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« Le secteur minier : piège ou opportunité pour l’économie ivoirienne ? », par Yves MARIKO et Raphaëlle CAMARCAT (AYC)

15 janvier 2022
« Le secteur minier : piège ou opportunité pour l'économie ivoirienne ? », par Yves MARIKO et Raphaëlle CAMARCAT (AYC)
La récente découverte d’un important gisement offshore appelé « Baleine » par l’ENI en Côte d’Ivoire, estimé entre 1,5 et 2 milliards de barils de brut, a relancé le débat sur l’exploitation des ressources du sous-sol ivoirien. Mais gare à la « maladie hollandaise » des rentes pétrolières, qui peut provoquer le repli des autres secteurs…

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Une contribution de Yves MARIKO,
cofondateur et coprésident de AYC

(Africa Youth Consulting)
et Raphaëlle CAMARCAT, manager AYC

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Jadis délaissé par le premier président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, le secteur minier attire désormais les faveurs des décideurs du pays, à commencer par le Président Ouattara.
De son côté, le FMI a récemment publié un billet pour inviter les États à contrer l’évasion fiscale dans le secteur minier en Afrique subsaharienne, afin que les États profitent au mieux de cette manne financière.

En effet, la rente minière pourrait permettre aujourd’hui à la Côte d’Ivoire d’accroître la mobilisation de ses ressources fiscales internes. Tout dépend, cependant, de la capacité et la manière de capter une juste part de cette rente. En effet, les taux restent difficiles à déterminer et la question d’un partage des bénéfices jugé « juste » ou « équitable » entre multinationales et autorités locales demeure au cœur du débat.
La fiscalité et la règle de droit auront donc un véritable rôle à jouer, pour que les activités minières ne se fassent pas au détriment des populations locales, mais plutôt à leur service…

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Rente minière et financement des infrastructures :
l’exemple de l’Afrique du Sud

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Un exemple historique à ce sujet est riche d’enseignements, celui de l’Afrique du Sud. Cet épisode remonte à la fin des années 1880, lors de la fameuse ruée vers l’or. Souhaitant faire fortune grâce à l’exploitation de mystérieux gisements d’or et de diamants, un grand nombre d’Européens s’étaient engouffrés dans le Witwatersrand, armés de pioches et de pelles.
Ces commerçants et hommes politiques ont fini par redessiner l’avenir du pays sud-africain sur le long terme… La capitale Johannesburg s’est formée peu à peu, au gré de leur arrivée, tandis que des banques, des hôtels et des bureaux voués à l’industrie de l’or ont progressivement vu le jour.

Plus important encore, la rente minière a également augmenté, permettant le financement d’infrastructures. Par exemple, la construction de transports publics, liant différentes mines aux ports principaux, a permis au gouvernement de percevoir de nouvelles sources de revenus vers la fin des années 1890. Aujourd’hui, l’Afrique du Sud demeure l’un des premiers extracteurs d’or et de diamants et l’une des économies les plus avancées du continent.

D’autres exemples de bonne gestion de ressources naturelles sont notables. Des villes marocaines se sont formées – de la même façon que Johannesburg – après la découverte d’importants gisements de phosphate, dans les années 1910.

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Au Maroc, l’OCP et la réussite
du port Jorf Lasfar

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La ville de Khouribga, par exemple, est rapidement devenue une métropole régionale, au fil du développement de l’Office chérifien de phosphates (OFC) en 1921. Désormais appelée OCP, cette compagnie marocaine est devenue le plus grand exportateur de phosphate brut au monde. Sous son impulsion et bénéficiant de sa croissance, le port Jorf Lasfar, situé à proximité des usines d’OCP, est devenu un point vital pour l’économie marocaine. Avec une quote-part de 38 % du trafic global, il est devenu le plus grand port minéralier de l’Afrique.

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Les effets néfastes
de la « maladie hollandaise »

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Toutefois, une grande dépendance économique vis-à-vis du secteur minier n’est pas sans risque pour la Côte d’Ivoire : la malédiction des ressources naturelles, plus connue sous le nom de « maladie hollandaise », ne peut être négligée. En effet, une mauvaise gestion des rentes pétrolières peut induire le repli des autres secteurs, en particulier celui de la manufacture.

Cela s’explique par une appréciation monétaire et par des tendances inflationnistes, induites par l’exportation importante de ressources naturelles. Ces mécanismes mettent à mal les secteurs manufacturier et industriel, par une perte de compétitivité-prix ainsi que de leur valeur ajoutée.

Les entreprises exposées voient alors leurs exportations diminuer, tandis que la valeur ajoutée de leurs ventes baisse progressivement. Autrement dit, le pays se désindustrialise graduellement, les importations manufacturières se substituant aux exportations et leur part dans la production nette du pays diminuant petit à petit. L’atrophie des secteurs empêche une industrialisation équilibrée, renforçant la dépendance de l’État face à la rente minière.

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De la dépendance à la rente
à la réduction des contributions fiscales

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En parallèle, cette dépendance présente logiquement un second risque : celui du manque de diversification des instruments fiscaux. Ces dernières années, la dépendance à l’égard de revenus issus du secteur minier s’est accrue à travers le continent.

Par exemple, les recettes induites par les activités minières ont augmenté de 70,3 % en un an au Ghana. Leur contribution, au sein des recettes publiques, est en hausse depuis trois ans. Cela a non seulement laissé les États vulnérables à la merci de la volatilité des prix, mais a également limité l’ampleur des transitions fiscales, en réduisant le nombre de contribuables. Les capacités fiscales s’en retrouvent alors sévèrement limitées et des systèmes d’imposition peu efficaces demeurent inchangés.

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Un « couteau à double tranchant »

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À ces deux risques, s’ajoutent des risques environnementaux, comme le rappelle la dégradation des alentours suite à l’excavation d’une mine de manganèse à l’Est de la Côte d’Ivoire. Dénoncée par les habitants de la ville la plus proche – Similimi – l’exploitation de cette région a contribué à la pollution des sources d’eaux, à la stérilisation de certaines terres et à la dégradation des plantations...

L’exploitation du secteur minier s’apparente ainsi à un couteau à double tranchant, et peut être source tant d’opportunités que de déséquilibres macroéconomiques et environnementaux pour la Côte d’Ivoire et ses habitants. Si certains pays – tels que l’Afrique du Sud ou le Maroc – ont réussi à en tirer des bénéfices importants, libérant le potentiel de croissance du secteur, il faudra que la Côte d’Ivoire se munisse de précautions pour suivre avec succès leur sillage.

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