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Franco Bassanini

- Il voit l’UPM en « laboratoire pour un nouveau modèle de développement »

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 1er juin 2010 | src.leJmed.fr
- Il voit l'UPM en « laboratoire pour un nouveau modèle de développement »
Paris -

Excellent francophone et éminent francophile, Franco Bassanini, Président de la Cassa Depositi e Prestiti italienne était aussi, ces jours derniers, un Parisien très actif : le 26 mai, il présidait avec Augustin de Romanet (CDC, France) et trois autres partenaires au lancement du fonds Inframed, le premier fonds spécifiquement dédié aux investissements structurels dans l’Union pour la Méditerranée ; la veille, le 25 mai, il participait aux Ateliers de Management du Patrimoine méditerranéen, au Carrousel du Louvre.

Dans son allocution, que nous reproduisons ci-dessous intégralement, le Président Franco Bassanini s’est montré un ardent militant de l’Union pour la Méditerranée… dont il a souligné la complémentarité des potentiels nord-sud, ainsi que la vocation des pays du Mare Nostrum à constituer une réponse à la « régionalisation » de la globalisation et, plus encore, à devenir « un laboratoire pour un nouveau modèle de développement ».
Photo ci-dessus : Franco Bassani, Président de la Cassa Depositi e Prestiti (Italie), lors de sa prise de parole à l’occasion du lancement du fonds Inframed dédié à l’UPM, à Paris, le 5 mai 2010. © leJmed.fr - mai 2010


L’allocution de Franco Bassanini,
Président de la Cassa Depositi e Prestiti (Italie)

« Il y a cinquante ans, les États européens ont compris qu’ils ne pouvaient pas « vivre » tout seuls. Les motifs des Pères Fondateurs n’étaient pas seulement économiques, mais aussi politiques, géopolitiques, sociaux et culturels.
La Communauté européenne (CEE) est née en 1957 et comprend six états fondateurs (Italie, Allemagne, France, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas).
Parmi les objectifs de la CEE, il y avait l’union économique de ses membres, en vue d’une éventuelle union politique.

Mais on comprit bien vite que la Communauté à six avait une taille insuffisante par rapport à la nouvelle globalisation. Ainsi la Grande-Bretagne, l’Irlande, les États ibériques, l’Autriche, la plupart des pays scandinaves sont entrés dans l’Union.

Lors de son allocution à l’occasion du lancement du fonds Inframed, à Paris le 26 mai 2010, Franco Bassanini, Président de Cassa Depositi e Prestiti (Italie), entouré de Augustin de Romanet, Directeur général de la Caisse des Dépôts (à gauche sur la photo) et de Philippe de Fontaine Vive, Vice-président de la Banque européenne d’investissement (BEI), « patron » de la Femip. © leJmed.fr - mai 2010

Avec la chute du Mur de Berlin et l’intensification de la concurrence globale, l’élargissement aux pays de l’Europe orientale, divisés de l’Europe occidentale pendant de nombreuses décennies par le rideau de fer, mais unis par l’histoire, par la culture et par les intérêts géopolitiques, devint presque inévitable : une opération difficile et complexe, par la diversité des niveaux de développement et des systèmes juridiques et économiques, qui doit encore être terminée.
À l’origine constituée des six états fondateurs, l’Union européenne, avec le dernier élargissement (2007), est maintenant composée de 27 états membres.
Aujourd’hui, l’Union européenne est composée de 27 états membre, est en termes de population la troisième zone du monde. Elle est encore la première en termes de PIB, mais elle ne le restera pas longtemps si elle n’augmente pas son rythme de croissance. Quant à son influence politique, elle doit renforcer son unité politique pour aboutir à un système de gouvernance globale multipolaire, face au risque d’un nouveau bipolarisme sino-américain.

L’UPM, une réponse à la « régionalisation » de la globalisation

La fin du bipolarisme a ouvert les portes à la globalisation. La technologie permet au marché global de multiplier les échanges commerciaux, financiers et culturels. La compétition économique s’intensifie. Les flux migratoires amènent une multitude de personnes vers les zones les plus riches de la planète. L’Europe se rend compte qu’elle ne peut plus vivre toute seule. Dans la géopolitique de la globalisation, de grands systèmes politico-économiques rivalisent : la Chine, l’Inde, les États-Unis.
L’Union pour la Méditerranée pourrait être une réponse. Elle a un fondement historique, culturel, économique et politique solide.

Depuis des millénaires, le bassin de la Méditerranée est le berceau de notre civilisation. L’histoire de l’Égypte ancienne, de la Grèce, d’Israël, de la Perse, de Rome, a jeté les bases sur lesquelles, au fil des siècles, se sont développées la civilisation et la pensée modernes.
Aujourd’hui, dans l’ère de la globalisation, la civilisation méditerranéenne peut devenir la base de valeurs communes sur lesquelles construire un nouveau monde de paix et de coopération.

L’Union doit se fonder sur un nouveau mode de concevoir les relations entre pays européens et pays des côtes méridionales et orientales de la Méditerranée. Ce qui manque aux pays du Nord, comme le dynamisme démographique, les marchés et l’énergie, peut être trouvé quelques kilomètres plus au Sud ; ce qui manque au Sud, comme les technologies, l’organisation, et donc un contexte favorable pour les investissements et pour la production, peut en revanche être trouvé au Nord.

« Un “laboratoire” pour un nouveau modèle de développement »

Pour le futur des nouvelles relations économiques, le bassin de la Méditerranée pourrait devenir un « laboratoire » pour un nouveau modèle de développement, en mesure de bâtir des nouvelles règles communes dans la diversité de ses civilisations, en faisant faire ensemble aux problèmes dramatiques du changement climatique dans la région, en cherchant d’inventer l’énergie du futur.
Les besoins qui caractérisent les côtes du Sud et au même temps leurs potentialités deviennent une opportunité exceptionnelle pour le développement de nouvelles industries et de nouveaux comportements dus à la pénurie des ressources et aux dangers des changements climatiques.

Mais, le démarrage de l’UPM rencontre de nombreuses difficultés. Sur le terrain politique, il s’agit du conflit israëlo-palestinien d’un côté, la tendance des pays du Nord de l’Europe et de l’Europe centrale à privilégier les relations vers l’Est, de l’autre côté.

Sur le terrain économique et social, les déséquilibres entre la côte Nord et la côte Sud sont encore très marqués ; ils alimentent des flux migratoires de grande ampleur qui génèrent des problèmes d’intégration dans les pays de la côte Nord.
La réponse réside dans une coopération plus forte et plus efficace sur le terrain politique, économique et culturel.

L’expérience de coopération économique pour le développement euro-méditerranéen des quinze dernières années indique clairement que les modernisations de façade et les politiques néolibérales ne donnent pas nécessairement une impulsion à la croissance des économies du Sud et surtout ne suppriment pas les immenses poches de pauvreté, de chômage et, dans certains cas, d’analphabétisme.

Multiplier les initiatives et soutenir surtout les PME

Il faudrait donc multiplier les initiatives dans la Méditerranée dans les infrastructures et dans la promotion et le soutien des entreprises, surtout des PME. La priorité doit passer à travers la création d’un grand espace financier qui assure aux pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée un flux d’investissements nécessaires pour une convergence économique rapide entre les différentes zones de la région. Cet espace financier devrait avoir des règles partagées et un système de justice internationale en faveur des investissements et des transactions financières. Et des instruments appropriés.

Dans les infrastructures, il faut accélérer les investissements dans le secteur de l’eau, des énergies renouvelables (en particulier l’énergie solaire et éolienne), des transports, des télécommunications, de la santé, des ressources humaines et des infrastructures urbaines en général. La demande en infrastructures sera, dans les prochaines années, très importante : des investissements adéquats dans les secteurs rappelés seront le véritable pivot du changement pour le futur de l’Union pour la Méditerranée.

Le fonds Iframed et (bientôt ?) la Banque de développement de la Méditerranée

Le premier instrument financier de l’Union pour la Méditerranée, le fonds InfraMed officiellement constitué le 26 mai2010, à Paris, il deviendra le premier instrument financier dans le cadre de l’UPM et deviendra un acteur significatif pour les investissements en infrastructures dans la région.

InfraMed a pour but de promouvoir l’investissement en fonds propres dans des projets exemplaires d’infrastructures environnementales, énergétiques et de transport, dans une région où les taux de croissance urbaine figurent parmi les plus élevés au monde. Le projet s’articule autour de la création d’un fonds d’investissement de 1 milliard d’euros dans des actifs et projets d’infrastructures des pays de la côte Sud et Est de la Méditerranée.

Dans le fonds InfraMed, les sponsors sont la Cassa Depositi e Prestiti SpA italienne, la Caisse des Dépôts et Consignations française, la Caisse de Dépôt et de Gestion du Maroc, l’EFG-Hermes Holding SAE égyptienne et la Banque Européenne d’Investissement.

Ce fonds, comme le Fonds Européen « Marguerite », s’inscrit dans le projet plus ample du « Club des Investisseurs de long terme », lancé avec des Institutions homologues d’autres Pays européens, visant à promouvoir le rôle positif des investisseurs de long terme pour la croissance et la stabilité de l’économie globale.

Une autre initiative importante a été lancée par le Président Sarkozy :la Commission Milhaud – dont j’ai eu l’honneur de faire partie – et qui a élaboré un document de propositions pour la constitution d’une Banque de développement de l’Union pour la Méditerranée.

Franco Bassanini durant son allocution aux Ateliers de Management du Patrimoine Méditerranéen, le 25 mai 2010, au Carrousel du Louvre. © leJmed.fr - mai 2010

Le rapport de la Commission Milhaud a tracé un bilan des instruments de coopération existants, et a montré la nécessité d’instruments de coopération effectivement partagés entre les pays de la côte Nord et ceux de la côte Sud de la Méditerranée : sur le terrain du financement des infrastructures, la Commission Milhaud reconnaît qu’Inframed pourra être le prototype d’instruments de ce type ; mais en ce qui concerne le financement des entreprises, et en particuliers des PME, et la promotion de marchés financiers modernes, elle souligne que les instruments de ce type sont totalement absents. La Commission propose donc de créer une banque de codéveloppement, en partant de l’expérience de la Femip, et réunissant autour de la BEI, les États de l’UpM qui veulent y participer, directement ou par l’intermédiaire d’institutions auxquelles ils participent comme CDC, CDP, CDG ou ICO.

Quelle que soit l’option qui sera finalement choisie, les analyses et les propositions de la Commission Milhaud représentent un autre signal concret de la nécessité de doter l’UpM d’instruments financiers forts d’intervention et de développement, pour renforcer encore plus la coopération entre le Nord et le Sud de la Méditerranée.
La crise économique et financière que nous vivons demande un changement radical de l’économie mondiale et de la globalisation, et demande de nouvelles règles des relations sociales, politiques, économiques et financières.

Les piliers du changement de l’après-crise

Ce changement devrait se baser sur quelques piliers, dont :

 de nouvelles règles pour les marchés financiers qui soient capables de reconnaitre la valeur du long terme ;

 de nouveaux principes économiques qui encouragent une croissance durable et respectueuse de l’environnement, et qui stimulent de nouveaux styles de vie et modèles de consommation ;

 une nouvelle géographie basée sur la solidarité et sur la convergence dans la croissance durable entre pays voisins, et non plus basée sur une distinction, désormais obsolète, entre Nord et Sud ;

 des relations politiques internationales et régionales et une de gouvernance mondiale basées sur des principes démocratiques et sur la collaboration entre égaux.

Mais, la coopération économique et financière a surtout besoin d’un fort substrat politico-culturel, de la redécouverte du patrimoine culturel commun de la Méditerranée : presque trois millénaires d’histoire faite d’échanges culturels, d’interrelations et d’influences réciproques, où chaque peuple de la Méditerranée a enseigné et appris, a donné et a reçu, dans un processus d’enrichissement collectif qui n’a de pareil dans l’histoire de l’humanité. »

Franco Bassanini
Président de la Cassa Depositi e Prestiti
Carrousel du Louvre, Paris – 25 mai 2010


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