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Les Ateliers d’information de Business France Paris

Le Nigeria, un pays à faire rêver les chefs d’entreprise... ou les faire cauchemarder

8 juin 2018
Le Nigeria, un pays à faire rêver les chefs d'entreprise... ou les faire cauchemarder
Pour toute entreprise qui vise le marché africain, c’est le pays aux 200 millions d’habitants où il faut être. C’est ce qu’ont dit et répété les participants à un Atelier d’information « Choose Nigeria », organisé à Paris par Business France, mardi 5 juin. Mais si le futur de ce grand pays de l’Afrique subsaharienne paraît très séduisant, la route pour y arriver est pavée de chausse-trappes. Explications.



Par Jean-Louis Alcaide, AfricaPresse.Paris

L’El Dorado du XXIe siècle. Lors de l’Atelier d’information Nigéria, organisé mardi 5 juin 2018 par Business France à Paris, les intervenants ont rivalisé de superlatifs, expressions imagées et bons mots pour décrire ce que sera, à leurs yeux, le brillant avenir de ce grand pays de l’Afrique subsaharienne où se rendra «  très prochainement le président de la République, Emmanuel Macron  ». Et surtout inciter les entreprises et les investisseurs à s’intéresser et aller au Nigéria pour y faire des affaires. Ce qu’ont déjà fait plus de 120 entreprises françaises, comme Axa, Servier, Lafarge, Danone, ou plus récemment (depuis trois ans) Orange, Eutelsat, Konbini, Essilor, Oberthur, JCDecaux, Nutriset, etc.

« La Chine de l’Afrique »...

Florilège d’incitations. Denys Gauer, ambassadeur de France au Nigéria : « Les opportunités sont considérables (…). L’avenir de la croissance mondiale se trouve en Afrique, or l’Afrique c’est d’abord le Nigeria ». Bolaji Balogun, Chairman de Lafarge Africa Plc : « Le Nigeria, c’est la Chine de l’Afrique ». David Langlois, directeur général de Pernod Ricard Nigeria : « On ne peut pas dire que l’on a des ambitions en Afrique sans être au Nigeria ». Denis Pagnac, PDG de Summview (logiciels) : « Faire l’impasse sur le Nigeria, ce serait faire l’impasse sur les États-Unis sur le continent américain ». Mounir Alhoz, chargé de développement des secteurs Art de Vivre, Santé, Tech et Services de Business France Lagos : « Le Nigeria, c’est un océan d’opportunités » !

Attraits et atouts

Le pays, il est vrai, ne manque pas d’attraits et d’atouts. Plus de 190 millions d’habitants aujourd’hui, 400 millions prévus d’ici 25 ans, voire 500 millions. C’est une population jeune, en pleine transformation du fait d’une urbanisation galopante, avec des « élites bien formées » et une classe moyenne en fort développement, « nombreuse, curieuse qui a envie d’essayer de nouvelles choses et dispose d’un pouvoir d’achat équivalent à celui de nos économies occidentales », selon David Langlois. Le pays compte de nombreuses ressources, à l’instar du pétrole dont le Nigeria est le premier producteur en Afrique, comme l’a rappelé Patrice Anato, député et président du Groupe d’amitié France-Nigéria à l’Assemblée nationale.

Deuxième industrie cinématographique au monde

C’est aussi le plus grand marché télécoms en Afrique – le secteur représentait 12 % de son PIB en 2017 – avec 167 millions d’abonnement (avec des doublons) au mobile, 86 millions d’internautes et un taux de pénétration d’internet de 53 % (18 % en moyenne dans l’ensemble du continent). Le pays compte aussi plus de 90 pôles d’innovation et plus de 800 startups actives, avec à Lagos, le premier écosystème numérique d’Afrique (2 milliards de dollars en 2017). Enfin, le Nigeria compte une industrie des médias et du divertissement en plein essor : «  Nollywood  » est la deuxième industrie cinématographique au monde (en volume), avec quelque 2 500 films produits chaque année (80 % de la production africaine)…

Alimenter un marché de 200 millions d’habitants

De même, les opportunités d’affaires sont nombreuses. À commencer par l’agriculture, comme l’a expliqué Alain Réocroux, conseiller du président d’Olmix, car le pays « doit alimenter un marché de près de 200 millions d’habitants, mais a également l’ambition de nourrir l’Afrique ». Les besoins sont énormes, tant en termes de production d’électricité que de chaîne du froid, de stockage, et surtout de « conseils sur la structuration des filières », selon Régis Tromeur, directeur général Distribution de CFAO FMCG. Quant aux infrastructures… «  La faiblesse financière de l’État fait qu’il ne peut pas assurer la construction et la charge des infrastructures (routes, santé, etc.)… Ce qui est à la fois une chance pour les investisseurs, mais aussi un frein au développement  », a observé l’ambassadeur de France à Lagos.

Revers de la médaille

C’est là toute l’ambivalence actuelle du Nigeria : si ses atouts sont vraiment réels, le revers de la médaille est nettement moins enthousiasmant. Par exemple, les Nigerians sont certes très nombreux, mais la jeunesse est mal ou peu formée, ce qui crée notamment dans le Nord un « sentiment d’abandon », selon Denys Gauer. Et fait les beaux jours de Boko Haram dont les actions terroristes reviennent régulièrement dans l’actualité, installent un « problème sécuritaire  » et entraînent des « troubles religieux » dans tout le pays, selon Patrice Anato.

Côté économique, le chômage est important, l’inflation reste à un niveau élevé (12 %), les secteurs non pétroliers connaissent une « faiblesse persistante », le secteur bancaire est particulièrement « frileux du fait notamment d’un taux de créances douteuses en hausse », selon Emmanuelle Boulestreau, cheffe du Service économique régional Afrique de l’Ouest anglophone à la Direction du Trésor, tandis que le « maintien de différents taux de change brouille le fonctionnement du marché ».

Corruption élevée

Mais si, de l’aveu même des intervenants, « il y a au Nigeria des clients solvables et des industriels qui ont la capacité de devenir des partenaires car ils pèsent des centaines de millions de dollars », le pays se classe 148e sur 180, dans l’indice de corruption établi en 2017 par Transparency International (la France est 23e). De plus, selon le député Patrice Anato, outre les difficultés administratives de tous ordres, il convient de faire très attention aux « subtilités des législations fédérales, régionales et locales ». Enfin, comme l’a prédit un spécialiste, le pays pourrait « basculer à partir de l’année prochaine dans de fortes tensions politiques, avec un niveau de violences assez important, dans la perspective de nouvelles élections locales »

Trouver "le" bon partenaire

Malgré tout cela, quand on est chef d’entreprise ou investisseur et que l’on sait gérer les risques, il est sans doute temps de s’intéresser au Nigeria. Car si « ce n’est pas un pays facile, selon la jolie litote d’Emmanuelle Boulestreau, la dynamique est quand même très bonne ».
Plus catégorique, David Langlois affirme « il faut y aller sans tarder, car plus on tarde, plus le ticket d’entrée est cher ». Il sait de quoi il parle : sa société (Pernod Ricard) n’est arrivée au Nigeria qu’en 2012. Pour autant, il ne faut « y aller » qu’à plusieurs conditions. Dont les principales sont : primo, selon Gbenga Oyebode, CEO du cabinet d’avocats Aluko & Oyebode, et chairman de CFAO Nigéria, « trouver les bons partenaires commerciaux, industriels, financiers, juridiques, fiscaux » ; secundo prendre contact avec les responsables de Business France au Nigeria dont tous les intervenants ont salué l’implication, les connaissances et la qualité des conseils.

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PS - Publié mercredi 6 juin, le rapport de la CNUCED sur les investissements directs étrangers dans le monde en 2017 faisait apparaître un recul de 21 % des IDE opérés au Nigeria.

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