Laurent Vigier : « La CDC soutient la création d’emplois dans ses coopérations au Maghreb »
À l’occasion de la Semaine économique de la Méditerranée, qui s’est tenue récemment à Marseille (16 au 20 octobre), Laurent Vigier, Directeur des affaires européennes et internationales de la Caisse des dépôts, présidait la session de l’Ocemo dédiée aux problématiques de la création d’emploi, de la lutte contre la pauvreté, à la promotion de la jeunesse et au développement équilibré des territoires des pays méditerranéens.
Photo-ci dessus : Laurent Vigier, Directeur des affaires européennes et internationales de la Caisse des dépôts, lors de son intervention à la session de l’OCEMO dédiée à la jeunesse, à Marseille le 20 octobre 2012. © Alfred Mignot
Dressant tout d’abord un rapide constat de la situation – les politiques économiques des pays du sud ne créent plus suffisamment d’emploi, en particulier à destination des jeunes : 30 % des 15-24 ans sont au chômage en Afrique du nord, contre 14 % en moyenne dans le monde – Laurent Vigier considéra que les causes en sont le « faible taux de croissance actuel, conjugué à une élasticité croissance-emploi insuffisante et à une part importante des jeunes dans la population active ». Évoquant ensuite la situation des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, particulièrement touchés par le chômage, Laurent Vigier estima qu’il en est ainsi « surtout en raison de l’inadéquation entre l’offre de compétence des jeunes diplômés du supérieur et les besoins des entreprises, particulièrement celles du secteur privé ».
Selon le Directeur des affaires européennes et internationales de la CDC, « les politiques industrielles des pays d’Afrique du nord arrivent à bout de souffle, et doivent s’appuyer sur de nouvelles stratégies, capables de générer davantage d’investissements dans les activités à valeur ajoutée ».
Parallèlement, des mesures visant à améliorer le cadre réglementaire sont nécessaires à l’amélioration du climat des affaires des pays du Maghreb, pour le faire converger vers les standards internationaux des pays de l’OCDE.
« Je tiens à souligner, déclara Laurent Vigier, que la Casse des dépôts soutient la création d’emplois dans ses coopérations avec ses partenaires du Maghreb, par exemple avec la CDC tunisienne sur le financement des PME, le soutien à l’innovation et au développement technologique ».
Les inégalités s’accroissent
Au sujet de la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités, Laurent Vigier observa que les pays arabes de la Méditerranée présentent dans ce domaine des résultats contrastés. Entre 1970 et 1980, les taux de pauvreté et d’inégalités étaient plus ou moins maîtrisés grâce à des subventions à la consommation, la création d’emploi dans le secteur public et les transferts des résidents à l’étranger.
« Depuis deux décennies, malgré un taux de croissance supérieur en moyenne à 5 % au Maghreb, nous constatons que les inégalités s’accroissent entre régions, mais aussi entre villes et zones rurales.
L’exemple de la Tunisie est parlant : entre 2000 et 2005, la croissance des revenus par habitant état de 4,4 %, alors que le coefficient de Gini est passé de 39,3 en 2000 à 42,1 en 2005, traduisant une détérioration de la distribution des revenus », releva Laurent Vigier.
Selon lui, une des causes de cette détérioration réside sans doute dans l’épuisement du modèle de l’État providence, avec une fonction publique qui peine aujourd’hui à offrir des emplois et des salaires intéressants – problématique des emplois sous-qualifiés pour des personnes surqualifiées.
Une décentralisation à mettre en œuvre
S’agissant enfin du développement équilibré des territoires, selon le directeur des Relations internationales de la CDC, « Nous l’avons vu, les disparités régionales et les inégalités entre les villes et les campagnes ont été l’une des principales causes des révolutions arabes. En Tunisie, entre 2000 et 2005, 65 % des investissements publics étaient fléchés vers les zones côtières ; en Égypte, le taux de pauvreté est de 77 % et jusqu’à 90 % dans les zones rurales.
En termes de politiques économiques, une véritable décentralisation est à mettre en œuvre dans les pays du Maghreb afin de donner à chaque région des compétences et une autonomie financière pour réaliser des projets économiques, sociaux et culturels en concertation avec les citoyens – seul le Maroc aujourd’hui a fait des avancées en ce sens.
Cette décentralisation renforcerait la cohésion nationale dan ces pays.
Au fond, les politiques publiques au Nord comme au sud de la Méditerranée doivent porter les fruits dune croissance inclusive, en priorisant : un meilleur accès aux emplois pour les jeunes ; la réforme du système éducatif ; la décentralisation des dépenses publiques ; l’amélioration du service public ».
Élargissant son propos, Laurent Vigier conclut en considérant que « les printemps arabes sont aussi un révélateur d’une crise plus large : la croissance est différente du développement ». Cela pose les questions du contenu d’une croissance maîtrisable et inclusive, de sa qualité et de son… partage.
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(*) Le coefficient de Gini est une mesure du degré d’inégalité de la distribution des revenus dans une société donnée, développée par le statisticien italien Corrado Gini. Le coefficient de Gini est un nombre variant de 0 à 1, où 0 signifie l’égalité parfaite (tout le monde a le même revenu) et 1 signifie l’inégalité totale (une personne a tout le revenu, les autres n’ont rien, cas extrême du maître et de ses esclaves).
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