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Le modèle allemand est-européen d’intégration régionale est-il transposable en Méditerranée ?

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 9 février 2011 | src.IPEMED
Le modèle allemand est-européen d'intégration régionale est-il transposable en Méditerranée ?
Paris -

Le petit-déjeuner de l’IPEMED, vendredi 4 février 2011, avait pour thème « Allemagne et Méditerranée : véritable stratégie ou indifférence ? » Quatre orateurs invités d’honneur ont pu croiser et partager leurs analyses avec les nombreux participants : Hans Stark, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes et chercheur à l’IFRI ; Hassan Benabderrazik, économiste marocain, et François Gérin, Directeur général adjoint du groupe Siemens SAS. Une rencontre très instructive, qui, sottovoce, a pointé les sources de certains malentendus franco-allemands sur la question méditerranéenne…

Photo ci-dessus : Jean-Louis Guigou (à gauche), Délégué général fonateur de l’IPEMED, et les orateurs invités d’hhonneur. © IPEMED


Titre original

« Allemagne et Méditerranée :
véritable stratégie ou indifférence ? »

Un article de Véronique Stephan, de l’IPEMED

IPEMED est un ardent défenseur de la construction d’une région euro-méditerranéenne intégrée pour bâtir un espace de croissance durable et solidaire. Pour autant, cette conviction conduit aussi notre institut à s’interroger sur la réalité de l’existence géopolitique et économique de cet espace. C’est dans ce contexte qu’IPEMED initie en 2011 un cycle de trois rencontres, trois petits déjeuners de la Méditerranée, consacrés à la place de la Méditerranée dans la stratégie des grandes puissances économiques mondiales : l’Allemagne, les BRIC et les États-Unis. La première rencontre de ce triptyque s’est tenue vendredi 4 février, à Paris.

Hans Stark, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes et chercheur à l’IFRI ; Hassan Benabderrazik, économiste marocain, et François Gérin, Directeur général adjoint du groupe Siemens SAS ont pu croiser leurs points de vue autour du thème « Allemagne et Méditerranée : véritable stratégie ou indifférence ? ».

Cette rencontre a également été l’occasion de s’interroger sur la stratégie allemande d’intégration régionale vers pays d’Europe centrale et orientale. Cette stratégie industrielle fondée sur la proximité, la complémentarité et la solidarité peut-elle servir de modèle pour la région euro-méditerranéenne ?

L’UPM, une réplique au tropisme est-allemand ?

Pour Hans Stark, la politique française et européenne en Méditerranée peut être analysée comme une réplique au tropisme allemand vers les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) : le processus de Barcelone a fait suite au projet d’élargissement à l’Est en 1994, lorsque l’Allemagne présidait l’Union européenne, et le projet d’Union pour la Méditerranée intervient après la mise en place en 2004 de la politique européenne de voisinage, qui intensifiait les relations avec l’Ukraine, la Géorgie, et la Moldavie notamment.

Le choix fait par la France de proposer une union méditerranéenne sans l’Allemagne vient-il de ce que l’Allemagne n’avait précisément pas de stratégie en Méditerranée ? Pour Hans Stark, c‘est probable. Il est en effet difficile de parler de véritable stratégie allemande dans la région, mais plutôt d’intérêts bien compris :

 un partenariat privilégié avec la Turquie et Israël : 5 millions de Turcs résident en Allemagne et le soutien à l’État d’Israël a toujours été au cœur de la politique extérieure de l’Allemagne ;
 la lutte contre le terrorisme, depuis le 11 septembre 2001 ;
 la coopération énergétique, notamment pour contrecarrer une dépendance énergétique allemande à l’égard de la Russie jugée trop importante et risquée ;

Des intérêts économiques qui sont croissants, même s’ils restent mineurs (les échanges entre l’Allemagne et les PSEM ont augmenté de 16 % entre 2000 et 2008, mais ne représentent que 1,2 % des échanges extérieurs de l’Allemagne).
Enfin la défense des droits de l’homme.

Pourquoi si peu d’échanges entre l’Allemagne et la Méditerranée ?

Sur le plan des échanges économiques, les exportations de l’Allemagne vers l’Égypte, la Libye, le Maghreb, et le Soudan (ce que la Chambre de commerce et d’Industrie allemande qualifie de « Maghreb ») sont de 8 milliards d’Euros, soit à peine 0,85 % des exportations totales du pays. Par comparaison, l’Allemagne exporte vers la seule Turquie pour 15 milliards d’Euros et 2,7 milliards d’Euros vers Israël.

Les produits alimentaires, les textiles, les équipements, l’énergie et le tourisme constituent les principaux types d’échange. L’énergie solaire est évidemment le point central de l’engagement économique de l’Allemagne en Afrique du Nord, notamment via les entreprises allemandes présentes dans le projet Desertec (cf. petit déjeuner IPEMED du 26 novembre 2010).

Pourquoi si peu d’échanges entre l’Allemagne et la Méditerranée ?

Deux raisons principales peuvent l’expliquer, souligne Hans Stark : les conflits dans la région et l’absence de coopération régionale Sud/Sud. Contrairement aux PECO qui avaient développé une coopération entre eux, la région méditerranéenne n’est pas intégrée dans son Sud. C’est pourquoi l’Allemagne met en place une coopération bilatérale avec certains pays et ne s’inscrit pas dans une politique de coopération régionale.

Un modèle allemand d’intégration régionale ?

L’Allemagne a réussi à inventer un modèle de coopération régionale vers les PECO faisant valoir deux grands avantages : la proximité et la complémentarité.

Grâce à la mise en place de réformes domestiques d’envergure (réforme de l’Etat providence, réduction des charges fiscales…) une réorganisation du système de production sur une base régionale, avec un partage de la valeur ajoutée avec les PECO, et l’appui au redéploiement des firmes nationales vers ses voisins orientaux, les Allemands ont su gérer les contraintes de la mondialisation de manière plus coordonnée que les Français.

Ce modèle est-il transposable en Méditerranée ? Le Maghreb peut-il jouer pour les pays latins le rôle qu’ont joué les PECO vis-à-vis de l’Allemagne ? « Sans doute pas aujourd’hui » répond Hassan Benabderrazik. « Ce qui a fait la force de l’Allemagne n’est pas en œuvre dans la politique française » poursuit-il. Le refus de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, et l’absence d’un véritable transfert de valeur ajoutée de la part des entreprises françaises, constituent un frein.

C’est aussi la fidélité entre constructeurs et sous-traitants, caractéristiques de la stratégie des entreprises allemandes, qui fait la force de l’Allemagne, complète François Gérin.

Mais pour le groupe Siemens, c’est la durabilité de la fourniture énergétique (soleil et vent) qui motive principalement son implantation dans la région. François Gérin souligne l’importance que des projets concrets tels que DII voient le jour, car ils contribuent aussi au développement économique de la région.

Quelles perspectives ?

La perspective d’intégration des PECO au sein de l’Union européenne avait permis d’imposer aux PECO de créer, en amont de leur adhésion, une zone de libre échange entre eux. Une intégration régionale méditerranéenne pourrait être renforcée par une meilleure coopération entre les pays du Sud. La transition démocratique que connaissent aujourd’hui certains pays de la région fait naître l’espoir d’une meilleure coopération Sud / Sud, fait remarquer Abdenour Keramane, au cours du débat.

L’union aura-t-elle alors le courage de proposer une adhésion pleine et entière aux pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, pour construire une véritable Union méditerranéenne ?

Véronique Stephan – IPEMED


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