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Le « Manifeste pour la culture en Méditerranée » : une vision, des idées, un programme d’action

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 14 février 2013 | src.VOXMED.FR
Le « Manifeste pour la culture en Méditerranée » : une vision, des idées, un programme d'action
Paris -

Le Conseil culturel de l’Union pour la Méditerranée édite le « Manifeste pour la culture en Méditerranée ». Réalisé avec la collaboration d’artistes et d’acteurs culturels méditerranéens, l’ouvrage – un diptyque, avec une partie manifeste et l’autre composée de témoignages d’artistes – fera date, car il est le premier à rassembler et à mettre en forme des idées, convictions et intuitions souvent partagées d’une rive à l’autre de la Méditerranée, mais jusque là restées éparses.

Photo ci-dessus : Philippe Castro, Secrétaire général du Conseil culturel de l’UpM (CC UpM). En arrière-plan, deux tableaux de l’exposition Dessine-moi la Méditerranée, parrainée par le CC UpM. © Alfred Mignot - février 2013


« Le Manifeste » à proprement parler – un livret de XXI pages au format poche, piqué au centre de l’ouvrage rassemblant les contributions d’artistes – se présente comme un argumentaire raisonné : pourquoi la culture – « oubliée » lors du Sommet fondateur de l’Union pour la Méditerranée (UpM), en juillet 2008 – est une pièce maîtresse et indispensable à l’élaboration d’un avenir partagé ; comment faire pour promouvoir cette évidence pourtant méconnue des décideurs et de l’opinion publique.

Au nombre des évidences ignorées ou occultées par le déni ordinaire, un constat premier, avancé dans ce Manifeste, est que « par mille passerelles invisibles, les peuples du Bassin méditerranéen sont reliés. Par leurs modes de vie, leurs coutumes alimentaires, leur façon de concevoir la famille, le bonheur, une certaine forme de spiritualité… Une certaine unité dans la diversité, en somme (…) qui permet d’expliquer les sentiments paradoxaux qui se manifestent de part et d’autre, à la fois d’étrangeté et de proximité ».

Le second constat, en creux cette fois, est celui qui souligne l’échec désormais consommé de l’approche d’une coopération euroméditerranéenne essentiellement fondée sur la primauté des postulats économiques, comme le Processus de Barcelone (1995) et l’Union pour la Méditerranée (2008). Or, « On ne peut concevoir les relations entre les peuples sur la base des seuls échanges économiques » affirme le « Manifeste pour la culture en Méditerranée » (page V).

C’est à partir de ce double constat fondateur que le Manifeste, « sans prétendre à l’exhaustivité », développe sa vision pour la culture méditerranéenne.
« Ce sont des pistes d’action, parfois simples à mettre en œuvre ou à impulser, relève Philippe Castro, le Secrétaire général du Conseil culturel de l’UpM. Il faut noter que le Manifeste résulte d’un travail collectif, nous l’avons coécrit avec l’ensemble des artistes signataires » (1).

Parmi les pistes évoquées, « le premier combat à mener (…) est de parvenir rapidement à une meilleure affectation des crédits européens de voisinage (…) au profit des pays de la rive sud de la Méditerranée. Le second est de démontrer que la culture mérite un véritable effort financier pour exister, rayonner, se diffuser et devenir un point central des actions concrètes menées en faveur des peuples de la Méditerranée » (page XII du Manifeste).


Pour un « visa culturel »
et une « Capitale méditerranéenne de la Culture »

Le document évoque aussi trois axes de réflexion pour favoriser la mobilité des artistes : inscrire leur mobilité individuelle dans un « schéma global citoyen » qui aille au-delà du seul fait culturel (spectacle, expo…) ; « réviser progressivement les règles d’attribution des visas, trop souvent soumis à des critères éloignés des critères artistiques » ; « réfléchir à la mise en place d’un “visa culturel” en Méditerranée » (pages XIII-XIV du Manifeste).

Autres actions préconisées : soutenir l’émergence de lieux de création pour les artistes ; développer un réseau des opérateurs culturels et, bien sûr, lancer le concept d’une « Capitale méditerranéenne de la culture », inspiré de celui de « Capitale européenne de la culture » mais aussi de celui, plus récent, de « Capitale arabe de la culture », deux manifestations d’ampleur dont le succès et l’intérêt pour les populations – investissements structurants, programmation artistique, événements fédérateurs… – ne sont plus à démontrer.

C’est donc un Manifeste quasi « programmatique », puisque tourné vers l’action, vers l’élaboration d’un cadre de coopération concret, que propose le Conseil culturel de l’UpM.


« C’est le rôle et l’honneur des artistes
que de se situer aux avant-postes »

Reste que cette parution, en ce mois de février 2013, peut susciter la perplexité. Ce Manifeste survient en effet dans un double contexte : d’une part celui, porteur d’espérance, de Marseille-Provence 2013, capitale européenne (et, de fait, méditerranéenne) de la culture, dont l’un des objectifs essentiels est de magnifier cette « unité dans la diversité » des cultures euro-méditerranéennes ; d’autre part, le contexte angoissant des affrontements meurtriers et persistants dans plusieurs pays du sud méditerranéen qui, deux ans après la première vague des « printemps arabes », peinent encore à se pacifier, et à esquisser un vision d’avenir qui établisse un consensus pacificateur parmi leurs populations.

Dans le même temps, sur la rive nord de la Méditerranée, quatre pays – Grèce, Italie, Espagne, Portugal – vivent aussi une époque de grandes difficultés et même de souffrance, mais bien sûr sans aucune mesure avec ce qu’endurent les populations de plusieurs pays de la rive Sud et Est, de la Tunisie à nouveau déstabilisée par un assassinat politique à la Syrie toujours en guerre civile, sans oublier l’Égypte au bord d’une nouvelle insurrection, et la Libye divisée de fait par les rivalités tribales…

Résultat, certains se demandent si cette fois les deux rives de la Méditerranée ne sont pas en train de diverger profondément, irréversiblement ou pas, mais en tous cas pour longtemps. Pire, on évoque à nouveau une inéluctable « guerre des civilisations »…

C’est là une vision pessimiste assez répandue actuellement, mais que Philippe Castro récuse avec conviction : « Dans l’adversité, c’est le rôle et l’honneur des artistes que de se situer aux avant-postes, affirme le Secrétaire général du Conseil culturel de l’UpM. Voyez les printemps arabes : bien des artistes en furent les annonciateurs, au travers de leurs œuvres. Aujourd’hui, avec les artistes cosignataires du Manifeste, le Conseil culturel de l’UpM s’efforce de faire avancer la Méditerranée de demain.

Comme nous l’écrivons dans le Manifeste, nous partageons la conviction que le dialogue interculturel et la création bâtiront les indispensables ponts entre les identités, les intolérances mutuelles et les archaïsmes stériles… Oui, la culture est la meilleure chance pour l’avenir de la paix et de la liberté autour du Bassin méditerranéen. À travers cette publication, notre objectif est de sensibiliser, rassembler et mobiliser tous les acteurs et institutions en faveur de cet enjeu déterminant. »

Autant dire qu’au Conseil culturel de l’UpM on adhère totalement à la formule prêtée à Jean Monnet au sujet de la construction européenne : « Si c’était à refaire, je commencerais par la culture ». Formule d’ailleurs placée en ouverture du Manifeste, juste avant une citation très « braudelienne » d’André Malraux : « Les continents séparent les peuples. La mer les rapproche ».

Deux phrases qui résument à elles seules presque toute la philosophie de ce « Manifeste pour la culture en Méditerranée ».

Alfred Mignot


◊ ◊ ◊

(1) LES ARTISTES SIGNATAIRES DU MANIFESTE

Le collectif d’artistes et d’acteurs du monde culturel méditerranéen cosignataires du Manifeste, aux côtés desquels le Conseil culturel a travaillé depuis 2009, sont :
Michelangelo Pistoletto,
Blanca Li,
Nadim Asfar,
Karima Berger,
Slimane Benaïssa,
Sébastien Cailleux,
Meriem Bouderbala,
Plantu,
Sandra Bessis,
Kamal Mouzawak,
Patrick Bouchain,
Dima Bawab,
Jean-Pierre Blanc,
Elias Anastas,
Syhem Belkhodja,
Maurizio Galante,
Giuliana Sétari Carusi,
Aldric Beckmann,
Samira Ibrahim,
Aadel Essaadani,
Vanessa Rousselot.

Ces personnalités témoignent chacune dans Le Manifeste de leur travail et de leur engagement méditerranéen à travers un texte personnel reflétant leurs réflexions et leurs expériences à cet égard.
Cette pléiade de regards singuliers apporte ainsi un complément sensible, concret ou poétique, au texte du Manifeste lui-même.


LIENS UTILES

 Site du Conseil culturel de l’UpM
 Version intégrale en ligne du Manifeste pour la Culture en Méditerranée
 Version PDF à télécharger ICI
 Nos articles relatifs aux activités du CC UpM

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