministère de l’Intérieur, qui ont fortement porté en 2010 ce projet de l’OMJ. Mentionnons aussi le rôle clé du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, et celui du ministère de l’Industrie, qui mobilise les entreprises. Nous espérons élargir bientôt les formations éligibles, actuellement seulement universitaires, aux formations techniques qualifiantes.


LeJMED.fr – C’est en effet Éric Besson qui a endossé et porté la création de l’OMJ dès 2010, mais cette idée est bien née chez vous, à la mission UPM, et plus précisément dans l’équipe de Mme le Recteur Michèle Gendreau-Massaloux ?

Patrick Barraquand – Oui, en effet ! Et l’ensemble des acteurs que j’ai cité travaillent maintenant très énergiquement à la mise en œuvre de cet OMJ, car nous voulons un premier succès dès cette année ! Nous voulons attribuer des bourses pour la prochaine rentrée !


LeJMED.fr – Éric Besson avait en effet annoncé il y a quelques mois que l’OMJ serait opérationnel dès septembre 2011…

Patrick Barraquand – Et c’est vrai ! Nous avons demandé à Campus France – qui est à la fois l’organe français de l’OMJ, et l’organe de préfiguration de l’Office, (il en assume donc la mission pour quelques temps) – de lancer les premiers recrutements sur les formations qui ont été avalisées. Et les financements sont là, donc la possibilité d’être opérationnels en septembre.


LeJMED.fr – Mais, certains croient savoir que l’enveloppe annoncée par Éric Besson – 1 million d’euros – n’aurait pas été mise à disposition ?

Patrick Barraquand – Non, les financements seront bien mis à disposition, à la fois pour les bourses et les enseignements, et seront majoritairement d’origine française en cette première année « test ».


LeJMED.fr – Parmi les actions prioritaires déployées par la Mission, et conformément d’ailleurs à celles énoncées dans la Déclaration commune du Sommet de Paris de juillet 2008, il apparaît que la coopération universitaire a beaucoup avancé : en septembre dernier, Mme le Recteur Michèle Gendreau-Massaloux évoquait la signature de déjà 130 accords de coopération…

Patrick Barraquand – Oui, et en particulier nous avons bien avancé dans la perspective de création de ce que l’on espère être le futur CMRST, le Centre méditerranéen de la recherche scientifique et technique. Là encore, nous regrettons beaucoup qu’il y ait eu un blocage purement politique entre le Liban et Israël… A ce jour, il est admis que le siège du CMRST ne sera pas au Liban, mais il est acquis qu’un Centre de recherche y sera implanté. Et il me semble par ailleurs que les programmes de recherche sont bien plus importants que la localisation du siège.

Parmi ces programmes, je voudrais évoquer un projet qui avance et me paraît capable d’attirer à la fois l’intérêt des scientifiques les plus en pointe – mais aussi du public – et des financeurs : c’est le programme Mistral, sur l’état biologique de la Méditerranée.
Ce programme comporte des volets traitant aussi bien de la qualité de l’eau que des variations de température, de la diversité des espèces, des réserves halieutiques, des conditions biologiques de vie, etc. C’est un programme de recherche scientifique complet, et profondément méditerranéen, impliquant de nombreux centres de recherche – pour un programme de cette nature, on a besoin de beaucoup de données – et donc un programme où la notion de coopération n’a rien d’artificiel, elle est au contraire absolument centrale. Et je pense qu’aujourd’hui, il est relativement facile de financer des recherches de cette nature, car tout le monde en comprend l’urgence – les scientifiques bien sûr, mais aussi les responsables politiques et le public.
Finalement, ce projet Mistral avance très bien, et nous en sommes particulièrement fiers.


LeJMED.fr – Apportez-vous votre soutien à des initiatives de la société civile, par exemple à l’IEMSR, l’Institut euro-méditerranéen en Science du risque, créé à la rentrée 2010 à Sophia Antipolis ?

Patrick Barraquand – Oui, tout à fait ! C’est une initiative particulièrement innovante ! Et l’on perçoit bien l’intérêt qu’il y a dans le monde contemporain à mieux traiter ces questions des risques – naturels géophysiques, mais aussi les risques systémiques dans la finance, alimentaires, énergétiques et bien d’autres…


LeJMED.fr – Mais, quand vous dites que vous soutenez telle ou telle initiative, cela se traduit comment, concrètement ?

Patrick Barraquand – Nous sommes une mission interministérielle donc, pour nous, la plupart du temps, « soutenir » signifie rapprocher des intervenants qu’il ne serait pas facile de rassembler autrement. Nous sommes un facilitateur, et quelquefois un peu plus : en exprimant clairement la priorité, l’intérêt d’une action, nous passons du rôle de facilitateur à celui d’incitateur. Cela dit, notre mission qui est de servir la coprésidence française de l’UPM, inclut aussi celle d’aider le Secrétariat général de Barcelone. Nous nous efforçons donc d’apporter au Secrétariat général de l’UPM à Barcelone des « choses qui marchent », en contribuant à débloquer les situations, en soutenant des projets prioritaires, – comme l’IEMSR, que nous avons évoqué –, en organisant des réunions – par exemple ici à l’Hôtel Marigny, siège de notre Mission – ou encore faisant le lien entre des acteurs pour permettre à certaines initiatives d’aboutir, par exemple celles d’EDF Énergies nouvelles.


LeJMED.fr – Lors d’une récente rencontre avec l’Association de la presse diplomatique, Alain Juppé a annoncé que tout était fait pour mettre en place un nouveau Secrétaire général de l’UPM dès ce mois de mai. On s’en réjouit, mais on sait aussi que le SG de Barcelone reste une toute petite équipe, tandis qu’à ce jour, on peut considérer que depuis près de trois ans, l’équipe de la Mission interministérielle UPM a acquis une expertise unique. En quelle manière pensez-vous pouvoir en faire profiter le SG de Barcelone ?

Patrick Barraquand à son bureau de travail, à l’Hôtel Marigny, siège de la mission interministérielle UPM, à Paris. © LeJMED.fr - avril 2011

Patrick Barraquand – L’une de nos missions que je considère prioritaire, avec le fait de bien servir la coprésidence française, c’est en effet de bien transférer l’expérience, apporter notre aide et soutien au Secrétariat général de Barcelone.

Concrètement, cela se fait de trois façons. D’abord, des experts français sont présents à Barcelone, avec d’autres bien sûr, et le budget du SG ayant été voté, il existe encore des postes budgétaires à pourvoir, ce qui renforcera sa capacité d’action. Notez d’ailleurs qu’après un démarrage balbutiant, le SG est désormais financé correctement : par l’Union européenne qui en assume une grande part, mais aussi par les contributions des États, qui ont commencé d’être versées, comme c’est le cas pour l’Espagne, la France, l’Allemagne, Israël, etc. Les contributions budgétaires rentrent, et le Secrétariat général peut désormais rémunérer les expertises indispensables à son fonctionnement,.

La deuxième façon de faire en sorte que le SG de Barcelone prenne pleinement le relais , et c’est déjà largement commencé, c’est qu’il bénéficie des échanges entre les experts, et c’est ce que nous faisons quotidiennement. Tristan Mocilnikar pour l’énergie, Julien Aubert pour les finances, Nathalie Pilhes pour les aspects sociaux et le projet de Fondation des femmes de la Méditerranée, Bernard Ribiollet pour les autoroutes maritimes, Michèle Gendreau-Massaloux et Yannick Prost pour la coopération universitaire et la formation… tous les conseillers de la Mission rencontrent régulièrement leurs homologues de Barcelone.

La troisième façon de soutenir le SG de Barcelone, c’est de l’aider à prendre de l’autonomie. Au début, et pendant assez longtemps, il fallait bien en effet que cette initiative fût très cadrée, et toute action très clairement validée par les différentes instances – coprésidence, réunions des ministres des Affaires étrangères, (réunion dite des hauts fonctionnaires, en fait les ambassadeurs) puis des ministres techniques…

Tout cela était évidemment nécessaire comme instance de validation, mais maintenant que l’UPM est relativement bien comprise par les pays riverains et les pays européens, il faut que le Secrétariat général lui-même puisse travailler, disons « interpréter » le mandat qui lui a été donné, afin de répondre aux exigences de l’heure, par exemple en ajoutant à ses thèmes d’intervention des priorités désormais évidentes – comme la sécurité alimentaire et l’agriculture, ou encore la santé – qui ne font pas explicitement partie du mandat originel, et s’imposent dans la situation nouvelle créée par le Printemps arabe.

Le temps est venu pour l’UPM, je crois, de libérer l’initiative du Secrétariat général de Barcelone. La nomination d’un nouveau SG va y aider. Ce sera une personnalité du sud, et forte, capable de discuter vraiment avec des chefs d’État, c’est très important.


LeJMED.fr – Avez-vous le sentiment que l’émergence du « Printemps arabe » a fait progresser nos partenaires européens dans la compréhension – et l’acceptation ! – de la nécessité d’un partenariat renforcé avec les pays sud-méditerranéens ? C’était loin d’être évident, en 2007-2008…

Patrick Barraquand – Ah, ça oui ! Je pense que c’est devenu clair ! Il existe encore des débats au sein de l’UE sur la manière dont il faut conduire l’UPM, mais plus personne, à la lumière des changements politiques intervenus – et qui n’ont pas fini ! –, ne conteste la pertinence de l’idée ! On peut toujours être critiqué pour la lenteur, ou sur tel ou tel aspect de la gouvernance, mais je pense que le principe lui-même n’est vraiment plus mis en cause, et que tout le monde, a posteriori, est bien contraint d’en reconnaître la pertinence et l’intérêt.
Cela va – et c’est très important – jusqu’au point de reconnaître qu’un organe qui n’est pas exclusivement européen – puisque par définition il associe directement les pays du sud à sa gouvernance – est aujourd’hui indispensable, car il correspond aux besoins de l’évolution politique actuelle.


LeJMED.fr – Et le « mécano financier » de l’UPM ? Où en sommes nous avec l’hypothèse de la création d’une Banque de la Méditerranée, après que votre équipe a contribué à faciliter la création d’Inframed, ou encore du fonds expérimental du FARO ?

Patrick Barraquand – Il y a une nécessité, en Méditerranée, d’avoir un cadre où l’on puisse parler, travailler ensemble sur des projets géopolitiques, mais aussi économiques, sociaux, éducatifs etc., et il est tout aussi nécessaire d’être capables de financer ces projets !

Pour mobiliser les financements, il faut à la fois augmenter l’attractivité et la force de proposition.
Sur le premier point, pour nous et pour le moment, c’est principalement l’établissement d’une Charte de garantie des investissements qui nous paraît la priorité. Pour réduire cette inégalité considérable de développement entre pays contigus, que nous évoquions tout à l’heure, les pays de la rive sud ont évidemment besoin d’investissements – non seulement industriels, mais aussi directement au bénéfice des populations, comme l’éducation – et des investissements toujours orientés vers le développement durable. Ce n’est pas une question de mode, c’est l’exigence d’une vision à long terme. La Méditerranée est en réalité un espace particulièrement menacé par le réchauffement climatique, et soumis aussi à la pression des besoins d’une forte démographie, donc elle a très profondément besoin d’un développement durable. Par ailleurs, elle présente un potentiel énorme en matière d’énergies renouvelables, et en ce domaine une association intelligente entre le nord et le sud serait aussi profitable à l’Europe.

L’établissement d’une Charte visant à augmenter l’attractivité est aussi un travail de long terme. Il existe quelquefois des chartes bilatérales, souvent peu satisfaisantes, qu’il faut renforcer et faire entrer dans un cadre multilatéral. Ce n’est pas simple, mais nous y travaillons. Concrètement, il existe déjà un projet de charte, évidemment un texte martyr qui ne ressemble peut-être pas encore beaucoup à ce qu’il sera in fine, et dans ce domaine il est important de souligner que nous sommes soutenus par nos partenaires allemands, qui y tiennent aussi beaucoup.

Deuxièmement, il faut aussi augmenter la force de proposition de financements, mieux la cadrer, mieux la canaliser et pour cela nous continuons de penser qu’il est très important de créer une Banque de la Méditerranée. Je fais ici référence au Rapport déjà remis par la commission Milhaud, mais qui perdure et continue de travailler pour fournir un certain nombre de précisions pour décrire complètement la façon dont on pourrait mettre en œuvre les processus qu’elle recommande.

Quand je dis « nous », c’est qu’il y a de plus en plus de voix qui se rejoignent pour estimer qu’il conviendrait de filialiser le fonds FEMIP de la BEI pour créer une Banque de la Méditerranée, et totalement sans exclusive. C’est un point important que je tiens à souligner, car « totalement sans exclusive » signifie inviter au capital tout pays ou institution qui voudraient y participer – par exemple la BERD, ou des fonds arabes, ou encore des entités américaines. Cela n’empêcherait pas ces institutions financières de travailler en Méditerranée de façon indépendante, seules ou en syndication, quand elles sont en capacité de contribuer aux très grands financements nécessités par le Plan solaire méditerranéen, ou encore la politique de l’eau, ou les autoroutes de la mer…

Il existe dans le cadre de l’UPM un très grand nombre de projets structurants et « banquables », soit par des banques s’adressant aux entreprises, soit par des banques s’adressant aux États, pour les équipements structurels d’un pays. Pour tout cela, il y aura des tours de table larges à constituer dans les années à venir.


LeJMED.fr – Justement, actuellement la Commission Milhaud travaille sur les avantages comparés entre les options BERD et FEMIP, pour la création de la Banque de la Méditerranée. Mais, quand vous évoquez fortement l’option FEMIP, est-ce à dire que le débat est tranché ?

Patrick Barraquand – Non, je dis que je suis en faveur d’une filialisation de la FEMIP. Je pense en revanche que personne n’est exclu, et je suis très content que d’autres institutions financières aient envie de travailler en Méditerranée ! Il n’empêche que la Mission considère qu’il est nécessaire qu’il existe une Banque de la Méditerranée, qui structure l’approche, qui recrute des spécialistes compétents, qui ait l’expertise car les projets sont complexes. Et du fait de cette expertise, la Banque de la Méditerranée a vocation à devenir un chef de file.


LeJMED.fr – Les grands projets structurants sont nombreux en Méditerranée… mais la Mission a désormais aussi le souci de promouvoir des projets plus modestes, mais plus proches, comme le fonds expérimental du FARO, à Marseille…

Patrick Barraquand – Le projet FARO, initié par Julien Aubert au sein de la Mission, est effectivement très intéressant. Nous sommes là en effet aux antipodes des grands projets structurants. Il s’agit de donner accès à des fonds d’amorçage pour les porteurs de projets innovants méditerranéens, de susciter la création d’incubateurs, de pépinières, pour que les idées innovantes, quelles qu’elles soient, trouvent une aide. C’est pour l’instant une récente initiative française, mais qui intéresse déjà d’autres pays : un FARO sera prochainement créé au Liban, le Maroc y travaille, d’autres pays y réfléchissent… Nous espérons bien essaimer avec cette idée.


LeJMED.fr – Avez-vous le sentiment que les représentants des pays du sud s’expriment désormais avec une plus grande liberté de parole, et affirment une attitude plus proactive au regard des possibilités offertes par l’UPM ?

Patrick Barraquand – Qu’ils aient une plus grande liberté de parole, c’est flagrant ! Mais au-delà des généralités sur le Printemps arabe, et une fois reconnue et saluée l’espérance de libération démocratique qu’il porte en lui, je crois qu’il convient de concentrer notre attention sur les cas particuliers de chacun des pays, car les différences sont aussi importantes.

Deuxième point à relever : il y a une grande demande d’Occident et de France, dans chacun de ces cas, mais il y a aussi un grand souci de rester maître du processus. C’est pourquoi je ne suis pas sûr que ce soit à des instances officielles de prendre une part majeure dans l’accompagnement, pourtant nécessaire, de la conduite du processus de transition.
Je pense qu’il faut être respectueux, écouter et répondre à la demande quand elle est formulée.
Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, a rappelé que nous écoutons, sans a priori sur les contenus politiques qui peuvent émerger, et que notre seule exigence, en tant qu’observateur et participant éventuel au processus, est de nature démocratique. Ce que nous voulons, c’est qu’il y ait véritablement un débat, la liberté de l’expression des volontés, mais sans idées préconçues sur les contenus eux-mêmes. C’était très important de le dire très clairement.
Pour ma part, il me semble que pour le moment les contacts entre représentants des sociétés civiles des pays ayant l’UPM en commun sont probablement sinon les seuls éligibles, du moins prépondérants et essentiels.


LeJMED.fr – À propos de la représentation active de la société civile dans le processus d’édification de l’UPM, pourquoi ne s’inspire-t-on pas de notre Conseil économique et social, ou d’institutions équivalentes d’autres pays ? Y avez-vous pensé ?

Patrick Barraquand – C’est une bonne idée, oui ! Le Conseil économique et social, justement, a fait des propositions, sur lesquelles nous travaillons !


LeJMED.fr – Une dernière question, sur votre agenda… A très court terme, dès ce mois de mai, on attend donc la nomination d’un nouveau Secrétaire général pour l’UPM. Et concernant la Mission que vous dirigez ?

Patrick Barraquand – D’abord, il faut relever que par nature la mission interministérielle est transitoire, non pérenne. Elle a vocation à s’arrêter quand la mission est terminée. Formellement, elle aurait pu s’arrêter dès la création du Secrétariat général de Barcelone.
En fait, nous avons eu une approche plus pragmatique, considérant que si en effet le Secrétariat de Barcelone était installé, il lui faudrait un certain temps avant d’être pleinement opérationnel, et donc la Mission a été prorogée. Pour autant, nous n’avons pas à ce jour de date de fin de mission connue. Sans doute quelques mois, une année… ?
À la fin, ce qu’il nous restera faire, ce sera de transférer la totalité des dossiers au Secrétariat de Barcelone, sur une période qui durerait sans doute deux à trois mois.


LeJMED.fr – Mais, permettez que je vous livre mon sentiment : quel dommage de dissoudre une équipe qui aura capitalisé alors quelque quatre années d’expertise sur l’espace UPM ! J’ai du mal à comprendre que le MAEE dispose d’un Secrétariat d’État aux Affaires européennes, qui concerne donc 27 pays, et que l’on ne songe pas à la pertinence d’un Secrétariat d’État pour l’UPM, qui concerne 43 pays, et avec d’immenses enjeux stratégique… Cela dit, pour en revenir à votre agenda, c’était plutôt une question d’ordre pragmatique : quelles sont, en fait, vos échéances prioritaires dans les prochaines semaines ?

Patrick Barraquand – Nous avons un agenda avec énormément de lignes et de dates, puisque nous suivons une cinquantaine d’affaires considérées prioritaires, qui vont de l’OMJ aux autoroutes de la mer, en passant par la recherche scientifique, le Conseil économique et social, la convention de l’urbain, la politique de l’eau, etc.
Et sur chacune des ces cinquante lignes – certes pas toutes au même niveau de priorité, mais toutes importantes – nous avons à chaque fois une dizaine d’échéances sur un an et demi. Et des échéances parfois très précises : par exemple pour l’OMJ, dont les premiers candidats sont actuellement en cours de sélection par Campus France, ce que nous voulons, c’est payer des bourses dès septembre, et donc avoir préalablement obtenu les visas.
Et à très court terme, nous nous sommes fixé comme objectif de faire aboutir les premiers accords sur une politique de l’eau en Méditerranée. C’est un grand défi, il se jouera à Barcelone, dès les 17 et 18 mai prochains !

Un entretien exclusif pour LeJMED.fr
réalisé par Alfred Mignot

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La bio express de Patrick Barraquand
Normalien, agrégé d’Économie et Sciences sociales, Patrick Barraquand a eu une carrière professionnelle très orientée vers l’international.
Depuis 1992, il a assumé divers postes de responsabilité dans l’industrie aéronautique, d’abord chez Eurocopter (EADS), puis chez Safran, à Moscou (6 ans).
Auparavant, il avait rempli différentes fonctions dans le domaine de l’aide au développement, pour l’ONU, puis dans plusieurs sociétés de conseil, en Afrique et en Europe de l’Est.
Il a été nommé par Henri Guaino au poste de Secrétaire général de la mission interministérielle de l’UPM. Entré en fonctions le 1er février 2011, Patrick Barraquand a aussitôt entrepris de prendre des cours intensifs d’arabe…

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