Le Président Étienne GIROS devant l’AG du Cian, à Paris : « Assumons de le dire : tout en étant profitables, ce que nos entreprises françaises font en Afrique, c’est bien ! »
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par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
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Après que les résolutions de l’Assemblée générale – rapport moral et financier, élection des administrateurs… – ont toutes été adoptées à l’unanimité, et après que les douze nouvelles entreprises adhérentes se sont brièvement présentées devant l’assemblée, le Président Étienne Giros a effectué comme chaque année son traditionnel tour d’horizon de l’actualité africaine, considérée du point de vue des entreprises.
Le Président du Cian a d’abord évoqué les multiples facteurs contribuant à une certaine « ambiance générale de morosité », notamment les tensions géopolitiques en Afrique et dans le monde – dont la guerre en Ukraine et ses conséquences sur le renchérissement de certaines matières premières – les perturbations logistiques dues à la pandémie de la Covid-19 – « L’Afrique est assez souvent la première touchée parce qu’elle peut pour certains servir de variable d’ajustement dans ce domaine de la logistique », explique Étienne Giros –, ainsi que les défis liés à l’environnement économique général, marqué par un retour de l’inflation et un certain tassement la croissance.
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« Les fondamentaux prometteurs
de l’Afrique n’ont pas changé »
« Les fondamentaux prometteurs
de l’Afrique n’ont pas changé »
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Ce contexte contribue à renforcer l’aversion au risque de la part de nombreuses entreprises, et comme « l’Afrique a mauvaise presse », elle est une fois encore la première impactée, nombre d’entreprises s’en détournent, influencées par des « jugements en général erronés sur l’Afrique, traduisant une méconnaissance profonde, colportés par certains personnels politiques, la presse, la télévision… », déplore Étienne Giros.
« Notre rôle, notre plaidoyer, c’est de remettre l’église au milieu du village ! Rappeler que malgré cette morosité, les fondamentaux prometteurs de l’Afrique n’ont pas changé. La croissance des pays africains, pour certains jusqu’à 9 %, est toujours une réalité. Dans vingt ans, il y aura en Afrique 1 milliard de consommateurs en plus. L’ouverture de l’Afrique au monde, l’entrée de l’Afrique dans le marché mondial du commerce, l’arrivée de nouveaux acteurs que sont les Indiens, les Turcs, les Chinois, le dynamisme de la jeunesse… tous ces fondamentaux demeurent une réalité, la morosité du moment n’y change rien.
Donc, j’en ai la conviction, l’Afrique sera sans doute aucun l’une des grandes puissances économiques du monde de demain » déclare Étienne Giros en conclusion de cette première partie de son propos.
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« Il n’y a pas en Afrique de sentiment
anti-entreprises françaises »
« Il n’y a pas en Afrique de sentiment
anti-entreprises françaises »
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Abordant ensuite la question du « sentiment anti-français dont on nous rebat les oreilles », le Président du Cian a considéré qu’il est largement exagéré, observant que s’il y a dans certains pays un sentiment anti politique française, souvent instrumentalisé par une certaine puissance étrangère ou des partis populistes locaux, « je n’entends pas nos membres parler d’un sentiment anti-entreprise française. Il n’y a pas de rejet. »
Aussi, continue Étienne Giros, « nous n’avons pas, nous autres Français, à rougir de notre travail en Afrique. Nous délivrons de bons services, nous produisons des biens corrects, de bonne qualité, c’est reconnu. Et surtout nous nous comportons bien. Nous avons une politique de RSE, de compliance, de conformité correctes. Nous participons à la lutte contre le réchauffement climatique.
Nous n’avons pas à rougir de ce que nous faisons, et encore moins si l’on se compare aux nouveaux compétiteurs en Afrique. Et je vais même plus loin : nous pourrions et nous devrions être le fer de lance de l’image et la position de la France en Afrique : puisque la politique française dans certains pays est critiquée pour sa position militaire, pour sa position diplomatique, tablons davantage sur l’entreprise !
Quand l’un de nos membres a trois hôpitaux de 75 lits chacun et qu’il délivre des soins gratuitement dans ses trois hôpitaux, c’est quand même bien ! Quand les budgets de RSE augmentent, quand dans les entreprises françaises on promeut l’égalité des genres, quand on développe des actions sociales importantes pour l’inclusion, quand les entreprises françaises jouent à fond la carte de la production locale (local content), quand nous procédons à l’africanisation des cadres, quand nous nous n’arrivons pas avec 1 000 ou 2 000 employés français sur un chantier mais que nous recrutons à 100 % localement, quand nous contribuons significativement à la formation professionnelle… Assumons de le dire : tout en étant profitables, ce que nos entreprises françaises font en Afrique, c’est bien !
C’est pourquoi il faut convaincre d’autres entreprises françaises que malgré le contexte, il faut aller en Afrique, et persuader nos autorités publiques qu’elles devraient davantage s’appuyer sur les entreprises privées. Voilà le premier élément de notre plaidoyer. »
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« Nous ne voulons pas le Far West,
mais des mesures correctrices »
« Nous ne voulons pas le Far West,
mais des mesures correctrices »
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Abordant ensuite le sujet des réglementations et des standards de comportement, Étienne Giros s’y est déclaré favorable, considérant
qu’ils vont dans le bon sens et que cela constitue pour les entreprises françaises un élément différenciant positif vis-à -vis des nouveaux acteurs que sont les Chinois, les Indiens, les Turcs, etc.
« Cependant, admet le Président du Cian, nous ressentons auprès de nos adhérents une réticence à cette réglementation. Pourquoi ? Ce n’est pas une réticence morale, ni que l’on soit contre. C’est que les entreprises ressentent un certain nombre de risques sur ce sujet. Le premier risque, c’est qu’il est assez difficile de mettre en œuvre ces réglementations en Afrique parce que 80 % de l’économie est informelle. Or, les questions de conformité doivent être documentées, mais c’est souvent difficile car justement la documentation est manquante.
La deuxième difficulté à laquelle sont confrontées les entreprises est le risque judiciaire et réputationnel. Quelques ONG ou groupuscules activistes qui nous veulent du mal, qui n’aiment pas le secteur privé, qui n’aiment pas les entreprises » sont à l’affût pour se saisir de toute occasion de nuire aux entreprises en portant plainte. Peu importe à ce stade si la plainte est fondée ou pas, car la machine médiatique et des réseaux sociaux s’emballe instantanément, produisant aussitôt les dommages réputationnels.
« Nous sommes en faveur des réglementations, mais il faudrait introduire des mesures correctrices pour éviter ce genre de situation et que donc les opérateurs ne craignent plus de se projeter en Afrique. C’est un plaidoyer que nous menons assez en finesse, car il ne faut surtout pas être perçus comme des gens opposés aux réglementations, nous ne voulons pas le Far West, pas du tout ! » s’exclame Étienne Giros.
La question du financement de l’économie africaine est le dernier point que le Président du Cian a tenu à évoquer : « Il y a de l’argent en Afrique, mais il n’arrive pas jusqu’aux projets à financer. Selon nous, et c’est un élément permanent de notre plaidoyer, l’aide publique au développement devrait être davantage orientée vers le secteur privé et sur les projets portés par les entreprises, plutôt que seulement sur les programmes des gouvernements. Non pas à la place, mais en complément. »
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